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Le fait de la semaine

Interview : « C’est en améliorant l’accès à la formation que l’on crée de la richesse ! »

Le fait de la semaine | publié le : 22.01.2018 | Domitille Arrivet

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Interview : « C’est en améliorant l’accès à la formation que l’on crée de la richesse ! »

Crédit photo Domitille Arrivet

Le gouvernement entame ces jours-ci les réflexions avec les partenaires sociaux sur une nouvelle réforme de la formation professionnelle. La dernière en date, qui établissait le CPF, n’a-t-elle pas suffi ?

La création du compte personnel de formation (CPF) en 2014 n’a pas réalisé la promesse attendue. Il a même complexifié encore un peu plus l’univers de la formation professionnelle. Pourtant, l’enjeu de demain, c’est la maîtrise des compétences. D’ici 2020, la moitié des postes de travail vont être modifiés. D’après les estimations du cabinet McKinsey, à cette échéance, 2,3 millions d’actifs non qualifiés se trouveront sans emploi tandis que 2,2 millions d’emplois exigeant au minimum un niveau bac ne seront pas pourvus. Par ailleurs, il y a 3 millions de demandeurs d’emploi mais plusieurs centaines de milliers de postes non pourvus. Il manque de passerelles entre les chômeurs et les emplois. Or c’est l’enjeu de notre pays. La force des nations, c’est leur capital humain.

Cette situation pénalise-t-elle les salariés ?

La formation bénéficie surtout aux actifs occupés jusqu’à 45 ans. Mais elle ne bénéficie pas assez aux demandeurs d’emploi. Sur plus de 3 millions, seulement près de 650 000 suivent chaque année des formations, qui ne sont pas toujours demandées par eux. Elle ne bénéficie pas non plus assez aux seniors et aux jeunes, pour des questions de complexité, mais aussi de financements. En France, depuis la loi fondatrice de la formation dite loi Delors, on n’a fait qu’empiler les systèmes les uns sur les autres. Et on a pris un retard considérable sur l’individualisation de la formation, sur le blended learning ou l’e-learning. Résultat, en France, le taux d’accès à la formation n’est que de 36 %. À titre de comparaison, il est de 53 % en Allemagne ou encore de 56 % en Grande-Bretagne.

Quel bilan tirer du CPF ?

Ce nouveau dispositif est venu remplacer le droit individuel à la formation (DIF) qui permettait à 600 000 personnes de se former chaque année. Le CPF est financé à hauteur de 0,2 % de la masse salariale, ce qui représente une allocation de 800 millions d’euros par an. Mais l’inscription est compliquée. À ce jour, 5 millions de comptes ont été ouverts mais seuls 350 000 titulaires ont bénéficié d’une formation, dont moins de la moitié sont des salariés. Finalement, de nombreuses formations de demandeurs d’emploi qui ont mobilisé leur CPF auraient de toute façon eu lieu sans ce dispositif.

Comment expliquez-vous cette baisse ?

Les formations éligibles au CPF ont été choisies par les partenaires sociaux. Ils ont sélectionné les formations longues, alors qu’en face les crédits d’heures sont courts. Cela oblige ceux qui veulent en bénéficier à trouver des abondements complémentaires. Les salariés ont en réalité besoin de formations au numérique et aux langues. Or, au début, elles avaient été exclues des formations éligibles au CPF. Heureusement que cela a été corrigé. Il faut que les personnes puissent suivre les formations qu’elles veulent ! Par ailleurs, le CPF est aujourd’hui crédité en heures. La valorisation horaire est définie par la branche professionnelle et/ou l’Opca. Cela génère des iniquités entre les secteurs et les salariés de différents métiers.

Quelles sont vos recommandations dans le cadre de la réforme qui se prépare ?

Concernant le CPF, nous préconisons que le compte soit valorisé en euros et non plus en heures, pour faciliter la lisibilité de l’individu et le co-investissement, et prendre en compte les modalités innovantes de formation. Par ailleurs, nous proposons de prévoir un dispositif qui incite à abonder ces montants. Cela pourrait prendre la forme d’un crédit d’impôt, afin de mobiliser les individus mais aussi les entreprises pour une meilleure gestion de leur capital formation. Nous avons fait des propositions dans ce sens au cabinet de Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie.

Concrètement, en quoi consisterait le crédit d’impôt ?

Depuis que l’on a supprimé l’obligation fiscale, certaines entreprises avaient été démobilisées et y avaient vu à tort un moyen de faire des économies. Ce qui n’est pas le cas des plus grandes entreprises qui ont bien pris en compte l’intérêt de consacrer davantage de moyens à la formation – même si, aujourd’hui, elles exigent des partenaires sérieux et attendent des résultats concrets et mesurables. En ce qui concerne notre idée de crédit d’impôt, tout est ouvert, mais l’un serait défini pour les individus et l’autre pour les entreprises. Instaurer un crédit d’impôt formation pour les individus représenterait un gain que nous estimons pour le PIB de 20 milliards d’euros par an, moyennant un coût de 900 millions d’euros pour les finances publiques. Le crédit d’impôt entreprises serait plutôt orienté vers les entreprises de moins de 300 ou moins de 500 salariés. Il représenterait un gain estimé pour le PIB de 19 milliards d’euros par an, moyennant un coût pour les finances publiques de 500 millions d’euros. Si on augmente de 1 point le taux d’accès à la formation, on crée une augmentation de richesse équivalente à 0,3 % du PIB, c’est-à-dire 7,4 milliards d’euros pour l’économie. On crée ainsi de la richesse et des ressources fiscales pour l’État !

Auteur

  • Domitille Arrivet