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Organisation : Managers de proximité : indispensables, mais invisibles

L’actualité | publié le : 29.01.2018 |

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Organisation : Managers de proximité : indispensables, mais invisibles

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Les managers de proximité sont aujourd’hui menacés par de nouvelles formes d’organisation. Mais les entreprises pourront-elles vraiment s’en passer ?

Christelle Théron, chercheure à Toulouse School of Management Research, étudie les nouvelles formes d’organisation et de systèmes hiérarchiques dans les entreprises. Face à la diminution des managers de proximité et de leur rôle, elle en rappelle toute l’importance.

On parle beaucoup du blues des managers de terrain. Ils se sentent remis en cause. Pourquoi ?

Le rôle des managers de proximité est profondément bousculé. On valorise beaucoup plus l’autonomie des salariés que leur obéissance à des règles préétablies. Les entreprises à la hiérarchie plate connaissent une certaine vogue. Les managers de proximité se sentent mal compris. On leur réclame de faire preuve de leadership. Et en même temps, on confie aux services qualité et au contrôle de gestion une bonne partie des tâches de contrôle, à travers la mise en place d’indicateurs de performance. Comme si la fonction de supervision des managers, autrefois centrale, semblait dépassée.

Mais, réellement, sur le terrain, est-ce la même réalité ?

Non. Des recherches menées depuis six ans amènent à changer de perception. Dans la réalité concrète du management de terrain, la supervision des équipes garde une importance majeure tout en s’effectuant de manière subtile. Il s’agit en fait d’une attention particulière qui permet de réorienter, à chaque fois que nécessaire, l’attention des collaborateurs vers les tâches prioritaires.

Le phénomène est particulièrement frappant pour les activités de services. Bon nombre d’entreprises font de la qualité de service aux clients, un enjeu clé. Mais la satisfaction client est si fragile qu’une seule mauvaise impression peut anéantir les précédentes perceptions positives. L’enjeu est donc de parvenir à maintenir, en continu, une qualité irréprochable, pour tous les clients. Or, un individu seul peut difficilement y réussir : occupé à la réalisation de la tâche en cours, le peu d’attention périphérique qui lui reste ne suffit pas à garantir une qualité de service optimale.

Une des solutions tiendrait donc dans le maintien d’un management de proximité ?

Oui, le manager de proximité bénéficie d’une vision globale tant des actions à mener que de l’environnement. Il repère les micro-écarts individuels par rapport à la ligne stratégique, des écarts qui, pris isolément, n’ont apparemment pas d’impact direct, mais dont la somme peut engendrer in fine un réel mécontentement. Le manager peut sembler dispersé, passant d’un poste de travail à l’autre, répondant aux sollicitations, gérant les imprévus. Mais c’est cette présence sur le terrain, au fil de l’eau, qui fait toute son efficacité.

Parler du rôle stratégique de ces managers de proximité peut sembler contre-intuitif. Pourtant, sans l’intervention de ces acteurs clés, les meilleurs plans stratégiques sont susceptibles de rester lettre morte. Le cœur du métier de manager est précisément leur expertise attentionnelle. Ils recentrent sans cesse l’attention des salariés sur les éléments les plus importants pour l’entreprise.

Mais comment former ces managers ?

Former les futurs encadrants à ces tâches très subtiles n’a rien d’évident. Le manager qui vient d’entrer en fonction peut être submergé par le rythme du quotidien et la diversité des problématiques. Des cours classiques ne l’aideront guère.

Permettre aux futurs cadres de suivre sur le terrain des managers expérimentés pour apprendre de leur exemple serait une bonne piste. Cette méthode, le shadowing (se mettre dans l’ombre de quelqu’un), est déjà mise en œuvre. Reste la difficulté à « manager ces managers ».

En effet, une réflexion sur les outils de gestion de ces managers s’impose également. Les indicateurs de performance actuels présentent le risque de détourner l’attention des managers du terrain, des indices sensibles qu’ils examinent en continu. Pour qu’ils gèrent l’attention de leurs collaborateurs de manière stratégique, il est indispensable de gérer déjà de manière efficace leur propre attention.

L’enjeu est considérable. Mettre en valeur le travail ordinaire, très fragmenté et par là même souvent déconsidéré, des managers de terrain leur apporterait une véritable reconnaissance.