Depuis le siècle dernier, on sait qu’une disparité de traitement entre salariés ne peut se justifier qu’au regard d’un élément objectif en lien avec la finalité de l’avantage éventuellement octroyé.
C’est sur cette base que plusieurs salariés d’une entreprise de propreté ont demandé le bénéfice d’une prime de treizième mois accordée à certains de leurs nouveaux collègues de travail transférés dans le cadre de l’obtention d’un nouveau marché, en application des dispositions conventionnelles de la branche. Les salariés justifiaient leur demande sur la base d’une jurisprudence semblait-il bien ancrée de la Cour de cassation, considérant que la succession d’employeurs à la suite d’un transfert de marché permettait aux salariés de l’entreprise nouvelle de revendiquer les avantages contractuels maintenus des salariés repris, sur le fondement du principe d’égalité de traitement.
Les salariés faisaient en effet valoir que la disparité de traitement relative au versement de la prime de treizième mois n’était justifiée par aucun élément objectif en rapport avec la différence constatée.
Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation, dans un arrêt du 30 novembre 2017, a estimé « qu’une différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d’une garantie d’emploi conventionnelle n’était pas étrangère à toute considération de nature professionnelle » et se trouvait ainsi justifiée au regard du principe d’égalité de traitement.
La Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de juger qu’un accord collectif d’entreprise signé avec des organisations syndicales salariées pouvait contenir une disparité de traitement, au motif que les signataires de l’accord étaient investis de la défense des intérêts des salariés entrant dans son champ d’application. En conséquence, l’accord conclu était présumé équilibré et objectivement justifié quant à ses disparités catégorielles, sauf à ce que les salariés lésés démontrent le contraire. Cette décision constitue une extension aux accords de branche de la mécanique de présomption jusqu’alors applicable aux accords d’entreprise.
Il s’agira désormais de déterminer si un accord collectif conclu avec d’autres partenaires à la négociation que des organisations syndicales, par exemple les membres du comité social et économique, voire un texte avalisé par référendum des salariés de l’entreprise, peut aboutir à cette même présomption.