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Actionnariat salarié : Les 30 ans du PEG de Saint-Gobain

Retour sur… | publié le : 13.11.2017 | Véronique Vigne-Lepage

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Actionnariat salarié : Les 30 ans du PEG de Saint-Gobain

Crédit photo Véronique Vigne-Lepage

Créé dans la foulée de la privatisation de Saint-Gobain, le dispositif d’actionnariat salarié fait aujourd’hui des collaborateurs de 42 pays l’actionnaire principal du groupe. Ceux-ci peuvent souscrire chaque année à une augmentation de capital et se constituer ainsi une épargne. L’entreprise, elle, en a fait un outil d’engagement.

Si 43 % des entreprises du CAC 40 ont réalisé en 2016 au moins une opération d’actionnariat salarié (AS) [lire Entreprise & Carrières n° 1352], toutes n’ont pas la constance de Saint-Gobain : le fabricant et distributeur de matériaux de construction en réalise une par an depuis trente ans, c’est-à-dire depuis l’origine de son plan d’épargne groupe (PEG).

« Sa création remonte à la privatisation de Saint-Gobain en 1986, rapporte Claire Pedini, directrice générale adjointe (DGA) chargée des RH. Dès 1988, il a été proposé aux salariés de souscrire à une augmentation de capital qui leur était réservée. Depuis, cette opération a été renouvelée chaque année, sans discontinuité. » Au fil du temps, il a été ouvert à l’étranger, en fonction des possibilités ouvertes par les législations nationales : 42 pays sont concernés aujourd’hui, sur 67 où le groupe est présent. De 1 % en 1988, la part des salariés au capital atteint 7,7 % en 2017, soit 12,7 % des droits de vote. « Ils sont notre premier actionnaire », commente fièrement la DGA.

Souscription facilitée

Concrètement, les collaborateurs acquièrent des parts d’un fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) avec une décote de 20 % et un abondement défini chaque année, pays par pays, en fonction des règles fiscales et sociales nationales. Depuis trois ans, pour rendre le PEG plus attractif, la souscription a été facilitée : les salariés peuvent désormais souscrire depuis leur ordinateur ou grâce à des bornes mises à disposition sur leur lieu de travail.

« La communication et la pédagogie ont aussi été renforcées, complète Claire Pedini. Il faut les répéter chaque année, car il y a toujours de nouveaux salariés et de nouveaux pays. Par ailleurs, l’augmentation de capital n’intervenant qu’une fois par an, elle n’est pas une habitude pour tout le monde. » Cette pédagogie est relayée par un réseau de quelque 300 correspondants, principalement des RRH. « Dans les pays d’autres continents, il n’est en effet pas courant pour les salariés d’acquérir des actions cotées à Paris », commente la DGA. Grâce aux explications, le PEG a progressé de 55 % ces deux dernières années hors de France.

Ouverture aux basses rémunérations

À l’occasion du 30e anniversaire, il a été décidé de « privilégier encore plus les petites souscriptions, pour inciter les salariés à souscrire quelle que soit leur rémunération », ajoute Claire Pedini. Un abondement de 100 % a ainsi été proposé pour les trente premiers euros investis. Au-delà, il était dégressif. De fait, en France – qui reste le premier pays -, un taux de 57 % de souscription a été atteint en 2017, contre 50 % en moyenne les années précédentes. Si aucune analyse sociologique n’est faite, la DGA estime cependant avoir réussi à « ouvrir encore plus le PEG aux salariés ayant les rémunérations les plus basses ».

Un sentiment partagé par Jacques Pestre, représentant des salariés-actionnaires au conseil d’administration : « C’est vrai que beaucoup de cadres investissent, mais on travaille depuis des années à changer cela. » Directeur de la filiale Point P, il se déplace souvent et échange ainsi avec des salariés à propos du PEG, qu’il présente aussi lors de réunions d’accueil des nouveaux embauchés. « Il est plus difficile d’y intéresser les plus jeunes, mais c’est justement l’un des objets de mon travail », assure-t-il.

Il faut en effet une vision à moyen ou long terme pour souscrire, les actions étant bloquées cinq ans ou, autre possibilité ouverte en France, dix ans. « Les deux tiers des personnes, en France, optent pour la première durée, explique Claire Pedini, mais, le groupe ayant fait le choix de ne pas créer de plan d’épargne retraite, le PEG peut servir pour une épargne plus longue. Certains souscrivent d’ailleurs aux deux solutions. » Comme le veut la loi, le capital du salarié-actionnaire ne peut être débloqué qu’en cas d’achat d’une résidence principale, de mariage, de décès ou encore de départ de l’entreprise. « Mais nous souhaitons le plus possible qu’ils laissent cet argent, afin de se constituer une épargne », commente la DGA. Certains le font : les retraités représentent 2,5 % des souscripteurs.

Une « vertu de lien social »

Si Jacques Pestre se félicite qu’à « aucun moment, les salariés-actionnaires ne se soient trouvés dans une situation difficile avec des pertes d’argent », l’entreprise trouve aussi son compte dans ce dispositif. « La France n’ayant pas de fonds de pension, le PEG est l’une des seules possibilités de pallier une faiblesse de fonds propres, explique Claire Pedini. Par ailleurs, le PEG permet d’associer les salariés au développement du groupe et, en favorisant leur engagement, de donner corps à une culture d’entreprise. »

Un engagement difficile à évaluer mais « visible » selon elle, comme selon Jacques Pestre : « Je suis souvent interpellé par des vendeurs, des chauffeurs, etc., sur le cours de l’action, assure celui-ci. C’est un outil fabuleux pour intéresser les salariés aux questions de marge, par exemple. Il a une vraie vertu de lien social. » Président du conseil de surveillance du FCPE et du Club des Saint-Gobain (association de promotion du PEG, forte de 2 500 adhérents), il milite aussi dans des associations nationales telles que la Fédération des actionnaires salariés. « À Saint-Gobain, nous avons la chance de n’avoir jamais eu à nous battre et même de participer aux décisions de la direction sur ce sujet », assure-t-il. C’est pourquoi les associations d’actionnaires-salariés promeuvent la transposition aux PME de ce dispositif « fondamental pour le développement des entreprises ».

Le PEG en chiffres

→ En 2017, 80 000 salariés et anciens salariés (2,5 % de retraités) sont actionnaires de Saint-Gobain, dont l’effectif total est de 170 000 personnes.

→ Le taux de souscription est de 57 % en France et de 14 % en moyenne dans les autres pays, soit 26 % à l’échelle mondiale.

→ La part des salariés au capital atteignait 3 % en 1993, 6 % en 2000, 7,7 % en 2017.

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage