La financiarisation de l’économie, l’avènement du lean management conjugué à l’essor des nouvelles technologies ? Un cocktail explosif qui non seulement intensifie le rythme, mais dépossède l’homme de son travail, estime le sociologue Jean-Pierre Durant. Dans cet essai à charge, l’auteur dénonce les dégâts de la politique de flux tendu sur la santé psychique. Alors que le lean management promeut la responsabilisation des salariés pour gérer la production du « juste à temps », « les exigences du capitalisme les privent de leur autonomie, en renforçant le contrôle de leurs activités », estime l’auteur. L’homme moderne serait selon lui « clivé », coincé dans des injonctions paradoxales, provoquant frustrations, souffrance ou suicides au travail. Quoique très radical, cet essai offre une réflexion foisonnante sur l’histoire du lean management, son impact sur les conditions de travail dans les métiers des services (les cas de la SNCF et de Pôle emploi y sont fort bien argumentés). Le sociologue s’y montre sévère envers les politiques RH qui encouragent la subjectivité au travail, critiquant notamment l’évaluation individuelle, qui viserait selon lui à modifier le comportement même du salarié. L’opinion tranchée de Jean-Pierre Durant peut sembler excessive. Mais son analyse est percutante, filant la métaphore jusqu’au client final, devenu lui-même un producteur de services frustré avec la vente en ligne, les entreprises ayant fait le choix de supprimer les métiers du back-office. Un tableau sombre, mais passionnant.