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Baromètre RH FHF/Obea : L’hôpital entre maitrise budgétaire et construction de la QVT

L’enquête | publié le : 10.10.2017 | Guillaume Le Nagard

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Baromètre RH FHF/Obea : L’hôpital entre maitrise budgétaire et construction de la QVT

Crédit photo Guillaume Le Nagard

Pour la deuxième année, Entreprise & Carrières révèle en exclusivité les résultats Baromètre RH conduit par Obea dans le secteur public hospitalier, pour la Fédération hospitalière de France (FHF). Cette deuxième édition révèle que, pour les responsables des RH, le climat social reste bon à l’hôpital. Mais ils s’attendent à une dégradation et font face à des risques psychosociaux bien réels pour les équipes. Pour y faire face, ils déploient des politiques de qualité de vie au travail.

« Faire entendre la voix des professionnels des ressources humaines, objectiver leurs besoins et leurs difficultés dans la période de réforme profonde que connaît l’hôpital » : c’est, selon Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), l’objectif de ce deuxième baromètre des enjeux RH à l’hôpital, dont nous présentons une nouvelle fois les résultats en exclusivité. Malgré la médiatisation des mouvements sociaux qui affectent régulièrement l’hôpital, le climat social reste bon, aux yeux des trois-quarts des directeurs en charge des ressources humaines à l’hôpital interrogés : DRH pour le personnel administratif et directeurs des affaires médicales pour les médecins (la méthodologie est détaillée dans l’encadré ci-dessous). Mais, signe des difficultés de ce service public, cette part est en baisse par rapport en 2016 (– 9 points pour le personnel médical, – 5 points pour le personnel non médical). « Ce n’est pas si mal !, se félicite néanmoins Nathalie Robin-Sanchez, directrice d’hôpital et professeur en management et gestion des RH à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Cela conforte l’idée que tout n’est pas catastrophique partout. Certes, il y a des difficultés, mais la perception du terrain est qu’il existe un dialogue social de qualité avec les partenaires sociaux. » Maxime Morin, secrétaire général adjoint du Syndicat des cadres de direction Syncass-CFDT, 1re organisation des directeurs d’hôpitaux, tempère : « Les directeurs essaient de se convaincre que le climat est bon, alors qu’il y a des éléments manifestes qui montrent que la situation est de plus en plus difficile. »

Contraintes économiques

L’hôpital public est en effet soumis depuis plusieurs années à des plans d’économies toujours plus sévères : il est pris en tenaille entre un objectif national de dépenses d’assurance maladie en légère progression (+2 % en 2017), mais très inférieur à la croissance naturelle des dépenses de santé, évaluée à + 4,5 %, car portée par le vieillissement de la population, le progrès technique ou le développement des maladies chroniques. Ce différentiel représente « plus de 2 milliards d’euros de mesures d’économies demandées à l’hôpital public ces quatre dernières années ! », rappelle Frédéric Valletoux. Interrogés sur ce qui fait évoluer leurs pratiques RH, 86 % des DRH citent donc les contraintes économiques et budgétaires. 79 % déclarent être mobilisés en priorité sur la maîtrise de la masse salariale, puisque le personnel représente environ 70 % du budget d’un établissement de santé. « La contrainte économique n’a jamais pesé à ce point dans les entreprises privées, même au plus fort de la crise économique, en 2008-2009 », assure Jérôme Miara, directeur général d’Obea, la société de conseil qui a conduit cette enquête, et qui réalisait jusqu’en 2016 un baromètre semblable dans le secteur marchand*.

Les directeurs en charge des RH ont cependant d’autres aspirations que la gestion à courte vue de la masse salariale : ils aimeraient se mobiliser en priorité sur « les conditions de travail, la QVT (42 %), l’attractivité, la fidélisation des compétences (32 %), le développement des compétences en management (32 %), etc. « Car ils sont conscients que l’enjeu est bien la performance sociale de l’établissement, commente Nathalie Robin-Sanchez. Ils aimeraient que cet objectif de performance sociale devienne stratégique auprès des directions générales mais aussi pour les tutelles et que la GRH ne soit plus assignée seulement à la gestion du court terme et aux résultats économiques. » Cette inflexion a été engagée par le précédent gouvernement : fin 2016 a été déployée une stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail.

