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Le fait de la semaine

Loi pacte : Épargne salariale, bientôt la réforme

Le fait de la semaine | publié le : 12.02.2018 | Domitille Arrivet

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Loi pacte : Épargne salariale, bientôt la réforme

Crédit photo Domitille Arrivet

Dans le cadre de la loi Pacte, le gouvernement entend élargir l’accès des salariés à l’intéressement et à la participation. Une ouverture qui doit passer, aux yeux des chefs d’entreprise, par un allégement de la fiscalité.

Suppression totale ou suppression partielle ? C’est sur cette question de l’allégement ou de la disparition du forfait social attaché à l’abondement des entreprises sur l’épargne salariale que la bataille fera sans doute rage d’ici à quelques mois dans l’Hémicycle. C’est en tout cas le point d’appui que prendront les acteurs de l’écosystème pour apporter ou non leur soutien à cet axe de développement voulu par le gouvernement. Faire en sorte que tous les salariés puissent avoir accès à une part des bénéfices de l’entreprise qui les emploie, c’était une promesse forte d’Emmanuel Macron durant sa campagne pour la présidence de la République, l’an dernier. C’est aussi une disposition dont il a confié à son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, le soin de définir les contours. Puis de l’inscrire dans un véhicule législatif qui permettra de la mettre en œuvre au plus tôt. Ce projet, que certains qualifient de « réforme du quinquennat » est donc l’un des volets du projet de loi Pacte qui sera présentée en Conseil des ministres courant avril. Le souhait du ministre est clair : qu’à terme 100 % des salariés bénéficient de l’intéressement ou de la participation, et qu’en moyenne 10 % du capital des entreprises soit détenu par leurs salariés. Reste à savoir à quel terme et dans quelles conditions.

Le sujet est en effet important car l’intéressement et la participation ou le Plan d’épargne d’entreprise ont été au cours du temps inscrits dans la loi. C’est même le cas depuis 1967 en ce qui concerne la participation, instituée par le Général de Gaulle qui voulait « augmenter massivement la productivité française » et que « les ouvriers ne soient plus des instruments, mais des associés ».

Trois pistes de réflexion

Les outils actuels pourraient être qualifiés de multi-usages. À la fois facteurs de motivation pour les salariés, dispositifs d’épargne complémentaire, mais aussi moyens de financer certains pans de l’économie, leurs encours atteignent maintenant 130 milliards d’euros en 2017, selon l’Association française de la gestion financière (AFG).

Coté salariés, l’engouement est certain. « Ils sont, en France, 3,5 millions à détenir des produits d’épargne salariale, alors que seulement 3 millions de Français détiennent des actions à titre individuel », s’est félicité l’ex-député Jean-Pierre Balligand, lors des 5es Rencontres pour l’épargne salariale, le 6 février 2018. Une manne issue de leur contribution à l’entreprise liée à leur travail qui représentait, selon la Dares, 15,2 milliards en 2016. Et a permis en moyenne à chaque individu concerné d’engranger 1 700 euros au titre de la participation et 1 300 au titre de l’intéressement.

Coté entreprises, l’engouement a été douché ces dernières années, notamment à cause de l’augmentation de la fiscalité (le forfait social) qui porte sur la partie des bénéfices redistribuée par l’entreprise aux salariés. Une première taxe instaurée en 2008 à 2 % durant la présidence de Nicolas Sarkozy, qui a peu à peu grimpée à 4 % puis 6 %, puis 8 %. Jusqu’à flamber à 20 % sous la présidence de son successeur, François Hollande, en 2012. Imposés par la droite comme par la gauche, ces prélèvements fiscaux ont, selon bien des professionnels du secteur, mis à mal les politiques volontaristes et incitatives développées par les entreprises. « Le nombre d’actionnaires salariés donne des signes d’effritement. Il est passé de 3,2 millions à 2,9 millions d’actionnaires ces dernières années », souligne Benoît de Juvigny, le secrétaire général de l’AMF. Une chute cependant bien moins importante que celle du nombre d’actionnaires individuels qui est passé de 7 millions à 3,3 millions d’individus sur la même période, du fait de la crise financière notamment.

