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Le fait de la semaine

Allemagne : La fondation d’entreprise, un garant très relatif de RSE

Le fait de la semaine | publié le : 19.02.2018 | Mathieu Noyer

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Allemagne : La fondation d’entreprise, un garant très relatif de RSE

Crédit photo Mathieu Noyer

Bosch, Bertelsmann, ThyssenKrupp : plus d’un fleuron de l’économie allemande est détenu par une fondation d’entreprise dont le rôle dépasse la vocation philanthropique. La structure à but non lucratif reçoit les parts du créateur ou de ses descendants et devient le propriétaire majoritaire de l’entreprise, petite ou grande.

Sur le papier, le profil de cet « actionnaire » d’un genre particulier semble idéal pour faire de l’entreprise un lieu non seulement de profit, mais aussi de responsabilité sociétale et environnementale, de prise en compte du bien-être au travail, de coparticipation des salariés aux décisions stratégiques. Dans les faits, la relation de cause à effet varie beaucoup d’un cas à l’autre. Certaines fondations jouent un rôle comparable au conseil de surveillance, vigilant à ce que l’activité au quotidien de l’entreprise et sa stratégie plus générale n’entrent pas en contradiction avec leurs propres buts. « Mais au global, ces entreprises-là sont-elles par essence plus socialement responsables que les autres ? Je n’en ai pas la certitude. Quant à la participation aux décisions, nous avons la cogestion syndicats/patronat qui fonctionne bien en soi, et pas davantage dans ce type d’entreprises que dans une autre “classique” », estime-t-on au siège d’IG Metall, le puissant syndicat de la métallurgie. Plusieurs études confirment l’absence de distinction particulière sur la codécision, elles soulignent en revanche une plus grande attention à maintenir l’emploi, particulièrement en période de crise.

Très souvent, les deux parties veillent à fonctionner en très large indépendance l’un par rapport à l’autre. L’impact nul ou faible sur la marche de l’entreprise se vérifie, que la fondation ne détienne qu’une minorité ou même qu’elle soit majoritaire. En témoigne Bosch, l’exemple considéré comme le plus emblématique et le plus important en taille (le groupe emploie 400 000 salariés dans le monde) de la fondation « actionnaire ». La fondation Robert Bosch, créée en 1964 par les héritiers du créateur, détient 92 % du capital, pourtant elle n’a aucun droit de vote : elle les a transférés à une société intermédiaire, à statut de société en commandite par action, qui poursuit les objectifs économiques et financiers classiques de toute entreprise. « Nous partageons des valeurs communes, mais la séparation des activités se veut claire, il n’y a aucun lien de contenu, ni d’interférence entre l’entreprise et nos propres buts [santé, promotion de la formation, de la recherche scientifique ou encore l’amitié entre les peuples, (NDLR) », appuie Michael Herm, un porte-parole de la fondation.

Indépendance préservée

Le rôle commun et essentiel de ces fondations vis-à-vis de « leur » entreprise est d’un autre ordre : verrouiller le capital pour le maintenir familial ou assurer une transmission qui mettre à l’abri de toute OPA. « Bosch est une entreprise non cotée en Bourse, l’indépendance par rapport aux marchés financiers qui en résulte lui permet de mieux planifier son développement sur le long terme », insiste Michael Herm. C’est là une marque d’identité de l’économie allemande maintes fois saluée comme l’un des secrets de sa réussite.

Transposer en France ce « modèle au demeurant hétérogène, est-il envisageable ? Le chemin à parcourir serait long, estime Philippe-Henri Dutheil, avocat chez EY (Ernst & Young) spécialisé en droit des fondations : « Il impliquerait une révision du régime des fondations qui repose aujourd’hui sur le principe de leur spécialité, ainsi que, pourquoi pas, une éventuelle modification en profondeur du droit des successions pour permettre la transmission intégrale de patrimoine à une structure d’intérêt général. »

Auteur

  • Mathieu Noyer