Les risques psychosociaux (RPS) sont tangibles à l’hôpital public : pour 37 % des directeurs, les RPS constituent « une réalité » à laquelle ils doivent faire face, pour 33 % « un risque potentiel sérieux ». Ces taux sont en progression en 2017. Des taux qui restent élevés en 2017. Cette perception des RPS par les DRH est « un peu plus forte que dans le privé », explique Jérôme Miara, d’Obea. Les directeurs ont essentiellement mis en place des actions correctives : dispositif d’aide (71 %), sensibilisation des managers aux RPS (60 %), ou encore un accompagnement des managers à la gestion de conflit (40 %).

« Les établissements ont commencé à travailler sur les risques psychosociaux, c’est-à-dire de la prévention tertiaire, poursuit Jérôme Miara. Mais ils développent aujourd’hui des politiques de qualité de vie au travail, c’est-à-dire de prévention primaire : ils s’intéressent aux conditions de travail, aux organisations de travail, au management. » Trois directeurs sur quatre ont engagé une démarche QVT : dans le détail, 66 % mènent une réflexion sur l’organisation du travail, 61 % sur l’amélioration des pratiques managériales, 54 % sur l’amélioration des conditions matérielles de travail, etc. Un bémol cependant : 55 % estiment qu’il est trop tôt pour se prononcer sur l’efficacité de ces mesures. « Ce sont des démarches récentes, de long terme, explique Nathalie Robin-Sanchez. Il faut accepter de donner du temps aux équipes pour qu’elles se réapproprient les réorganisations, pour que le management crée ces espaces de régulation. »

Absentéisme

L’absentéisme est une des difficultés à laquelle est confrontée la fonction RH à l’hôpital : en 2015, il était en moyenne de 8,1 % pour le personnel non médical (3,4 % pour le personnel médical), un taux en progression depuis plusieurs années. Sur ce sujet, les directeurs paraissent étonnamment en retrait : 51 % seulement ont mis en place une politique de prévention de l’absentéisme. Pour Nathalie Robin-Sanchez, la question est trop large : « C’est difficile de mettre en place une politique de prévention globale, car l’absentéisme est un processus complexe, aux causes et aux effets multiples. Mais la plupart des établissements ont des actions qui concourent à prévenir l’absentéisme, notamment à travers les politiques de santé au travail et de maintien dans l’emploi. Ils développent des actions ciblées, d’adaptation des postes, d’aide à la reprise au travail, d’aide à l’accès à une crèche, de facilitation des trajets domicile-hôpital, etc. » Pour Jérôme Miara, « les politiques de QVT devraient avoir un effet sur l’absentéisme ».

Le Syncass-CFDT ne partage pas cet optimisme : « On concentre les services, on augmente sans cesse l’activité et la productivité du personnel. Il y a un épuisement, estime Maxime Morin. Et tout le monde à l’hôpital est concerné par le recul de l’âge de la retraite : on voit aujourd’hui des infirmières et des aides-soignants partir à 65 ans. » Une appréciation à rapprocher de la perception des conditions de travail par les directeurs : pour 39 % d’entre eux, elles se dégradent pour le personnel non médical.

Besoin de visibilité

Et quelles sont leurs propres conditions de travail ? Le sujet n’est pas directement abordé par le baromètre, mais trois questions permettent d’esquisser une réponse, nuancée, à l’image de ce baromètre social. Dans les « mois à venir », 60 % sont pessimistes pour la santé économique de leur établissement. 57 % sont rendus inquiets par le rythme des réorganisations. Mais ils sont tout de même 66 % à être optimistes pour leur avenir professionnel au sein de leur établissement. Pour Frédéric Valletoux, président de la FHF, « les hospitaliers sont mis à rude épreuve, mais sont au rendez-vous de leurs responsabilités ». En matière de ressources humaines, les directeurs ont selon lui « besoin de visibilité à moyen et long terme, et d’agilité, besoins qui rendent impératif le renforcement de l’autonomie donnée aux établissements et au dialogue social de terrain ».