Pour l’avenir, trois pistes de réflexions doivent être évaluées, suggère encore Jean-Pierre Balligand. Pour favoriser le renouveau de l’épargne salariale, notamment dans les PME (parmi lesquelles seulement 16 % de salariés en sont bénéficiaires, alors qu’ils le sont à 80 % dans les grandes entreprises), certains plaident pour des accords par branches professionnelles (lire page 7 notre focus à ce sujet). Une solution de facilité pour toutes ces petites sociétés qui n’ont pas le temps ni les compétences nécessaires à la signature d’un accord spécifique à leur entreprise. Autres pistes de réflexion qui servent à alimenter les débats : « Pourquoi ne pas différencier le montant du forfait social en fonction de la durée de détention, ou encore créer des Perco ou des PEE sans qu’ils requièrent obligatoirement un abondement de la part des chefs d’entreprise », suggère encore l’ex-député. Autant de pistes qui reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène à la faveur de la loi Pacte. Avec une limite que souligne Jean-Pierre Balligand : « La libération anticipée ne doit pas être un moyen déguisé d’augmenter les salaires pour les entreprises qui ne peuvent pas le faire. » Une pique envers la possibilité de libération anticipée que le président Sarkozy avait créée en 2008, au début de son mandat, afin d’augmenter le pouvoir d’achat des Français.

Un moyen de fidéliser les collaborateurs

Aujourd’hui, le débat qui s’ouvre va plus loin. Et les expériences des entreprises qui ont mis en place l’actionnariat salarié confortent la volonté des pouvoirs publics d’élargir ces dispositifs financiers, afin qu’ils bénéficient en même temps aux entreprises et aux collaborateurs. Erwan Coatanéa, le dirigeant de la société Sodistra, qu’il a rachetée en 2013, témoigne : « Dans mon entreprise de 47 salariés, nous avons calé l’intéressement sur le résultat de l’entreprise. Cela oblige à faire de la pédagogie pour expliquer que chiffre d’affaires ne veut pas dire résultat. Mais j’ai constaté que cela conduit chacun à beaucoup d’autodiscipline et à une meilleure gestion des uns et des autres », se satisfait-il. Même analyse de la part de Christophe Wallyn, fondateur avec son épouse de Bébé au naturel, une société de vente de produits biologiques. Deux ans après le démarrage, il met en place un accord d’intéressement en 2006. Il bénéficie aujourd’hui aux collaborateurs de cette PME de 72 personnes. « À la différence d’une grande entreprise où le chiffre d’affaires est réalisé par quelques-uns, dans une petite le résultat dépend de la contribution de l’ensemble des salariés », constate le dirigeant. Sa méthode ? Chaque mois, le directeur administratif et financier présente le compte de résultat à l’ensemble des collaborateurs, et le relie au poste de travail de chacun. « Associé à un intéressement, cela marche aussitôt. Cela fidélise les collaborateurs, attire les talents et stabilise l’entreprise », se félicite-t-il.

Convaincue de la pertinence de l’extension de ce type de dispositifs, la députée de Paris Olivia Grégoire, membre de la commission des finances, précise le cap des réflexions en cours dans le cadre de la mission confié aux députés et chefs d’entreprise afin de préparer la loi Pacte. « Il est important d’expliquer mieux le principe de l’intéressement et de la participation aux entrepreneurs et aux salariés », souligne-t-elle. Mais pour être également plus productive pour l’économie et plus équilibrée, « l’épargne salariale devra marcher sur trois jambes : avec moins de précaution, plus de risque, et des investissements à plus long terme », confie la députée LREM. Son confrère à l’Assemblée, le député Stanislas Guerini, ancien chef d’entreprise lui aussi, voudrait revoir la formule de la participation. « Le partage de la valeur ajoutée, c’est daté, explique-t-il à son tour durant les 5es Rencontres pour l’épargne salariale. Il faut revenir à quelque chose de plus lisible. Quant à l’idée de fusionner l’intéressement et la participation, c’est une erreur », estime-t-il. Sa préconisation ? Verser, de façon égalitaire, une participation d’un montant équivalent pour tous les salariés. Mais, avec l’intéressement, associer les collaborateurs de façon différenciée à la stratégie de l’entreprise. « Et puis, prévoyons des accords de branche tout faits pour éviter d’avoir à mettre en place des instances représentatives du personnel », ajoute-t-il.

Autant de pistes qui seront explorées et soupesées d’ici la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, dans quelques semaines. Les tractations s’ouvrent déjà. Michel Bon, le président de Fondact, l’association dédiée au développement de la participation des salariés, l’a rappelé en clôture de la matinée d’échanges : « La suppression totale du forfait que nous demandons est, pour l’État, une décision à 1,5 milliard d’euros. » Pas facile à obtenir compte tenu de la situation des finances publiques. Mais, suggère cet ancien patron de France Télécom puis de Carrefour, « cela pourrait être échelonné dans le temps du quinquennat. On peut commencer par des points qui ne coûtent à l’État que 200 millions ou 300 millions d’euros. Nous ne demandons pas la lune. » L’histoire dira dans quelques mois s’il a été entendu.

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  • Domitille Arrivet