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Le fait de la semaine

Emploi : La rupture conventionnelle collective va-t-elle tout casser ?

Le fait de la semaine | publié le : 29.01.2018 | Hugo Lattard

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Emploi : La rupture conventionnelle collective va-t-elle tout casser ?

Crédit photo Hugo Lattard

Nouvel outil de gestion des effectifs, la rupture conventionnelle collective offre aux entreprises un cadre légal sécurisé pour organiser un plan de départs volontaires (PDV). Rompus aux PDV, de grands groupes se sont déjà saisis du dispositif, à l’instar de PSA, ou ont annoncé leur intention de le faire, comme la Société Générale. Les petites et moyennes entreprises peuvent elles aussi y recourir.

Un big-bang, la rupture conventionnelle collective (RCC) ? Plus probablement un changement dans la continuité. Depuis le début de l’année, ce dispositif institué lui aussi par les ordonnances réformant le droit du travail est en vigueur. Offrant désormais aux entreprises une base juridique inscrite dans le Code du travail, pour organiser un plan de départs volontaires (PDV), même quand l’entreprise ne traverse pas de difficultés économiques. Car des plans de départs volontaires (PDV), les grandes entreprises en organisaient déjà. De plus en plus. De l’ordre d’une centaine par an ces trois dernières années, indiquent les services de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), qui ont conçu la RCC. Faute d’une autre base légale, « jusqu’à présent, les plans de départs volontaires étaient traités par le juge comme des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) », rappelle Hervé Léost, sous-directeur des mutations économiques et de la sécurisation des emplois, à la DGEFP. « Il y avait un problème de sécurisation juridique de ces PDV, qui n’étaient pas prévus par la loi, mais uniquement par la jurisprudence », observe-t-il (lire l’entretien p. 6). Autre contrainte, les entreprises étaient de fait tenues de respecter la procédure d’un PSE, plus lourde et plus longue. Un PSE qui doit en outre être justifié par des motifs économiques. Or avec la reprise, les entreprises retrouvent des couleurs et de bons résultats. Les difficultés se font plus rares. Dans cette nouvelle conjoncture, la RCC offre donc aux employeurs un outil de réorganisation des effectifs. Une nécessité accrue pour ceux confrontés à une forte évolution des métiers, avec la transformation digitale en cours.

Gain de temps et de souplesse

Décalquée de la rupture conventionnelle, la RCC repose impérativement sur le volontariat. Elle exclut de fait tout licenciement. Elle ne peut donc composer la phase préliminaire d’un PSE. Pour entrer en vigueur, la RCC doit faire l’objet d’un accord majoritaire au sein de l’entreprise. Dès l’ouverture de la négociation, l’employeur doit informer l’administration, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), appelée à examiner les accords pour validation. Comme pour la rupture conventionnelle individuelle, la RCC ouvre les droits au chômage. Elle est assortie d’une indemnité de rupture, dont le montant minimal est celui de l’indemnité légale de licenciement. L’accord de RCC doit également prévoir des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés, ou des actions de soutien à la création ou la reprise d’activités. À compter de la réception de l’accord, la Direccte a 15 jours pour contrôler sa régularité. Pour les entreprises, le gain de temps et de souplesse est indéniable. Sachant que la procédure d’un PSE, pour une entreprise qui souhaite se séparer de 250 salariés ne peut être inférieure à quatre mois. Mais il faut tout de même le temps nécessaire à la signature d’un accord, celui-ci dépend de la qualité du dialogue social dans l’entreprise. À ce sujet, la rapidité avec laquelle le groupe PSA a annoncé la signature d’un accord, le 19 janvier, peut être trompeuse. Le constructeur restera certes comme la première entreprise à avoir signé une RCC. Mais il n’a fait qu’utiliser le nouvel outil pour intégrer 1 300 départs volontaires dans son Dispositif d’adaptation des emplois et des compétences (DAEC) pour 2018. Après avoir déjà échafaudé de multiples plans de départs volontaires, ces dernières années. Le même jour, la Société Générale a indiqué sa volonté d’ouvrir elle aussi « une négociation concernant un projet d’accord portant sur un dispositif de RCC » avec les représentants du personnel. L’établissement, face à une transformation profonde de la banque de détail, s’étant attelée à une réorganisation de son réseau. Il est également déjà question de RCC dans la presse – au groupe Le Figaro et aux Inrockuptibles. Carrefour l’aurait un temps envisagée, pour son plan de départs volontaires, qui va concerner 2 400 personnes. Et l’enseigne de prêt-à-porter Pimkie en a fait une première expérience, plus amère. Pour les 208 suppressions d’emplois et fermetures de sites annoncées, alors que Pimkie essuie des pertes, les syndicats ont bruyamment refusé toute RCC, qui offre moins de garanties de reclassement qu’un PSE. Pour autant, un mois après sa création, ce n’est pas non plus le grand rush des employeurs vers le nouveau dispositif. « Il n’y a pas de déferlement des RCC », constatent les services de la DGEFP.

Points de crispation

Côté syndicats, au niveau confédéral, la rupture conventionnelle collective a dans un premier temps fait tousser. Philippe Martinez, patron de la CGT, ayant eu les mots les plus durs, dénonçant « un plan social déguisé » chez PSA. Philippe Martinez voyant dans la RCC « une façon très facile pour les entreprises de se débarrasser d’un certain nombre de salariés (…) et d’éviter de faire un plan social où on discute des mesures d’accompagnement ». Laurent Berger, numéro 1 de la CFDT, s’est montré lui aussi réticent, estimant que la RCC représentait « un vrai danger pour les seniors ». « Même si elles sont encadrées par un accord, elles ne favorisent pas l’emploi, mais les départs de l’entreprise, et dans des conditions moins favorables qu’un plan social », a pointé, lui aussi, Laurent Berger. Les mesures de reclassement, en particulier, ont constitué un point de crispation, le dispositif RCC étant moins disant qu’un PSE. Dès lors que dans les entreprises d’au moins 1 000 salariés, ces derniers ne sont pas tenus de se voir proposer un congé de reclassement.

Reste que le cadre légal de la RCC est encore susceptible de petites évolutions. À la faveur du projet de loi de ratification des ordonnances, toujours en cours d’examen au Parlement. Lors de son passage à l’Assemblée, fin novembre, les députés ont amendé le texte. Notamment pour offrir la possibilité aux salariés quittant l’entreprise avec la rupture conventionnelle collective de mobiliser le congé mobilité.

420 900 ruptures conventionnelles homologuées en 2017, un record

L’an dernier, les Direccte ont homologué 420 881 ruptures conventionnelles individuelles, nouveau record. Par rapport à 2016, leur nombre est en hausse de 7,8 %, selon des données du ministère du Travail. Le taux de refus d’homologation, qui dépassait 10 % en 2009, première année pleine d’application du dispositif, a diminué progressivement, pour s’établir à 5 % depuis 2015.

Auteur

  • Hugo Lattard