logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

La semaine

Baromètre RH des collectivités locales : Aller au-delà de la maîtrise de la masse salariale

La semaine | publié le : 03.10.2017 | Sabine Germain

Image

Baromètre RH des collectivités locales : Aller au-delà de la maîtrise de la masse salariale

Crédit photo Sabine Germain

Face à la baisse de leurs dotations, les collectivités locales placent plus que jamais la maîtrise de la masse salariale au premier plan de leurs priorités. C’est logique mais, sur la durée, cela ne peut tenir lieu de seule politique…

Les années se suivent et se ressemblent : interrogées sur leurs priorités en matière de gestion des ressources humaines dans les quatre ans qui viennent, les collectivités locales placent plus que jamais la maîtrise de la masse salariale au premier rang. Et de loin : 88 % des 523 décideurs interrogés dans le cadre du Baromètre RH des collectivités locales(1) citent cet objectif. Viennent ensuite l’employabilité des agents et la mobilité interne (cités par 56 % des personnes interrogées), l’amélioration de la performance des services de la collectivité (52 %), la mutualisation des services entre la communauté et ses communes membres (51 %), la prise en compte de la santé et de la qualité de vie des agents (42 %), la politique de remplacement des départs à la retraite (34 %), la révision des régimes indemnitaires (33 %) et le développement des compétences managériales (29 %).

Réduction de la DGF.

Les résultats de cette enquête menée par Randstad France en partenariat avec Villes de France, l’Assemblée des communautés de France (AdCF) et La Gazette des communes ne sont guère surprenants. Les collectivités doivent digérer la réduction continue de la Dotation globale de fonctionnement (DGF), revue à la baisse pour la 4e année consécutive : en 2017, pas moins de 300 millions d’euros de crédits ont été supprimés d’une enveloppe globale de 30 milliards.

Résultat : les collectivités locales se serrent la ceinture, en s’attaquant en premier lieu à leurs charges de fonctionnement et de gestion (88 %), au poids de leur dette (75 %) et à leur masse salariale (69 %). Elles sont ainsi parvenues à réduire leurs frais de fonctionnement de 0,2 % en 2016. Cette baisse n’a cependant pas concerné la masse salariale, qui a continué à progresser, mais à un rythme nettement moins élevé qu’au cours des années précédente. Après avoir bondi de 4,1 % en 2014 puis de 1,9 % en 2015, elle a marqué le pas en 2016 avec une hausse contenue à 0,9 % pour un montant global de 60,7 milliards d’euros(2).

Les collectivités locales appellent aujourd’hui à une pause : 41 % d’entre elles aimeraient que la DGF, c’est-à-dire la contribution de l’État à leur fonctionnement, cesse de se réduire.

« Elles estiment, non sans raison, avoir déjà beaucoup agi sur leurs frais de fonctionnement, commente Aline Crépin, directrice du Pôle public du groupe Randstad France. Elles aimeraient aussi pouvoir s’intéresser davantage à l’employabilité de leurs agents, à leur santé et leur qualité de vie au travail, tout en améliorant la performance des services rendus. »

Équation complexe.

Est-il vraiment possible de courir tous ces lièvres à la fois ? L’équation est d’autant plus complexe que les collectivités locales n’en maîtrisent pas toutes les données : « Malgré une réelle volonté de piloter leurs ressources humaines, les employeurs territoriaux continuent à mettre en œuvre des règles sans participer à leur définition, regrette Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de Villes de France. Il faudrait leur donner davantage de latitude dans la rémunération des agents et dans les marges de progression des grades, qui restent trop complexes et réglementées. »

Le nouveau régime indemnitaire des fonctionnaires de l’État et de la fonction publique territoriale (le RIFSEEP), qui fusionne dans un même régime les nombreuses primes (liées aux sujétions, à l’expertise, à l’engagement professionnel) est théoriquement entré en vigueur en 2014. Mais 31 % des collectivités interrogées ne l’ont pas encore mis en œuvre. Il a un double effet : d’un côté, 29 % des personnes interrogées estiment que ce régime renvoit à des critères d’évaluation plus objectifs ; de l’autre, la mise en place de ce régime s’est traduite par une hausse de la masse salariale.

Vision quantitative.

Et si l’on cessait de ne s’intéresser qu’aux chiffres ? « La maîtrise de la masse salariale est, certes, une préoccupation majeure, observe Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CNFPT). Mais cela ne doit pas être le seul horizon des collectivités publiques. Il est temps de sortir d’une vision purement quantitative des ressources humaines pour actionner d’autres leviers, qui permettraient de mieux concilier les objectifs de qualité de service aux usagers et de bien-être au travail des agents. »

En se penchant notamment sur la question du temps de travail(3) : « Dans les entreprises, la mise en œuvre des 35 heures a donné lieu à une révision systématique des processus de travail, observe Philippe Laurent. Cela n’a pas été le cas dans la fonction publique. Repenser l’organisation et le temps de travail permettrait pourtant de faire un peu plus de management. » Et c’est précisément un domaine dans lequel la fonction publique territoriale a des progrès à faire : « L’encadrement intermédiaire, notamment, mérite d’être amélioré. »

Il est également temps de prendre la mesure des problèmes posés par l’absentéisme et le développement des maladies professionnelles. « De nombreux agents de catégorie C ont des niveaux de salaire(4) et des conditions de travail qui les font vivre dans une forme de précarité, poursuit Philippe Laurent. Un agent de service dans les cantines et les écoles, un jardinier ou un éducateur ne peuvent exercer leur métier pendant 30 ou 40 ans : il faut mettre en place de véritables parcours professionnels, sans négliger la formation continue, comme on a trop souvent tendance à la faire. »

Les responsables des collectivités locales en sont-ils réellement conscients ? 56 % des personnes interrogées font de l’employabilité des agents et de la mobilité interne la priorité : c’est 5 points de plus qu’en 2016, mais 32 points de moins que la maîtrise de la masse salariale, qui reste incontestabement la grande obsession.

Mais les trois leviers le plus fréquemment cités pour contenir la masse salariale sont la révision du temps de travail et l’organisation des services (citées par 50 % des personnes interrogées), la maîtrise du recrutement (46 %) et les plans d’actions pour limiter l’absentéisme (34 %). C’est la preuve que la maîtrise quantitative de la masse salariale passe par une approche plus qualitative du temps de travail, de la santé et de la qualité de vie des agents.

1) Enquête en ligne réalisée du 7 juin au 20 juillet 2017 auprès de 523 responsables de collectivités (élus, secrétaires de mairie, directeurs généraux et adjoints, DRH).

2) Source : Observatoire des finances locales.

3) En mai 2016, Philippe Laurent a remis, au nom du CNFPT, un rapport sur le temps de travail dans la fonction publique à Annick Girard, ministre de la Fonction publique.

4) Selon l’Observatoire des finances locales, le salaire moyen des agents de la Fonction publique territorial était de 1 891 € bruts par mois en 2015.

Auteur

  • Sabine Germain