La réforme de l’apprentissage a entamé sa longue marche. Dégager un consensus sur tous les volets en discussion exigera beaucoup d’énergie. D’autant que Régions de France annonce une suspension des investissements dans les CFA jusqu’à la fin janvier. Quant à la refonte du circuit de financement, elle ne réussira pas sans compromis.
Faire de l’apprentissage « une voie d’excellence et de réussite pour tous les jeunes ». Le pari est osé alors que cette voie a été empruntée par moins de 2,5 % des salariés français et qu’elle a enregistré une véritable saignée. Entre 2008 et 2015, le nombre d’apprentis a baissé de 20 % dans l’enseignement secondaire, une décrue compensée en partie seulement par la croissance des effectifs dans l’enseignement supérieur (+47 %). La grande ambition affichée par Muriel Pénicaud, ministre du Travail, est pourtant l’horizon de la vaste concertation qui a démarré le 10 novembre. Les discussions impliquent les partenaires sociaux, les chambres consulaires, les représentants de régions et le gouvernement. Menées par Sylvie Brunet, présidente de la section du travail et de l’emploi du CESE (Conseil économique, social et environnemental), elles ont déjà franchi l’étape du diagnostic, le 15 novembre, et sont actuellement engagées dans une série de quatre réunions pour chacun des groupes de travail (« parcours de l’apprenti », « entreprises et apprentissage », « gouvernance et financement » et « offre de formation et de certification »).Après un point d’étape le 22 décembre, une réunion plénière doit clore les travaux le 25 janvier, avant la remise d’un rapport aux ministres du Travail, de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Dans la foulée, un projet de loi doit être soumis au Parlement au printemps en vue d’un vote définitif avant l’été 2018.
Les pistes de progrès ne manquent pas : améliorer le pilotage en éteignant la rivalité entre lycées professionnels et CFA ; améliorer l’image de la filière et faire connaître les métiers ; augmenter le nombre de préparation à l’apprentissage ; enfin, multiplier les passerelles pour accueillir plus d’élèves des filières scolaires classiques. Pour autant, c’est bien le financement qui risque de constituer la pierre d’achoppement du processus. Selon Les Échos, le ministère du Travail souhaite faire là encore une « révolution copernicienne ». La taxe unique de 0,85 % de la masse salariale serait maintenue et continuerait à financer l’apprentissage et la professionnalisation mais son taux pourrait passer à 1 %. Les besoins du « hors quota », soit la part de la taxe d’apprentissage attribuée sur des organismes habilités tels que les grandes écoles, seraient ainsi couverts. Cette option n’a cependant pas vocation à durer mais à accorder un répit, le temps de trouver d’autres financements. L’autre changement majeur porte sur l’instauration d’un prélèvement unifié. Les sommes collectées iraient ainsi en totalité vers l’alternance… sans passer par la case régions, qui en perçoivent actuellement 51 %, soit 1,6 milliard d’euros. Les branches professionnelles auraient ainsi la haute main sur la future taxe d’alternance avec 70 % de son montant affecté aux Opca les mieux dotés et le solde à un fonds de péréquation paritaire pour financer les Opca les moins favorisés. L’équation s’annonce d’autant plus difficile à résoudre que les entreprises ne sont guère emballées. Les plus grandes cotisent déjà à hauteur de 0,68 % de leur masse salariale pour l’apprentissage et de 1 % au titre de la contribution formation unique. Comment concevoir d’y ajouter le prélèvement de 0,3 % pour les chômeurs, la future taxe d’alternance, le CPF, le CIF et les financements mutualisés pour la formation des TPE (actuellement à 0,6 %) ? Le chemin pour parvenir à un accord ressemble déjà à un parcours du combattant.
L’apprentissage mobilise chaque année 8,2 milliards d’euros. Son financement est assuré par trois acteurs : l’État, à hauteur de 2 milliards, les entreprises et les régions. La « taxe d’apprentissage » (0,68 % de la masse salariale) que versent les entreprises est ventilée vers trois postes : les régions en perçoivent 51 %, les centres de formation d’apprentissage (CFA), gérés le plus souvent par les branches professionnelles, 26 % ; et les grandes écoles et universités 23 %. Un schéma que le gouvernement souhaite revoir de fond en comble.