Caroline Coq-Chodorge

Un quart des établissements représentés

315 directeurs des ressources humaines, directeurs des affaires médicales (en charge de la GRH du corps médicale) et directeurs des établissements de santé et médico-sociaux ont répondu à 92 questions. Tous sont en charge dans leurs établissements de la gestion des ressources humaines du personnel médical et/ou non médical. Ces directeurs représentent près d’un quart des 1 000 établissements publics de santé en France. Presque tous les CHU sont représentés. Ce baromètre est donc un solide état des lieux du climat social et des pratiques RH à l’hôpital public. Le président de la FHF, Frédéric Valletoux, se félicite de « l’augmentation du nombre de répondants sur cette seconde édition : plus 25 % sur les CHU et les CH ! Cela démontre leur souhait de partager leurs pratiques ».

Groupement hospitalier de territoire : des périmètres RH redessinés

L’hôpital public connaît une nouvelle restructuration, territoriale cette fois. Les 891 établissements de santé publics sont en train de se regrouper au sein de 135 groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ce ne sont pas des fusions, mais des coopérations renforcées entre établissements voisins, qui conservent leur autonomie. Ils doivent décider ensemble d’un projet médical et soignant commun, pour mieux répartir l’offre de soins au niveau de leur territoire.

Les GHT comportent un important volet RH, car certaines équipes médicales vont être mutualisées entre petits et grands hôpitaux, à l’intérieur de filières de soins mieux organisées. « La politique de gestion des ressources humaines est au cœur de la stratégie de groupe des établissements publics », assure Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF).

Les directeurs perçoivent plutôt positivement cette réforme. 61 % pensent qu’elle permettra d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients. 70 % estiment que les GHT auront un impact positif sur les perspectives de formation, de mobilité et d’évolution pour les professionnels. Mais pour 42 % des directeurs seulement, ils permettront d’améliorer l’attractivité de leurs établissements. C’est pourtant l’un des principaux objectifs des GHT, car de nombreux établissements sont confrontés à la faiblesse de la démographie médicale. « Certains établissements, surtout les plus petits et les plus isolés, ont beaucoup de mal à recruter, explique Anne Meunier, secrétaire générale du syndicat de cadres Syncass-CFDT. Des postes en multisites seront-ils plus attractifs ? Cela reste à voir. » 73 % des directeurs y voient au moins l’opportunité d’harmoniser les pratiques RH entre établissements du GHT, qui présentent des écarts, selon 85 % des répondants. Pour Nathalie Robin-Sanchez, directrice d’hôpital et professeur en management et gestion des ressources humaines à l’École des hautes études en santé publique (EHESP), c’est aussi l’occasion « de mises en commun et d’échanges de bonnes pratiques ».

L’accompagnement dans la réforme fait cependant défaut : 20 % des DRH/directeurs des affaires médicales (DAM) s’estiment suffisamment soutenus dans le déploiement des GHT. Mais ils y voient tout de même une opportunité pour leur métier (58 %) et leur établissement (68 %). Une analyse que ne partage pas le Syncass-CFDT, premier syndicat des directeurs : « Pour l’instant, les GHT créent de l’instabilité, selon le secrétaire général adjoint Maxime Morin. Leur mise en œuvre concrète est d’une complexité telle ! C’est une réforme menée, comme les autres, au pas de charge. » Les directeurs anticipent déjà de prochaines transformations : les GHT devraient déboucher sur des fusions pour 42 % des directeurs, ou des directions communes pour 40 %. Le président de la FHF reste prudent : « L’enjeu n’est pas la question du support juridique du GHT, de la fusion ou non, mais bien de permettre une gestion des ressources humaines plus ouverte, plus souple et responsabilisante. »

* Défi RH, avec l’ANDRH et Entreprise & Carrières.

Auteur

  • Guillaume Le Nagard