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Le fait de la semaine

Dialogue social : Dans les entreprises, Place au CSE

Le fait de la semaine | publié le : 08.01.2018 | Hugo Lattard

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Dialogue social : Dans les entreprises, Place au CSE

Crédit photo Hugo Lattard

Parmi les réformes du marché du travail par ordonnances figure celle du dialogue social dans les entreprises. Depuis le 1er janvier et d’ici à la fin 2019, les entreprises de plus de 11 salariés, doivent fusionner leurs instances représentatives du personnel en une seule, le comité social et économique.

Depuis le 1er janvier, les entreprises sont appelées à fusionner leurs instances représentatives du personnel (IRP). Conformément à l’ordonnance (2017-1386) du 22 septembre dernier qui a réformé le dialogue social et économique dans les entreprises. Concrètement, les trois IRP que constituaient jusqu’à présent les délégués du personnel (DP), les comités d’entreprise (CE) et les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) doivent être regroupées en une seule instance, le comité social et économique (CSE). Et ce pour permettre « un dialogue social à la fois plus stratégique et plus concret, moins formel », assurait le rapport à ce sujet remis au président de la République, Emmanuel Macron. La mesure était réclamée par le Medef et l’ANDRH. « On a besoin d’interlocuteurs au courant du fonctionnement global de l’entreprise », affirme encore à ce sujet le président de l’ANDRH, Jean-Paul Charlez (lire l’entretien). Mais elle a fait hurler à gauche et chez les syndicats, notamment parce qu’elle détricote, en partie du moins, la loi Auroux de 1982 ayant institué les CHSCT comme une instance pleine et entière. « L’entreprise ne peut plus être le lieu du bruit des machines et du silence des hommes », avait plaidé, pour justifier les CHSCT, Jean Auroux, alors ministre du Travail, dans une formule restée célèbre. Avec la fusion des IRP, les compétences des CHSCT sont désormais dévolues aux CSE. Et dans les entreprises de plus de 300 salariés, la création au sein du CSE d’une commission dédiée à ces questions de santé, de sécurité, et des conditions de travail, est obligatoire (lire l’encadré).

Éviter des redondances

Une instance unique pour représenter le personnel est nécessaire « pour articuler la compréhension de l’économique et du social dans l’entreprise », a fait valoir Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, dès la phase d’élaboration des ordonnances, l’été dernier. « Il faut un lieu pour négocier tous ces éléments, c’est l’objet du CSE, qui permettra d’éviter des redondances », avait argumenté Muriel Pénicaud. Le regroupement des IRP, en une délégation unique du personnel (DUP), était déjà rendu possible par la loi Rebsamen de 2015. Dans de nombreuses entreprises, les IRP ont déjà fusionné, en une ou deux instances, selon que le CHSCT, ou le CE, a été conservé. Par décision de l’employeur, après consultation des syndicats, dans les entreprises de moins de 300 salariés ou, par accord, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, comme le prévoyait la loi Rebsamen. La réelle nouveauté de la réforme instituant le CSE consiste donc à rendre cette fusion obligatoire. Et à imposer le CSE comme IRP à toutes les entreprises d’au moins 11 salariés. En vertu de quel calendrier ? Dans les entreprises qui disposaient déjà d’une IRP, le principe général est de mettre en place le CSE lors du renouvellement des instances existantes. Avec, toutefois, la possibilité de proroger d’un an les mandats qui arriveront à échéance d’ici à la fin de cette année. Pour, qu’au plus tard, au 31 décembre 2019, soient mis en place les CSE.

