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Sur le terrain du dialogue social

Reforme de l’hôpital : « Il faut du temps pour absorber les réformes »

Sur le terrain du dialogue social | publié le : 12.03.2018 | Hugo Lattard

Aux côtés des questions du financement, de la transition numérique ou de la réorganisation territoriale de l’offre de soins, l’adaptation des formations et des ressources humaines aux enjeux du système de santé est un des cinq axes du plan de réforme appelé par Édouard Philippe, le Premier ministre, et Agnès Buzyn, la ministre de la Santé. « Le système de santé ne pourra pas évoluer en profondeur sans les professionnels », a-t-elle fait valoir à ce sujet.

Une nouvelle réforme de l’hôpital se profile. En matière de ressources humaines, quels sont les enjeux ?

Hubert Jaspard : Ces vingt dernières années, le secteur de la santé a déjà été amené à accompagner beaucoup de réformes. À chaque fois, il a su s’adapter et évoluer rapidement. À l’EHESP, où sont formés les cadres dirigeants des établissements de santé et les fonctionnaires des Agences régionales de santé, nous sommes nous-mêmes amenés à nous adapter sans cesse à ces orientations publiques, à faire évoluer nos formations. Désormais, des questions se posent très fortement sur les équilibres globaux de notre système de santé, et interrogent un certain nombre de pratiques. Par exemple, concernant la pertinence des actes. Quand vous avez un patient qui va voir un médecin, et demande une IRM, les évolutions sociétales et juridiques font que le médecin peut avoir tendance à prescrire cette IRM, même si le bénéfice rapporté au risque n’est pas intéressant à 100 %. Ce sont des questions de fond, qui se posent aussi dans la formation initiale, des médecins, comme des responsables des hôpitaux. La notion de management s’est déjà énormément développée dans la santé. On est passé de structures gérées de façon administrative, à des animations managériales transversales, qui se font plus en termes de gestion de projets. Mais le management, c’est aussi de dire qu’il faut du temps, pour pouvoir absorber toutes ces réformes. On ne manage pas avec une note de service. Il faut rencontrer les professionnels, mettre de l’humain, comprendre les spécificités du terrain, pour pouvoir s’adapter.

Comment résoudre les problèmes d’attractivité, comme l’a appelé la ministre ?

À l’hôpital, ces questions d’attractivité ne se posent pas de la même manière dans l’Ouest, dans l’Est ou dans le Sud de la France. Ce sont d’abord des questions d’attractivité des territoires, qui font qu’il est plus ou moins simple de recruter. À ce sujet, laisse-t-on faire entre guillemets la loi du marché, avec des territoires attractifs et d’autres qui ont du mal à recruter ? Faut-il mettre en place un système incitatif ? Des contraintes ? Cet enjeu se pose pour tous les métiers de la santé, en médecine de ville comme à l’hôpital, qu’il s’agisse des médecins, des infirmières, des directeurs d’hôpitaux, des directeurs de soins, etc. Donc il faut imaginer des projets pragmatiques par rapport à la réalité d’un territoire. Par exemple, dans un hôpital, on peut prendre sous contrat des personnes pour qu’elles suivent une formation de manipulateur radio, de kiné. Mon intime conviction est qu’il faut apprendre aux professionnels à prendre en compte ces spécificités des territoires. Et essayer de trouver des réponses qui ne vont pas nécessairement être les mêmes d’un territoire à l’autre.

À l’hôpital, en quoi le travail a-t-il changé ? Comment répondre à ces changements ?

Trois principales évolutions ont transformé l’hôpital ces vingt dernières années. La mise en place des 35 heures, avec un impact d’autant plus fort sur une organisation de travail fonctionnant 24 heures sur 24. Cela a rendu le fonctionnement extrêmement tendu, avec des temps de régulation qui ont diminué voire disparu. À la frontière entre les tâches, à l’hôpital, ces temps de régulation permettent pourtant d’ajuster le travail, entre infirmières, entre les infirmières et les médecins, entre les personnels médicaux et les cadres de santé. Encore une fois, le management et le travail en équipes nécessitent du temps. Il faut donc prendre le temps de la concertation, parfois de la confrontation, avec les professionnels. Et ce temps a évolué, il s’est accéléré comme ailleurs dans la société. Dans le même temps, la demande de soins aussi a changé. Elle est plus forte, notamment avec le développement des maladies chroniques, ou du vieillissement de la population. Une troisième évolution concerne les conditions de travail avec des préoccupations nouvelles comme la QVT, les souffrances au travail, le burn-out, le harcèlement, des notions dont on ne se souciait pas il y a vingt ans. À l’hôpital aussi, les managers doivent prendre en compte ces évolutions dans la gestion des équipes.

Auteur

  • Hugo Lattard