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L’enquête

Danone : Des référents internes pour mener des études de faisabilité humaine

L’enquête | publié le : 12.09.2017 | Virginie Leblanc

Depuis cinq ans, le groupe agroalimentaire a généralisé le recours aux études d’impact humain lors d’importants changements d’organisation. Une pratique aujourd’hui courante et dont Danone loue les bénéfices pour la réussite de ses projets.

C’est Muriel Pénicaud, actuelle ministre du Travail, qui, lorsqu’elle était directrice générale des ressources humaines de Danone, en février 2010, avait porté avec Christian Larose et Henri Lachmann l’idée de la nécessité des études d’impact humain en amont des transformations. Dans le rapport “Bien-être et efficacité au travail” présenté au gouvernement, était mentionné le fait que « le changement est un facteur d’insécurité pour les salariés et il proposait que tous les changements d’organisation importants donnent lieu à des études d’impact humain, par analogie avec les études d’impact environnemental pratiquées dans l’industrie », rappelle Bruno Vercken, directeur santé, sécurité et conditions de travail de Danone.

C’est aussi avec Muriel Pénicaud que deux accords-cadres sur le stress et les risques psychosociaux ont été signés en France en 2010 et au niveau mondial en 2011, où ces études étaient mentionnées.

Afin de mettre en œuvre ces études d’impact, Danone a été accompagné par Jean-Pierre Brun, à l’époque directeur exécutif au cabinet Stimulus, aujourd’hui consultant associé du cabinet Empreinte Humaine, spécialisé dans la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux. Des expérimentations ont été lancées en 2011-2012 sur trois sites pilotes, et la généralisation de la pratique a été effective en 2012.

« Pour nous, l’étude de faisabilité humaine est une séquence relativement courte dans la conduite du changement, explique Bruno Vercken. Cela peut prendre une à six semaines maximum. Elle est centrée sur l’identification des déterminants du travail en santé ainsi que des facteurs de risque et de protection. Nous nous interrogeons sur ce qui va rendre le travail humainement soutenable une fois le changement mis en œuvre. »

Une équipe indépendante du projet

Originalité chez Danone, ces études de faisabilité humaine (EFH), selon la terminologie retenue par l’entreprise, sont conduites par une équipe de référents internes indépendante du projet, composée de deux à trois personnes, et conduites par un “leader”. « Ces consultants internes sont issus de différents métiers et sont formés à cet effet, précise le directeur. Nous avons eu jusqu’à 90 référents en France. » Tous les changements organisationnels sont concernés : « En France, ce sont ceux donnant lieu à information-consultation du personnel : changement d’un SI de reporting commercial, réorganisation de la maintenance en usines, création d’une organisation des achats mondiale dans une division, etc. », illustre Bruno Vercken.

Le processus débute par un échange avec la direction du projet, et la grille de questionnement des entretiens individuels est ensuite construite. Plus récemment, des entretiens collectifs ont aussi été introduits. Plusieurs thèmes sont analysés (tâches et procédures, relations et culture, style de management, environnement et conditions de travail, compétences, etc.) ainsi que la conduite du changement. Un entretien dure environ trois quarts d’heure et il demeure confidentiel. « L’EFH a été conçue pour être menée paritairement avec les IRP, précise Bruno Vercken. Les EFH donnent lieu à un rapport, présentant constats et plan d’actions, partagé et discuté avec la direction du projet, le CE et le CHSCT. »

À quel moment ces études interviennent-elles dans les projets ? « Le plus tôt est le mieux, car on peut anticiper les impacts humains plus rapidement dans la définition du projet et l’adapter, répond le directeur. Mais une intervention précoce exige une relation de confiance vis-à-vis des organisations syndicales. À l’inverse, plus on agit tard, plus on risque le délit d’entrave. Il faut adopter un subtil positionnement. »

Une entité donnée peut être conduite à mener plusieurs EFH dans une même année. En 2015, dans le cadre de “One Danone”, un projet mondial de transformation du modèle organisationnel du groupe, 30 études avaient été menées dans le monde.

« À l’international, le dispositif a mis plus de temps avant d’être adopté, car les responsables locaux percevaient l’EFH comme franco-français pour les syndicats, regrette Bruno Vercken, qui affirme que dans leur immense majorité, les études de faisabilité humaine ont conduit à des inflexions des projets positives. Le rapport bénéfices-coûts est remarquable. »

Exemple : lors d’un projet de centralisation des processus commande-livraison des matières premières sur lequel il existait des risques de blocage des usines, « en anticipant ce changement avec une EFH, nous avons accru les ressources sur les process et les systèmes, indique Bruno Vercken. Dans certains cas, nous avons rééchelonné des projets. Même si ce n’était pas l’objectif, nous avons aussi évité de nombreuses demandes d’expertise de la part des IRP ».

Suivi rigoureux

Enfin, Bruno Vercken insiste sur un point de vigilance permanent : l’appropriation et la mise en œuvre effective des préconisations issues des EFH. Dans cette perspective, les IRP ont un rôle important à jouer pour exiger un suivi rigoureux de ces études, selon lui.

Repères

Activité

Agroalimentaire.

Effectif

100 000 salariés.

Chiffre d’affaires

22 milliards d’euros.

Auteur

  • Virginie Leblanc