Les CSE conserveront les prérogatives des précédentes IRP. Ainsi, « la délégation du personnel au comité social et économique aura pour mission de présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives concernant les salaires, l’application du Code du travail » et autres dispositions légales, le respect des accords, a stipulé l’ordonnance du 22 septembre. Avec possibilité de saisir l’inspection du travail. Reprenant les attributions du CE, le CSE veillera aux intérêts des salariés dans les décisions déterminant la gestion et l’évolution économique et financière de l’entreprise, son organisation du travail, la formation professionnelle, les techniques de production. D’une manière générale, « le CSE sera informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise », a encore édicté l’ordonnance. Pour son information, le CSE disposera d’une base de données économiques et sociales (BDES). Les modalités de participation des représentants des salariés aux conseils d’administration ou de surveillance restent identiques. Le comité social et économique pourra envoyer entre deux et quatre de ses membres assister au conseil d’administration de l’entreprise. Afin de juger de situations plus complexes, le CSE pourra commander une expertise. Mais en s’acquittant d’un « ticket modérateur », comme l’a formulé Muriel Pénicaud. 20 % des frais de l’expertise restant à la charge du comité social et économique, si elle ne concerne pas la politique sociale de l’entreprise, sa situation économique et financière, ou encore la perspective d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). En tant que personne morale, le CSE pourra ester en justice. Enfin, par accord à majorité d’engagement de 50 % avec les organisations syndicales, pourront être constitués des conseils d’entreprise, intégrant les délégués syndicaux (DS). Qui, outre les compétences des CSE, auront la capacité de négocier, conclure et réviser des accords d’entreprise ou d’établissement. Et un pouvoir de négociation y compris en ce qui concerne les PSE, a finalement arrêté l’ordonnance balai.

Composition et fonctionnement

Concernant le fonctionnement des CSE, les élus sont désignés pour quatre ans. Ils ne peuvent exercer plus de trois mandats successifs. La nouvelle instance est tenue de se réunir au moins une fois par mois à partir de 300 salariés. Et une fois tous les deux mois, en deçà. Un comité social et économique est mis en place au niveau de l’entreprise. Mais, des CSE d’établissement et un CSE central d’entreprise seront constitués dans les entreprises comportant au moins deux établissements distincts. La composition des comités a été précisée par décret, fixant le nombre de membres et les heures de délégation dont ils disposeront, en fonction de la taille des entreprises. Ainsi, pour les plus petites d’entre elles, de 11 à 24 salariés, un titulaire est prévu, avec 10 heures de délégation. À l’autre bout de l’échelle, pour les entreprises d’au moins 10 000 salariés, 35 titulaires sont prévus, avec chacun 34 heures de délégation. À noter que ces heures pourront être annualisées et mutualisées entre élus, dans une certaine limite. Les syndicats ont protesté contre la baisse du nombre de mandats induite par la réforme. Par exemple, dans une entreprise de 200 à 249 salariés, six DP, cinq membres du CE et quatre du CHSCT, étaient prévus jusqu’à présent. Soit 15 mandats. Les DUP ouvertes par la loi Rebsamen permettaient de ramener le nombre de titulaires à 11. Pour une entreprise de cette taille, le CSE ne comprendra plus que 10 titulaires. Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT, a notamment désapprouvé « cette diminution du nombre de membres et la diminution des moyens pour les représentants du personnel ». Chaque titulaire sera pourvu d’un suppléant. Mais désormais, les suppléants ne pourront assister aux réunions qu’en l’absence de titulaires. Les syndicats ont également regretté cette restriction. « Une catastrophe pour le dialogue social », dénonce pour sa part Gilles Lécuelle, secrétaire national chargé du dialogue social à la CFE-CGC. Notamment parce que le poste de suppléant était « très souvent occupé par des jeunes militants, à qui on demandait de venir participer en double d’un titulaire expérimenté », explique-t-il. « Pour qu’ils apprennent sur le terrain le fonctionnement des instances. Ainsi on les faisait monter en compétences », poursuit Gilles Lécuelle (lire son entretien).

Reste que de larges options restent ouvertes à la négociation dans les entreprises pour aménager les dispositions légales prévues pour les CSE. Quant à leur composition, leur fonctionnement, les moyens dont ils disposeront en termes d’élus ou d’heures de délégation. Ainsi un accord de dialogue social adaptant les IRP aux ordonnances a déjà été signé chez Solvay France, début décembre. Concernant les heures de délégation, la fréquence des réunions, ou encore les seuils à partir desquels certaines commissions seront instituées, l’accord va plus loin que la base légale. De même, par accord, il est possible de mettre en place dans l’entreprise des représentants de proximité, qu’ils soient membres du CSE ou désignés par lui. Pour éviter de perdre le contact avec le terrain, préoccupation que peuvent partager les partenaires sociaux. Dès lors, pour instituer le dialogue social, maintenant qu’est fixée la base légale, comme l’envisage Pierre Ferracci, le président du cabinet Alpha (lire l’entretien), « la deuxième manche est clairement sur le terrain dans les entreprises ».

