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Du côté de la recherche

Tendance | publié le : 27.06.2017 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

La paille et la poutre de l’inégalité professionnelle

On sait depuis la parabole de la paille et de la poutre (cf. les Évangiles de Saint Luc et Saint Matthieu) que nous avons tendance à voir la paille qui est dans l’œil de notre voisin au lieu de voir la poutre qui est dans le nôtre. Ceci est vrai dans bien des domaines, y compris celui de l’inégalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Deux grandes théories ont tendance à se renvoyer la balle de la responsabilité des acteurs. D’un côté, la théorie de la demande explique le plafond de verre par une faible demande de femmes dirigeantes de la part des entreprises. Victimes de barrières plus ou moins visibles et de stéréotypes, les femmes auraient plus de mal à avoir accès à certains postes de direction. D’un autre côté, la théorie de l’offre explique le plafond de verre par une moindre volonté des femmes d’accéder à des postes de direction. En raison de leur manque de confiance en elle, d’une moindre ambition et esprit de compétition ainsi que de l’importance qu’elles accordent à un bon équilibre de vie, les femmes seraient moins nombreuses que les hommes à se donner les moyens d’atteindre les postes les plus élevés. Autrement dit, la première théorie voit la poutre dans l’œil de l’entreprise et la paille dans l’œil des femmes, tandis que la seconde voit l’inverse.

Par ailleurs, les entreprises et les cabinets de recrutement ont aussi tendance à se renvoyer la balle. S’il y a peu de femmes recrutées dans les échelons supérieurs, est-ce parce que les chasseurs de têtes ne veillent pas à avoir un grand nombre de femmes dans leurs tablettes ou bien est-ce parce que les entreprises préfèrent recruter des hommes à des postes de responsabilité, ce qu’anticipent alors les chasseurs de têtes ? Bref, faut-il voir une paille ou une poutre dans l’œil des cabinets de recrutement ?

Pour le savoir, Isabel Fernandez-Mateo et Roberto Fernandez, respectivement professeurs à la London Business School et au MIT, ont examiné en profondeur chaque étape de l’activité d’un cabinet de recrutement spécialisé dans les profils de dirigeants : le sourcing, l’entretien par le cabinet avec le candidat potentiel, la présélection des candidats présentée au client final, l’offre d’emploi faite et enfin le recrutement proprement dit par le client final. Leur étude publiée dans Management Science met en avant les conclusions suivantes.

Contrairement aux idées reçues, les cabinets de recrutement contribuent peu au développement d’inégalités entre les femmes et les hommes. Certes, à profil équivalent, ils ont une légère tendance à interroger un homme au lieu d’une femme. Mais, une fois qu’une femme est présélectionnée pour être présentée au client final, elle a les mêmes chances qu’un homme d’obtenir le poste. Autrement dit, il est plus juste de voir une paille qu’une poutre dans l’œil des cabinets de recrutement.

L’inégalité professionnelle se joue donc en amont des cabinets de recrutement, dans les différences de début de carrière entre les femmes et les hommes. Les théories de la demande et de l’offre sont toutes les deux valables et produisent des dégâts dès le début de la vie professionnelle, voire bien plus tôt. Mais ça, on le savait déjà !

Auteur

  • Denis Monneuse