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Sur le terrain de la santé

International : La marijuana inquiète les entreprises canadiennes

Sur le terrain de la santé | publié le : 05.03.2018 | Ludovic Hirtzmann

Le Canada légalisera l’été prochain la consommation et la vente de marijuana. Les chefs d’entreprise craignent plus que tout cette légalisation et de nombreuses sociétés ont déjà pris les devants.

C’était une promesse de campagne. Le premier ministre Justin Trudeau a tenu parole, la consommation et la vente de marijuana seront légalisées dès cet été. Si les Canadiens sont pour près des deux tiers favorables à une telle mesure, les milieux professionnels ne le sont pas. Selon un sondage mené en novembre 2017 par l’ordre des conseillers en ressources humaines agrées du Québec (CHRA), 73 % d’entre eux sont préoccupés par la légalisation de la marijuana dans les milieux de travail, alors qu’ils estiment à 61 % que la drogue n’est pas actuellement un problème dans leur entreprise.

Politique de travail sur le cannabis

La légalisation préoccupe aussi les commerçants et les entrepreneurs de la construction, qui assurent qu’ils feront respecter une « tolérance zéro » pour la consommation de cannabis. En Ontario, l’un des superviseurs d’une entreprise du bâtiment, Metron Construction, a été récemment condamné à trois ans et demi de prison pour avoir laissé des ouvriers fumer de la marijuana, consommation qui aurait contribué à leur chute d’un échafaudage et à des blessures. Les craintes des entrepreneurs concernent l’absentéisme, la baisse de productivité et une hausse des accidents de travail. Plus de 60 % des sociétés canadiennes affirment cependant être prêtes à faire face à la légalisation. Une nécessité, car les acteurs économiques se préparent depuis déjà deux ans à ce qui promet d’être une véritable manne. Dans un rapport détaillé intitulé « Légalisation du cannabis : considérations financières », publié en novembre 2016, le directeur parlementaire du budget, Jean-Denis Fréchette, a estimé que les dépenses totales des consommateurs de cannabis s’élèveront entre 4,2 milliards et 6,2 milliards de dollars canadiens (entre 2,8 et 4,13 milliards d’euros) cette année.

« Si l’employeur a des raisons sérieuses de croire qu’un employé est sous l’influence d’une drogue, il a aussi le droit d’imposer des sanctions, puisque une telle situation peut représenter un danger pour l’employé lui-même et pour les autres salariés », souligne la directrice générale de l’ordre des conseillers en ressources humaines agréés, Manon Poirier, qui conseille la mise en place d’une politique dans l’entreprise pour prévenir tout dérapage. Après une consultation auprès des employés, cette politique devra comprendre un volet de sensibilisation des travailleurs aux effets des drogues, afin de prévenir leur utilisation. Mais aussi la formation de cadres superviseurs aptes à détecter les symptômes de la consommation de cannabis chez les salariés de l’entreprise. La société devra mettre en place une communication régulière de sa politique auprès de ces derniers, une aide psychologique et des sanctions disciplinaires. Selon le CHRA, une bonne politique doit comprendre un comité de suivi impliquant les syndicats et les responsables des ressources humaines, qui effectueront un bilan des résultats au bout d’un an. Pour aider ses entreprises membres, le CHRA a conçu un petit guide, Comment s’adapter à la légalisation du cannabis dans les milieux de travail, disponible sur internet(1). Comme le précise ce dernier, « tout employeur conserve les droits de gérance lui permettant de mettre en place une politique prohibant la possession ou la consommation de drogues sur les lieux du travail ». Pour certains patrons, toutefois, le cannabis ne semble pas être un enjeu. Selon ce chef d’une petite entreprise montréalaise de services d’une vingtaine d’employés, qui préfère rester anonyme : « La marijuana n’est pas un problème. Il m’est arrivé de fumer du pot(2) au bureau. » Dans les provinces plus pauvres du pays, comme le Nouveau-Brunswick, la légalisation est même une aubaine pour un marché du travail déprimé. Au collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB), des professeurs forment depuis cette année une petite trentaine de techniciens du cannabis. Pierre Clavet, conseiller sectoriel du CCNB, confie que les étudiants y apprennent toutes les étapes pour faire pousser la plante de cannabis, à travers des cours de botanique ou de production industrielle. Quelques entreprises se sont implantées dans la région. L’une des plus importantes, Zenabis, a prévu d’embaucher 450 personnes dans son usine lorsque le cannabis sera légalisé. Les entrepreneurs réticents à la légalisation devront donc s’y faire.

(1) www.crha.li/2icU2f9

(2) Marijuana en québécois.

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann