L’employabilité est devenue un leitmotiv des politiques de l’emploi, une incantation faite aux employeurs, aux salariés comme aux chômeurs. Mais pour quels résultats ? C’est le sujet de cet essai critique de sociologues, qui interroge les dérives de cette notion « d’employabilité », apparue dans les années 1990. Selon eux, ce concept masquerait la faillite des politiques à endiguer le chômage de masse, en opérant « un glissement idéologique conduisant à reporter sur l’individu la responsabilité des difficultés qu’il rencontre à s’insérer sur le marché du travail ou à se maintenir dans l’emploi ». Un jeu de dupes, estiment-ils. En remontant le fil de l’histoire et de la législation, les sociologues démontrent combien cet état d’esprit irrigue aujourd’hui toutes les politiques (formation professionnelle, insertion, emploi en entreprise), la création du compte personnel de formation en 2014 marquant l’apogée « de l’individu devenu entrepreneur de lui-même ». Plus intéressant, l’essai montre aussi que l’employabilité a fait émerger la notion de compétences, devenue plus importante que la qualification dans un contexte de crise. De quoi interroger les RH sur leurs exigences en matière de recrutement ou d’évolution professionnelle. Car la GPEC, étudiée ici dans deux secteurs très fluctuants (SSII, transports) « ne jouerait pas son rôle d’anticiper les besoins en compétences ». Ce serait donc au salarié, faute d’anticipation de l’entreprise, de veiller là aussi à conserver sa propre employabilité. Un regard sans concession, intéressant en cette période de réformes sociales.