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Le fait de la semaine

Galeries Lafayette : Le dimanche entre dans les mœurs

Le fait de la semaine | publié le : 06.11.2017 | Lucie Tanneau

Le navire amiral du boulevard Haussmann ouvre tous les dimanches depuis janvier 2017, avec un relatif consensus, malgré une opposition syndicale, qui n’est pas éteinte. La mise en pratique, qui a essuyé quelques plâtres, trouve son rythme.

Après le BHV Marais, les Galeries Lafayette Haussmann (du même groupe) sont le deuxième centre parisien, situé en Zone touristique internationale, à avoir obtenu l’accord nécessaire pour ouvrir tous les dimanches. Mais les négociations ont été tendues. Le 20 mai 2016, la direction s’entend avec la CFE-CGC et la CFTC sur un texte. FO, la CGT et le SCID s’opposent. Mais la représentativité du SCID, désaffilié de la CFDT, est contestée : les opposants ne sont donc pas assez nombreux pour faire barrage, et les recours judiciaires étant abandonnés, l’accord s’applique. Depuis le 8 janvier dernier, les Galeries Lafayette sont ouvertes chaque dimanche.

« L’accord est très équilibré », vante Laurence Lafond, déléguée CFE-CGC, qui l’a discuté « âprement ». Les contreparties accordées aux salariés vont plus loin que la loi, avec trois options de compensation : le travailleur du dimanche peut se faire payer double et prendre un jour de repos ; être payé normalement et prendre deux jours de repos ; ne pas être payé et récupérer trois jours (dont un dans le mois qui précède ou suit le dimanche travaillé). « Un dimanche qui vaut triple, c’est innovant », se félicite la CFE-CGC. Par ailleurs, le nombre de dimanches est plafonné à huit par salarié, dont six garantis. Les salariés ont aussi droit à une aide aux transports et à un chèque emploi service (45 €) pour la garde d’enfants. Les Galeries s’étaient aussi engagées à embaucher du personnel. « Nous avons créé 800 emplois directs et indirects boulevard Haussmann », comptabilise la direction. Soit « environ 400 contrats week-end », en CDI, de 25 heures payées 32 (vendredi-samedi-dimanche ou samedi-dimanche-lundi). Parmi eux, des conseillers de vente, de clientèle, hôtes d’accueil, pompiers, électriciens, infirmiers… Avec trois profils majoritaires, des jeunes, des étudiants et « des personnes qui atteignent 50 ans et qui n’ont plus de charge de famille le week-end », recense Laurence Lafond.

Attribution des dates.

Du côté des titulaires, 92 % des salariés se sont portés volontaires pour travailler au moins un dimanche. « Du volontariat forcé, notamment pour les encadrants », oppose François Ruotte, déléguée du SCID. Elle n’a pas signé l’accord et refuse toujours de travailler le dimanche. « Nous sommes actuellement en train de faire les recueils de souhait pour l’année 2018. La tendance reste la même », répond Laurence Lafond, qui soulève seulement une difficulté sur l’attribution des dates. « Pour les fêtes de fin d’année, les salariés étaient habitués à travailler, mais pour l’été, peu se portent volontaires lors des vœux, faits en octobre. » La direction rappelle que les salariés bénéficient d’un délai d’un mois de rétractation jusqu’à un mois avant le dimanche travaillé. « Avec neuf mois de recul, on peut considérer que cette mesure est un véritable succès pour le magasin, nos clients et nos collaborateurs », se félicite l’entreprise. « Le dimanche génère de 8 % à 10 % de chiffre d’affaires additionnel » et il est devenu « le deuxième jour de la semaine en termes de chiffres d’affaires », selon le premier bilan. Ce que conteste aussi le SCID. » La direction nous dit qu’elle fait plus de chiffres, c’est évident puisque nous n’étions pas ouvert avant… » Reste le quotidien. « L’organisation du travail sur sept jours est difficile », reconnaît Laurence Lafond. « C’est compliqué de se passer les infos entre les équipes de semaine et du week-end : ça rajoute une réunion le vendredi ou le lundi pour les responsables », regrette-elle. L’enseigne reconnaît qu’il a fallu « un moment d’adaptation », mais après dix mois, les équipes tournent, selon elle, « de manière assez fluide puisque les contrats fin de semaine ont des plages communes avec les équipes semaine pour faire la passation ». Un point qui restera à discuter au sein de l’Observatoire du travail dominical créé par l’accord. Depuis le mois de mai, Lafayette Gourmet à Paris et dix magasins Lafayette de province sont aussi couverts par un accord sur le travail dominical, négocié par la direction de l’entité MGL dont ils dépendent. L’objectif n’est pas d’ouvrir tous les dimanches, même si l’accord le permet, avec un plafond de 15 dimanches travaillés par an par salarié. Des journées payées double, avec une journée de récupération supplémentaire pour les 12 premiers dimanches travaillés.

La situation sensible des démonstrateurs

Près de 80 % des salariés. C’est le poids des « démonstrateurs » parmi les vendeurs au sein des Galeries Lafayette. Il s’agit des salariés des marques installées dans des corners (Armani, Féraud…) et qui ne sont pas couverts par l’accord sur le travail dominical signé par l’enseigne. Sans avoir pu, ou su, signer leur propre accord à temps, certains corners ont utilisé les dimanches accordés par le maire, ou obtenu une dérogation préfectorale, pour pouvoir ouvrir. D’autres sont restés fermés. Afin de pallier l’absence de ces démonstrateurs, les Galeries ont recruté environ 300 intérimaires. Ils seraient encore une trentaine aujourd’hui. Ce que dénonce le syndicat SCID. Une enquête a débuté en septembre sur des soupçons de « prêt illicite de main-d’œuvre et de marchandage », a indiqué, le 24 octobre à l’AFP, une source judiciaire. La direction ne dément pas, mais explique qu’elle utilise des « caisses centrales » pour permettre aux clients d’acheter « dans les corners ouverts, même sans démonstrateurs ». Selon les chiffres des syndicats, « 75 % des marques » auraient aujourd’hui leur accord, souvent moins avantageux que celui des Galeries. Pour les autres, la situation est encore plus inéquitable.

L. T.

Galeries Lafayette Haussmann

Activité : grands magasins.

Effectifs : 2 000 salariés.

Chiffre d’affaires 2016 : environ 2 milliards d’euros.

Auteur

  • Lucie Tanneau