Et si le stage de classe de 3^e devenait un moment clé pour en finir avec l’autocensure des jeunes des quartiers qui pèse sur leur orientation et plus tard sur leur entrée sur le marché du travail ? Tel était le pari de la Fondation TF1 (groupe de télévisions) quand elle a réfléchi, il y a quelques années, à la manière d’ouvrir « le champ des possibles » de ces élèves. « Faute de réseaux, la plupart restaient dans leur quartier, demandant au vendeur de pizza ou au kebab du coin s’ils pouvaient les accueillir, résume la déléguée générale de la fondation, Samira Djouadi. Pour nous, il était évident qu’il fallait ouvrir les portes des grandes entreprises à ce public pour leur faire découvrir des métiers qu’ils ne connaissaient pas. Il fallait aussi que cette expérience s’appuie sur plusieurs employeurs de secteurs différents pour leur présenter la diversité des professions qui pourraient un jour être les leurs. »

Forte de cette conviction, Samira Djouadi entraîne rapidement Adecco et Coca-Cola dans l’aventure et concocte en 2014 avec ses deux partenaires un parcours original. Ces trois pionnières ont rapidement décidé de recruter de nouvelles entreprises volontaires pour amplifier le dispositif. Concrètement, deux groupes de 20 élèves sélectionnés dans des lycées de la région parisienne classés ZEP sont accueillis dans quatre d’entre elles. Du lundi au jeudi, ils vont passer une journée chez chacune. Au programme : présentation générale de l’entreprise le matin et ateliers pratiques l’après-midi réalisés par les salariés. Chez TF1, par exemple, les jeunes, encadrés par des journalistes, organisent une conférence de rédaction et la réalisation d’un journal. Chez Adecco, ils participent à des simulations d’entretien de recrutement dans lesquels ils travaillent leurs capacités à s’exprimer à l’oral. Ils s’initient au code chez IBM ou deviennent apprentis parfumeurs chez Chimex (PME de la chimie, filiale de L’Oréal, 220 salariés). Au-delà même des collaborateurs qui s’occupent de ces ateliers, l’ensemble du personnel est également sollicité. Lors de la visite des locaux, les élèves peuvent en effet poser autant de questions qu’ils le souhaitent aux collaborateurs et même à l’équipe dirigeante. « Si les élèves découvrent de nouveaux métiers, cette expérience permet aussi de casser les stéréotypes en interne. Les salariés se rendent compte que ces jeunes sont des jeunes comme les autres, ils ont la même curiosité, les mêmes yeux qui brillent et il y a comme dans tous les groupes, ceux qui sont plus délurés ou au contraire plus réservés », souligne Bruce Roch, délégué général de la Fondation Adecco.

Après cette plongée dans le monde du travail, le vendredi les élèves font une restitution de ce qu’ils ont vécu devant les entreprises d’accueil et le chef d’établissement et se préparent ainsi à une présentation plus tardive devant leurs camarades de classe n’ayant pas eu la chance d’être retenus. « Nous avons en effet laissé le soin aux proviseurs de sélectionner eux-mêmes les bénéficiaires. Ils ont choisi d’offrir cette “récompense” aux élèves les plus méritants. Mais dans l’absolu, il faudrait que tous les élèves de collèges classés ZEP puissent eux aussi avoir cette chance », met en avant Samira Djouadi.

Pour l’année scolaire 2016/2017, 24 employeurs avaient rejoint le dispositif(1). Un panel à l’image du monde économique dans lequel se côtoient des grands groupes (Air France, Microsoft, L’Oréal, Auchan…), mais aussi des PME (Dagobert, agence de communication digitale à Paris). De plus, des collectivités telle la mairie d’Évry et des institutions à l’instar du Conseil économique, social et environnemental ou le ministère de l’Éducation nationale, ont eux aussi répondu à l’appel. « La première année, nous avons touché une quarantaine d’élèves de deux établissements. Cette année, ce sont 300 jeunes venus de 10 collèges des cinq départements de la région Ile-de-France qui ont pu participer à Tous en Stage », se félicite la déléguée générale de la Fondation TFI. La liste des entreprises intéressées est d’ailleurs loin d’être close… 80 employeurs ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour cette initiative qui devrait, dès 2018, être étendue à Lyon et Marseille. Le dispositif n’ayant que trois ans d’existence, il reste toutefois difficile d’en mesurer aujourd’hui les retombées, les entreprises ne suivant pas les jeunes accueillis. « Nous semons des petits cailloux, ce qui est déjà beaucoup », sourit Bruce Roch. À suivre…