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L’enquête

Égalité professionnelle hommes-femmes : Comment les DRH font bouger les lignes

L’enquête | publié le : 05.03.2018 | Nathalie Tran

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Égalité professionnelle hommes-femmes : Comment les DRH font bouger les lignes

Crédit photo Nathalie Tran

Au-delà du cadre législatif, les professionnels des ressources humaines innovent sur le terrain pour faire progresser la mixité des métiers et l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Une démarche qui s’impose à petits pas.

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ! La maxime de Nicolas Boileau pourrait s’appliquer au travail engagé par les entreprises en matière d’égalité professionnelle. Une démarche systématique, progressive, mais toujours perfective sur l’ensemble des processus RH. Malgré la mise en place de politiques volontaristes, initiées pour certaines depuis une dizaine d’années, la parité a toujours du mal à s’installer. « C’est un parcours de longue haleine nécessaire, qui demande beaucoup de persévérance. Rien n’est acquis », reconnaît Mathilde Tabary, directrice diversité du groupe Carrefour.

Le distributeur compte 56,6 % de femmes dans son effectif et plus de 40 % dans l’encadrement, soit une augmentation de 13 % sur les six dernières années. La partie n’est pas gagnée pour autant : elles ne sont encore que 17 % parmi les cadres dirigeants en dépit d’une progression de 11 % depuis 2011, année de lancement du programme Women Leaders, destiné à promouvoir la place des femmes au sein du groupe. Comme beaucoup d’organisations, c’est sur le top management que l’enseigne axe aujourd’hui ses efforts avec un objectif de 40 % de collaboratrices nommées aux postes clés du groupe d’ici 2025.

Une prise de conscience collective

« Même les entreprises qui n’ont pas de difficulté pour attirer des femmes et disposent des compétences féminines nécessaires sont confrontées à ce même plafond qui n’est plus en verre mais en béton », observe Emmanuelle Gagliardi, présidente de l’agence Connecting Women. Selon elle, la clé du succès en matière de parité réside à la fois dans la conviction de la direction générale et le suivi des dispositifs sur le terrain. « Les actions doivent être partagées au plus haut niveau de l’entreprise et portées sur le terrain par des personnes convaincantes qui ne lâchent rien », confirme Mathilde Tabary. À cet effet, Carrefour a identifié des ambassadeurs RH, dans chaque pays, pour maintenir la mobilisation sur le sujet.

Si un engagement fort de la direction est une condition indispensable, rien n’est possible sans l’adhésion des parties prenantes. « Développer des actions sans accompagner les collaborateurs, ça ne marche pas, car chacun transporte son sac de représentations sur le dos », constate Élisabeth Ferro Vallé, présidente de l’Afnor. Chez BNP Paribas, managers et responsables des ressources humaines sont formés pour éviter cet écueil. « L’objectif est de leur faire prendre conscience des biais décisionnels, construits depuis l’enfance et que la société a entretenus, afin de leur permettre de prendre du recul lors d’une prise de décision comme un recrutement, notamment », précise Barbara Levéel, responsable diversité et RSE RH du groupe.

Daher privilégie, quant à lui, la coconstruction. L’équipementier aéronautique lancera le 8 mars, à l’occasion de la Journée de la femme, une grande consultation au sein du groupe sur l’égalité et la diversité. Les collaborateurs seront sollicités via une plateforme collaborative pour identifier les freins existants et faire remonter des propositions en faveur de la mixité. « L’intelligence collective nous permettra d’être plus complets dans les solutions à développer. C’est aussi une manière de faire prendre conscience à nos collaborateurs que la culture de l’entreprise est en train de changer », explique Vincent Chanron, VP transformation, risk & sustainable development human resources. Pénalisé par la pénurie de candidatures féminines dans le secteur aéronautique, Daher mise néanmoins sur son vivier de hauts potentiels féminins, recrutés depuis deux ans, pour faire bouger les lignes. « Nous espérons faire grandir ces jeunes talents pour qu’elles deviennent les cadres dirigeantes de demain », confie Vincent Chanron.

La création de réseaux féminins internes est un autre levier utilisé par les sociétés pour déployer la mixité. Chez BNP Paribas, l’association Mixcity, qui réunit à présent 7 700 adhérentes, fait partie intégrante de la politique égalité du groupe. Créée pour faciliter l’accession des femmes à des postes d’encadrement supérieur et promouvoir un meilleur équilibre des temps de vie, elle contribue à la transformation de l’organisation par le déploiement de ses bonnes pratiques. « Quel que soit le secteur, on assiste à une explosion de réseaux d’entreprise. Ils permettent aux femmes de développer leur réseau et une intelligence politique, des soft skills utiles à leur progression », se félicite Emmanuelle Gagliardi.

La lutte contre les stéréotypes des métiers

Gommer les inégalités, c’est aussi s’attaquer aux stéréotypes qui enferment les femmes et les hommes dans certaines fonctions. C’est donc sur la mixité de ses métiers que La Poste a décidé de concentrer aujourd’hui son combat. « Nous travaillons sur les représentations que les uns et les autres se font des métiers. L’idée est de convaincre chacun que l’ensemble des postes est ouvert indifféremment aux femmes et aux hommes et que le seul critère retenu est la compétence », indique Florence Wiener, directrice de la stratégie sociale et qualité de vie au travail groupe. L’expérience montre que tout le monde peut y gagner : « Le recrutement des femmes sur les chaînes de production a été un facteur d’amélioration des conditions de travail dans l’industrie. À l’inverse, lorsque les hommes arrivent sur des emplois traditionnellement occupés par des femmes, on constate une revalorisation des postes, notamment en termes d’évolution, et des durées de temps de travail qui s’allongent », remarque Élisabeth Ferro Vallé. Parmi ses priorités, La Poste met également l’accent sur la prévention du sexisme dans les relations de travail et des violences faites aux femmes. Pour aborder l’ensemble de ces sujets, l’entreprise a lancé une grande campagne de sensibilisation interne baptisée Tous différents, tous performants.

Enfin, pour casser les idées reçues à la source, certaines entreprises vont jusque dans les lycées faire découvrir aux jeunes filles leurs métiers et les opportunités qu’ils présentent. C’est le cas de l’assureur Generali, partenaire du programme Capital filles, une association qui permet aux collaboratrices de mentorer des lycéennes de classe de terminale pour les aider à mieux s’orienter. « Notre objectif est de leur montrer que nos métiers sont ouverts à tous, filles comme garçons, et ouvrir ainsi le champ des possibles », précise Sylvie Peretti, directrice des ressources humaines France.

Auteur

  • Nathalie Tran