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Le fait de la semaine

Gestion des compétences : Les retraités à la rescousse des entreprises

Le fait de la semaine | publié le : 13.11.2017 | Marina Al Rubaee

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Gestion des compétences : Les retraités à la rescousse des entreprises

Crédit photo Marina Al Rubaee

Avec le départ des babyboomers à la retraite, un enjeu essentiel se profile : celle du transfert des compétences vers les nouvelles générations d’actifs. Sauf que, généralement les entreprises n’anticipent pas le danger. Une perte de savoir-faire qui n’est pas sans conséquences. Décryptage.

Il existe une réalité qui, à force d’être négligée, risque fort d’exploser à la figure des entreprises : la perte de compétences due au départ massif à la retraite de la génération des babyboomers. D’ici à 2020, ce sont près de 8 millions de personnes qui sortiront du marché de l’emploi, soit 30 % de la population active. Un phénomène dont les entreprises ne prennent pas la mesure. « Le départ des seniors va provoquer une véritable hémorragie des compétences dont elles ont pourtant encore bien besoin. Une façon pour elles de se tirer une balle dans le pied », déplore Nicolas Chanut, fondateur de la start-up Booming qui met en relation d’anciens professionnels retraités avec les entreprises.

Bien que les jeunes qui entrent dans la vie active rajeunissent les connaissances et les méthodes de travail, une réalité opérationnelle s’impose : le nécessaire transfert du précieux savoir-faire des aînés vers les plus jeunes. Une étape qui prend cependant du temps. « Il faut que les nouvelles recrues se forment au contact des anciens pour pouvoir prendre leurs marques. Car s’ils ont la tête bien pleine, ils manquent encore d’expérience », poursuit Nicolas Chanut. En occultant cette évidence, une menace pèse sur les sociétés : perdre en performances et en productivité. Donc d’en payer très cher les conséquences. Tous les secteurs, sans exception, sont touchés – des PME aux grands groupes –, et ceci sur n’importe quel poste – de l’ouvrier au cadre dirigeant.

Binôme “jeunes-seniors”

Le problème est que les entreprises ont du mal à investir et à consacrer du temps à la formation, bien qu’elles sachent que des métiers vont disparaître dans quelques années, alors qu’elles en ont encore besoin. Les directions des ressources humaines ont donc les plus grandes difficultés à organiser ces transferts de compétences en interne. « Elles souhaitent qu’on les aide à mettre facilement en place cette démarche », insiste l’expert.

Selon lui, il est important que les anciens actifs reviennent dans l’entreprise : « Il est faux que de penser que les seniors sont compliqués à gérer, qu’ils coûtent trop cher ou qu’ils sont réfractaires au changement. D’autant que certains d’entre eux, qui vivent leur retraite comme une véritable rupture sociale, rêvent de renouer avec le monde professionnel. » Des solutions existent comme celle apportée par Booming, qui permet à des retraités de revenir dans la vie active pour réaliser des missions ponctuelles de quatre à cinq mois, tout en bénéficiant du cumul emploi-retraite. Sur le terrain, les seniors travaillent en binôme avec les jeunes pour favoriser ce passage de relais et éviter cette perte de savoirs préjudiciable aux entreprises. Nicolas Chanut conclut : « Il faut en être persuadé, les retraités sont bien une richesse ! »

Une difficile projection

Selon une étude de l’Insee de 2014, le départ massif des actifs partant à la retraite a commencé au début des années 2000. Un phénomène qui s’est particulièrement intensifié depuis 2009, avec plus de 700 000 départs chaque année. Ce chiffre va aller crescendo jusqu’à 2020, pour atteindre un total de 8 millions de seniors. Bien que l’âge légal de départ à la retraite soit passé, en 2010, de 60 à 62 ans, il semble pourtant que cela ait une incidence sur la productivité des entreprises. Celles-ci risquent d’abord une pénurie de main-d’œuvre liée à une diminution du nombre d’actifs entrant sur le marché du travail. En plus, il leur est difficile d’anticiper les transformations et les mutations, non seulement à l’intérieur de chaque secteur mais aussi pour chaque profession. Elles sont incapables de déterminer leurs besoins, prises en tenaille entre les métiers qui vont disparaître et ceux d’avenir, dont 55 % n’existent pas encore. « Elles se retrouvent dans une phase de transition délicate à manœuvrer économiquement car elles n’arrivent pas à se projeter sur du moyen et du long termes », analyse Nicolas Chanut. La gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, instaurée par la loi 2005 sur la cohésion sociale, n’a pas permis aux entreprises d’anticiper leurs besoins. Encore moins de prévoir cette perte de compétences avec le départ des seniors, qui ralentit, voire remet en cause leurs perspectives économiques.

M.A.R

Auteur

  • Marina Al Rubaee