Le CSE reprend les compétences du CHSCT

Le comité social et économique (CSE) est aussi appelé à reprendre les prérogatives des CHSCT, institués par la loi Auroux de 1982. En matière de santé, sécurité et conditions de travail, le CSE « procède à l’analyse des risques professionnels et aux effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels, anciennement liés à la pénibilité », stipule notamment l’ordonnance fusionnant les IRP. On peut y voir une avancée pour les petites structures en la matière, car les CSE s’imposent à toutes les entreprises d’au moins 11 salariés quand les CHSCT ne s’imposaient qu’aux entreprises d’au moins 50 salariés. Chaque année, au moins quatre réunions du CSE devront traiter de ces questions de santé, sécurité et conditions de travail, stipulent encore les textes. Et dans les entreprises d’au moins 300 salariés, la création d’une commission « hygiène, sécurité et conditions de travail » est obligatoire. De même que dans les entreprises à risques sur le plan de la sécurité (sites Seveso, secteur nucléaire, etc.). Sans quoi, l’inspecteur du travail pourra imposer la création de cette commission s’il le juge nécessaire, notamment en raison de la nature des activités de l’entreprise, de l’agencement ou de l’équipement de ses locaux.

Ordonnances : les décrets d’application publiés

Les 26 décrets relatifs aux cinq ordonnances pour le renforcement du dialogue social ont été publiés au Journal officiel fin décembre, soit avant la fin 2017 comme s’y était engagé le président Macron. Depuis le 1er janvier, les mesures de la loi sont applicables.

Le renforcement du dialogue social est la première étape, le premier des six piliers de la « Rénovation du modèle social » présentée début juin par le Premier ministre Édouard Philippe et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Rappelons que les cinq ordonnances ont été présentées aux partenaires sociaux le 31 août puis signées le 22 septembre par le président de la République.

Le 28 novembre, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi ratifiant les ordonnances. Ces ordonnances seront examinées en séance au Sénat du 23 au 25 janvier. À l’issue, une commission mixte paritaire sera réunie dans l’optique de conclure le processus de ratification parlementaire.

Les ordonnances sont d’ores et déjà, en totalité, applicables, et tous les acteurs – chefs d’entreprise, salariés, délégués syndicaux et élus du personnel – peuvent s’en saisir.

Solvay France a déjà adapté ses IRP aux ordonnances

Chez Solvay France, les IRP ont déjà été adaptées aux ordonnances, par un accord de dialogue social, signé le 5 décembre, avec la CFDT et la CFE-CGC. Tandis que le directeur des relations sociales de Solvay, Jean-Christophe Sciberras, qui a présidé un temps l’ANDRH, est lui aussi un ancien du cabinet de Martine Aubry, en même temps que… Muriel Pénicaud, la ministre du Travail. Grâce à la loi Rebsamen, Solvay France avait déjà fondu ses IRP en deux instances. L’une regroupant DP et CHSCT, les CE ayant été conservés. En mars prochain, à la faveur des élections, conformément à la réforme, ces IRP ne feront plus qu’une, un CSE, dans les établissements de plus de 10 salariés. Concernant le nombre d’élus, l’accord se cale sur la base légale. « Avec 20 titulaires et 20 suppléants prévus pour le CSE central d’entreprise », indique Daniel Kempf, coordinateur CFE-CGC chez Solvay. « Avant, en additionnant les mandats dans les CE, les CHSCT et les DP, il y avait 25 titulaires et des suppléants qui pouvaient siéger », rappelle-t-il. « En nombre de sièges, on ne s’y retrouvera pas. Mais ce n’est pas le principal souci. Si derrière on arrive à établir un mode de fonctionnement qui va à l’essentiel », estime le coordinateur de la CFE-CGC. Pour cela, l’accord de dialogue social signé chez Solvay accordera aux nouveaux élus 25 heures de délégation, soit un peu plus que la base légale. Sans compter trois heures allouées pour préparer les réunions du CSE, hors heures de délégation. À noter aussi qu’en vertu de l’accord de dialogue social signé chez Solvay, l’entreprise prend à sa charge une partie de la cotisation de ses salariés syndiqués. Justement pour encourager leur syndicalisation. Sans quoi, l’inspecteur du travail pourra imposer la création de cette commission s’il le juge nécessaire, notamment en raison de la nature des activités de l’entreprise, de l’agencement ou de l’équipement de ses locaux.

Auteur

  • Hugo Lattard