logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chronique

Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 24.10.2017 | Denis Monneuse

Image

Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Boire ou discourir, il faut choisir !

Qui n’a jamais ressenti un peu de trac avant de prendre la parole en public ? Pas grand monde, assurément. Pour certains, le niveau de stress et d’anxiété est si élevé qu’il est tentant de boire un petit verre d’alcool avant de prendre la parole en espérant que cela aidera à se dérider et à devenir un meilleur orateur. Il faut donc imaginer que certains salariés disposent d’un petit bar clandestin dans leur bureau pour la bonne cause : il ne s’agit pas de boire pour oublier ses problèmes personnels ou bien la dureté de ses conditions de travail, mais pour améliorer sa performance à l’oral.

Mais un petit verre avant un discours

produit-il vraiment l’effet recherché ? Permet-il réellement de réduire son anxiété et de produire un discours de meilleure qualité ? Si c’était le cas, on pourrait comprendre que certains DRH ferment les yeux par pragmatisme devant une ou deux bouteilles qui se trouveraient en toute illégalité dans leurs locaux.

Une équipe de recherche

avec à sa tête Stephan Stevens, de l’université de Cologne (Allemagne), a voulu examiner l’effet du petit verre avant le discours*. Pour cela, ils ont recruté 177 personnes atteintes d’un syndrome d’anxiété ou bien « normales » et les ont répartis en trois groupes. Le premier groupe buvait des verres de vodka orange avant de prendre la parole, le second prenait un placebo (on leur faisait croire qu’ils buvaient de l’alcool alors qu’il ne s’agissait que de jus d’orange pur) et le troisième groupe buvait tout simplement du jus d’orange avant de prendre la parole.

Les chercheurs se sont aperçus que le fait de boire de l’alcool réduisait le niveau de stress des plus anxieux, mais n’avait en revanche pas d’effet relaxant sur les individus naturellement peu anxieux. L’effet placebo fonctionne puisque les gens anxieux qui croient avoir bu de l’alcool se sentent plus décontractés que ceux parmi eux qui n’ont bu que du jus d’orange.

Mais l’alcool rend-il les orateurs meilleurs ?

Non, au contraire : les discours jugés les plus mauvais furent ceux donnés par les participants qui avaient quelques gouttes d’alcool dans le sang du fait des vodkas orange qu’ils avaient ingurgitées. Les auteurs de l’étude notent donc le risque de cercle vicieux : les anxieux qui boivent un petit coup avant un discours reçoivent un feedback négatif, si bien qu’ils sont encore plus anxieux avant leur prochaine prise de parole, ce qui les pousse à boire pour se décontracter, donc à tenir un moins bon discours, etc. On peut même imaginer qu’ils risquent d’augmenter leur consommation d’alcool également après leur prise de parole en public pour oublier leur mauvaise performance. Bref, les DRH devraient redoubler d’efforts dans leur lutte contre la présence clandestine d’alcool au travail au nom de la lutte contre l’alcoolisme, bien sûr, mais aussi au nom de la qualité des discours managériaux !

* Stevens, S., Cooper, R., Bantin, T., Hermann, C., & Gerlach, A. L. (2017). Feeling safe but appearing anxious : Differential effects of alcohol on anxiety and social performance in individuals with social anxiety disorder. Behaviour research and therapy, 94, 9-18.

Auteur

  • Denis Monneuse