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Au bénéfice de qui ?

Chroniques | publié le : 08.01.2018 |

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Au bénéfice de qui ?

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Philippe Détrie La maison du management

Rêvons d’une économie de partage.

Soit un résultat brut (RB) de 100. Comment le répartir ?

1. La règle des trois tiers

prévoit une répartition du RB en trois tiers : un tiers à la société via l’impôt sur les sociétés (IS), un tiers aux actionnaires, un tiers aux salariés. J’ai appliqué cette clé de répartition pendant vingt-six ans dans ma société de conseil. L’avantage est quasi moral : les salariés (principale ressource dans le consulting) sont associés directement à la création de valeur, à égalité avec l’entrepreneur.

Important pour recruter et fidéliser. Cette démarche nous a d’ailleurs valu en 2002 d’être lauréat du Prix Employeur remarquable, avant Auchan !

Mais la règle est faussée parce que, quand on verse 33,3 % du RB aux salariés (charges sociales comprises), l’opération se fait avant l’établissement du revenu net (RN) : la base imposable s’élève alors à 66,7 %. Les trois tiers sont des faux tiers ! La grande limite de cette règle est que, pour toute activité qui nécessite des investissements importants, un apporteur de fonds sensé refusera d’être aussi peu rémunéré de ses immobilisations.

2. La règle des quatre quarts

améliore le taux de distribution aux actionnaires. Je l’ai créée les deux dernières années de ma présidence avec la bienveillance intéressée de mes collaborateurs, tous devenus actionnaires. Ils souhaitaient consacrer la moitié des dividendes à des réserves pour conforter trésorerie et investissements. C’est d’ailleurs ce que font les entreprises du CAC 40 qui versent environ 50 milliards d’euros en dividendes et rachat d’actions pour un RN de 100 milliards d’euros (et un CA de 1 300 milliards d’euros).

Le « quatre parts » a tout de suite trouvé sa place : un quart du gâteau est alloué à chaque partie prenante : la société (IS), les salariés, les actionnaires, et les clients avec l’idée que les réserves sont destinées à autofinancer tout projet pour mieux les satisfaire.

Les limites ici restent identiques : un salarié hyper-privilégié et un actionnaire peu favorisé, même avec un IS à 25 %.

3. La règle du bénéfice

pour tous que je propose, après mes deux expériences certes généreuses pour les salariés mais sans doute trop romantiques, intègre deux réalités :

– l’harmonisation lente mais progressive de l’IS dans le monde(1) : 25 % ;

– la généralisation d’une part du résultat aux salariés de toute entreprise, entre réalité(2) et ambition(3) : 10 %.

Cette répartition bénéficie à toutes les parties prenantes : les salariés sont associés aux résultats, l’IS moins confiscatoire et mieux contrôlé est payé dans le pays, les actionnaires gardent deux tiers du RN : un taux incitatif pour l’investissement et l’entrepreneuriat.

Et pourquoi pas adopter cette répartition dans la composition des conseils d’administration ? Pour 10 administrateurs : 7 représentants des actionnaires, 1 des salariés et 2 personnalités indépendantes…

Le temps du partage équitable est venu !

(1) Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires publié en janvier 2017 : « L’IS est confronté à un double contexte de mobilité des capitaux, des entreprises et des personnes, et de concurrence vive entre les États, qui diffère fortement des conditions de sa création en 1948. L’approfondissement de la construction européenne et la demande sociale forte de lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales sont d’ailleurs à l’origine de son évolution dans de nombreux pays. La France s’est engagée dans la loi de finances pour 2017 à un passage progressif au taux de 28 % à l’horizon 2020. »

(2) Selon la Dares, sur 8,7 millions de salariés ayant eu accès à un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale (en 2014), 6,8 millions ont effectivement reçu 2 300 euros en moyenne.

(3) Interview télévisée le 15 octobre 2017 d’Emmanuel Macron : « Je souhaite que l’on puisse revisiter cette belle invention gaulliste de l’intéressement et de la participation. »