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Sur le terrain

Retour sur… Les vacances à volonté dans les start-up

Sur le terrain | publié le : 25.09.2017 | Rozenn Le Saint

DEPUIS 2011, la mesure offrant des jours de repos illimités, inspirée des entreprises de la Silicon Valley, essaime en France. Chez Kawaga, Indeed ou Popchef, aucun abus à déplorer : chaque salarié se responsabilise pour partir au moment opportun et aucun n’a attaqué l’entreprise pour réclamer le montant d’éventuels congés non posés.

Après Twitter et Netflix aux États-Unis, les vacances à volonté ont fait leur apparition en France avec la start-up Evercontact, en 2011, devenue depuis Kawaga (lire Entreprise & Carrières, n° 1196 du 10 juin 2014). Aucun excès à signaler, puisque les salariés prennent en moyenne sept semaines de congés payés, soit le même nombre de jours off que ceux qui bénéficient des cinq semaines réglementaires et de jours de réduction du temps de travail (RTT). La mesure tout droit importée de la Silicon Valley fascine aussi le patron de la filiale française de l’américain Indeed, le leader mondial des sites d’emploi, qui l’applique depuis 2016, une poignée de start-up hexagonales, et même une PME française plus classique, le groupe immobilier vosgien Avinim, d’une dizaine d’employés, adepte de la formule depuis 2014.

« Beaucoup d’autres se renseignent mais craignent d’être embêtés juridiquement, même s’il y a peu de risques. La plupart expliquent ne pas l’afficher aussi clairement mais se montrer très flexible », confie Philippe Laval, le patron du pionnier Kawaga.

« Aux États-Unis, les aménagements sont plus aisés. Le Code du travail français est un véritable carcan, la mesure s’inscrit en dehors de la légalité », avertit néanmoins François Taquet, avocat et professeur en droit du travail. Pour entrer dans les clous, Kawaga déclare tout simplement 2,5 jours de congés posés chaque mois pour chaque salarié… Sans avoir eu affaire à des employés partis fâchés qui auraient pu se retourner contre elle.

« Le seul risque serait qu’un salarié se plaigne d’une inégalité de traitement s’il prend trois semaines de congés par an et un autre sept, par exemple », croit savoir Briac Lescure, PDG de Popchef, entreprise de livraison de repas qu’il a cofondé en 2014, en instaurant directement les vacances à volonté.

Un faible risque juridique

Et encore, « comme tout le monde est soumis à la même enseigne, invoquer l’inégalité de traitement n’a pas de sens », estime quant à lui François Taquet. En revanche, « un salarié qui ne prend pas tous ses congés pourrait en réclamer l’intégralité en partant », avertit le juriste. En l’occurrence, depuis la création de Popchef il y a trois ans, aucun employé n’a quitté la start-up. Un faible turnover à mettre en parallèle avec « l’épanouissement des salariés », selon Briac Lescure. Au tout début, ce patron validait les jours de repos de manière informelle. Puis les effectifs ont gonflé. Alors à présent, il fonctionne avec un logiciel de demande de congés, mais de la même manière, les accepte systématiquement. « Nous nous connaissons tous, nous nous faisons confiance. Les équipes se responsabilisent et prennent leurs jours off pendant les périodes de creux, et non pas tous en même temps. Les bons salariés ont besoin de liberté », assure le patron de Popchef. En revanche, « nous sommes vingt. Une telle organisation agile fonctionne dans les petites structures, cela ne serait pas forcément le cas dans une entité de 1 000 employés », reconnaît-il.

Et que se passerait-il si la croissance faiblissait ? « Les salariés s’autoriseraient-ils à prendre leurs congés ? », s’interroge Thierry Rousseau, chargé de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). « Ce n’est pas un hasard si ce sont surtout des start-up en pleine expansion qui optent pour cette mesure. L’intérêt des règles, c’est qu’elles protègent, que l’entreprise aille bien ou pas. Elles assurent cinq semaines de congés payés même si les temps sont difficiles. » Difficile également de mettre en œuvre le principe dans les secteurs spécifiques comme le BTP ou celui des dockers « puisque le montant des congés payés est versé par une caisse spéciale des congés payés », remarque François Taquet, selon qui le but inavoué de la mesure serait « que les salariés n’utilisent pas l’intégralité de leurs congés. Si le collègue d’en face en prend moins, on a des scrupules », présume l’expert en droit du travail.

Ça n’est pas le cas chez Popchef. En moyenne, les salariés prennent quatre ou cinq jours en plus des cinq semaines de congés payés. « C’est un investissement à long terme. Cela permet à des collaborateurs de partir un mois d’un coup, d’accomplir un projet personnel, humanitaire, sportif, familial. Cela contribue à trouver un équilibre entre vie personnelle et professionnelle. Au retour, ils reviennent en forme, avec plein d’idées », assure le PDG de Popchef. Cet été, François Vasnier, directeur de la technologie de la start-up, a hésité entre s’octroyer trois ou cinq semaines de congés. « Auparavant, je travaillais chez un grand opérateur télécom. Je n’aurais pas eu le choix, j’aurais gardé une semaine pour l’hiver et une autre en cas d’imprévus. J’avais le compteur de congés toujours en tête », se souvient-il.

Aujourd’hui, il se sent davantage « coentrepreneur » qu’un « simple pion dans l’entreprise ». « Les congés sont moins un dû, davantage une possibilité. On se responsabilise afin de les prendre au bon moment et revenir pour être le plus efficace possible ensuite », relate-il. Hors de question pour autant de réaliser des horaires à rallonge pour compenser, le reste de l’année. « Nous encourageons les salariés à s’éterniser le moins de temps possible au bureau. La description de poste, les objectifs fixés à l’avance évitent les abus, dans un sens comme dans l’autre », expose son patron. D’ailleurs, quand un candidat pose un peu trop rapidement la question des vacances illimitées en entretien d’embauche, Briac Lescure admet se méfier « des comportements opportunistes ».

Auteur

  • Rozenn Le Saint