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« L’innovation RH, c’est laisser cours à l’expérimentation »

Le point sur… | publié le : 24.10.2017 | Lydie Colders

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« L’innovation RH, c’est laisser cours à l’expérimentation »

Crédit photo Lydie Colders

Face aux bouleversements du numérique et aux incertitudes économiques, la fonction RH doit apprendre à se réinventer. L’innovation passe par des expérimentations digitales, mais aussi par l’encouragement à la créativité des collaborateurs.

On parle beaucoup d’innovation RH. Quels en sont les enjeux ?

Les entreprises sont aujourd’hui soumises à de nombreux bouleversements : l’avenir économique est devenu très incertain, elles doivent aussi s’adapter aux transformations rapides du numérique, à des équipes de plus en plus interculturelles dans les grands groupes. Pour gagner en réactivité, les entreprises optent donc pour des organisations transversales et travaillent en mode projet. Là où la fonction RH était administrative, elle ne peut donc plus seulement se contenter de gérer la masse salariale ou les conflits sociaux : elle doit s’orienter vers un rôle de coach, d’accompagnateur de ces transformations, dans un monde désormais ouvert et collaboratif. Cela passe par l’innovation numérique, mais aussi par le développement de la créativité des collaborateurs, pour inventer les nouveaux métiers dont l’entreprise aura besoin demain.

Quelles sont les missions RH qui sont amenées à changer selon vous ?

Les aspects opérationnels, sur le plan du recrutement, de la formation et de la mobilité vont devoir évoluer. Je pense que l’ère du recrutement avec des fiches de postes formatées est révolue. Ce qui va compter de plus en plus, ce ne sont pas tant les compétences que la question de la personnalité, des candidats possédant des capacités de créativité pour impulser l’innovation en interne. De ce point de vue, le sourcing va devoir s’affiner afin de détecter de telles qualités chez les candidats. La formation a déjà beaucoup évolué avec l’e-learning et les serious games, mais les RH doivent rester en veille : demain, la réalité augmentée permettra peut-être d’autres usages de la formation comme la prévention des accidents de travail. Enfin, la notion même de mobilité est en train d’évoluer. Alors que les DRH qui ne peuvent plus toujours garantir des évolutions de carrière claires, il faut trouver d’autres solutions pour enrichir les salariés et faire émerger de nouvelles idées. Certaines start-up proposent par exemple d’organiser des missions temporaires dans d’autres sociétés afin de découvrir d’autres méthodes de travail. Tout cela participe de ce mouvement d’innovation dont l’entreprise a besoin aujourd’hui.

Comment percevez-vous l’évolution du management ?

Pendant très longtemps, le management a été conçu pour s’adapter à la norme. Aujourd’hui, dans des organisations transversales, l’entreprise doit favoriser un management inventif et créatif. Il peut s’agir d’initier des projets qui fédèrent les équipes en interne et en externe, de créer des plateformes participatives s’appuyant sur les idées des salariés. À l’avenir, je pense que la légitimité managériale s’appuiera davantage sur des démarches collaboratives, et non plus seulement sur l’atteinte d’objectifs. Tout l’enjeu sera d’impulser ces démarches, de les coordonner et de les optimiser. Pour les dirigeants, cela suppose de ne plus raisonner sur une rentabilité à court terme, mais d’accepter que la valeur ajoutée réside dans ces innovations, en acceptant aussi les erreurs !

Vous prônez un rapprochement entre DRH et start-up pour développer de nouveaux services numériques. Que peut-on en attendre ?

Toutes les start-up ne sont pas parfaites, mais leur intérêt est d’apporter une autre vision de l’entreprise et une créativité digitale que n’ont pas toujours les grandes organisations. Elles peuvent donc permettre de lever des freins structurels et organisationnels qu’un DRH ne pourrait pas faire seul. Les RH ont donc intérêt à s’ouvrir à ces créateurs, pour tester de nouvelles applications numériques dans le recrutement ou la formation par exemple. Le seul élément important – et c’est le plus difficile – c’est d’accepter que le service numérique d’une start-up n’est pas un produit fini : il faut accepter de construire un projet sans attendre un retour sur investissement rapide.

Comment aborder une telle collaboration avec les start-up ?

Il ne s’agit pas de revoir toutes les procédures RH. Il faut commencer par analyser quelques situations où les outils classiques posent un problème, comme une vague de recrutements ratés, un turn-over trop élevé, un prestataire formation insatisfaisant. Si par exemple, une entreprise dans une région éloignée a du mal à recruter, elle ne perd rien à tester l’application d’une start-up permettant de géolocaliser des candidats proches ! Bien sûr, il faut le voir comme un essai, et rester modeste sur les résultats attendus. L’autre moyen, c’est l’échange de pratiques. Certains fablabs, ces espaces de rencontres où entreprises et start-up confrontent leurs idées, commencent à se structurer. Pour les DRH, c’est une autre manière de s’ouvrir à ces innovations digitales.

Globalement, où en sont les entreprises dans ces innovations que vous jugez nécessaires ?

Nous n’en sommes qu’au début. Il y a encore des résistances en matière d’innovation, surtout associant des acteurs extérieurs. La tendance est plutôt à se doter de ressources internes, en créant une direction stratégique et digitale couvrant notamment le domaine des RH. Dans certains groupes, on voit toutefois émerger de nouveaux modèles collaboratifs plus ouverts, mais plutôt pour inventer de nouveaux services, rarement sur des pratiques RH. Le problème, c’est que l’intelligence collective demande d’investir en temps et en reconnaissance. Il est inutile de se lancer dans une telle initiative si l’entreprise n’en retient rien ou si elle ne valorise pas les contributions des salariés. Si l’on veut que l’innovation prenne, les idées apportées par une équipe ou un salarié doivent être reconnues dans les parcours professionnels. On peut imaginer une attestation en gestion de projets ou en coaching par exemple. Aux DRH d’imaginer des solutions pour acter cette précieuse créativité…

Olivier Meier

→ Spécialisé dans le management et l’innovation stratégique, Olivier Meier est professeur des Universités, directeur de recherche et enseigne à l’université Paris Est, Paris-Dauphine et Science Po Paris.

→ Il est également chercheur associé à la Chaire Innovation managériale et excellence opérationnelle de l’Essec Business School, en partenariat avec Renault Nissan Consulting.

→ Il a co-écrit plusieurs ouvrages consacrés à l’impact du digital sur les organisations et la fonction RH : Manageor, en 2015, et À quoi ressemblera la fonction RH, en 2014, aux éditions Dunod. Il vient de collaborer au livre Innovations RH, passez en mode digital et agile, paru en juillet 2017 chez Dunod, en partenariat avec le Lab RH, une association regroupant des start-up et des grands groupes.

Auteur

  • Lydie Colders