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Protection sociale : Dernière ligne droite pour adopter le contrat responsable

L’enquête | publié le : 27.06.2017 | Virginie Leblanc

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Protection sociale : Dernière ligne droite pour adopter le contrat responsable

Crédit photo Virginie Leblanc

Les entreprises ont jusqu’à la fin de cette année pour se mettre en conformité avec le nouveau cadre du contrat responsable. Nombre de DRH se sont déjà saisis de ce dossier et de premières inquiétudes et incompréhensions se sont exprimées sur des niveaux de restes à charge plus élevés qu’auparavant. D’où l’enjeu de bien communiquer sur ce sujet et/ou de proposer des surcomplémentaires à leurs salariés.

Le 1er juillet prochain, les salariés de L’Oréal bénéficieront d’un nouveau régime de complémentaire santé (lire p. 20), conforme aux nouvelles modalités du contrat responsable, qui instaure des planchers et des plafonds de prise en charge en fonction des types de dépense (lire l’encadré ci-dessous). Pour eux, le passage au contrat responsable new-look sera synonyme de meilleurs remboursements sur certains postes et d’innovations.

Selon le calendrier légal de mise en conformité, L’Oréal aurait pu attendre encore jusqu’à la fin de l’année mais l’entreprise a préféré prendre les devants et bien expliquer les changements aux salariés dans une période qu’elle jugeait plus favorable. Si les changements chez le géant de la cosmétique sont favorables aux salariés, dans d’autres entreprises, nombre d’entre eux ne sont pas à l’abri de mauvaises surprises. « Des salariés ayant réalisé des devis en fin d’année, se sont retrouvés à subir une intervention après mise en conformité au contrat responsable au 1er janvier et à devoir payer un reste à charge sans comparaison avec ce qui était prévu dans leur devis ! », relate Mylène Favre-Béguet, associée en charge du pôle prévoyance santé au cabinet d’actuariat conseil Galéa & Associés.

Des restes à charge en augmentation

« L’objectif de départ était de limiter certaines dérives de prix, notamment en optique, et certains abus en matière de dépassements d’honoraires, chez les généralistes et les spécialistes, rappelle Olivier Massa, directeur du développement prévoyance santé de Siaci Saint Honore. Les salariés devaient être mieux remboursés et leur reste à charge diminuer. Dans les faits, nous n’avons pas forcément vu d’effets bénéfiques pour l’utilisateur. »

C’est le moins que l’on puisse dire. « Les études des courtiers et des actuaires, les retours de nos militants, montrent que les restes à charge augmentent fortement, les conséquences sont désastreuses », s’alarme Thierry Douine, secrétaire général adjoint CFTC, syndicat qui a publié un communiqué fin 2016 pour dénoncer cet état de fait. « Ce contrat n’a rien de responsable ! Je ne cesse d’en dénoncer les absurdités, vilipende Anne Marion, présidente du cabinet d’actuaires Actuarielles. On rembourse des médicaments à service médical modéré mais pour une hernie discale, on devra payer un reste à charge ! In fine, on a autorisé les désengagements de la Sécurité sociale. »

Dans une analyse publiée en avril, Mercer décrypte « le cas d’école des contrats responsables ». L’Optam (option pratique tarifaire maîtrisée, anciennement CAS, contrat d’accès aux soins), dispositif par lequel les médecins autorisés à pratiquer des dépassements d’honoraires s’engagent à une meilleure prise en charge du patient, ne suscite pas des adhésions massives. Or ce sont les dépassements d’honoraires pratiqués par ces médecins signataires qui sont mieux pris en charge que ceux des non-signataires, dans le cadre du contrat responsable (lire l’encadré p. 17).

Des prix identiques

Mercer révèle qu’il n’y a « pas eu d’ajustement tarifaire des médecins ». In fine, seuls 3 % des praticiens ont diminué leurs honoraires de plus de 5 %. Parallèlement, souligne le courtier, cette nouvelle évolution du contrat responsable n’a pas abouti à la diminution des restes à charge. Rien d’étonnant à cela puisque l’incitation des praticiens à adhérer à l’Optam a été faible. « En d’autres termes, assène le courtier, les prix restent identiques, mais les remboursements diminuent. Donc les restes à charge augmentent »

C’est surtout vrai pour l’hospitalisation et la chirurgie (lire l’étude Actense p. 18). Les grandes entreprises avec un niveau élevé de garanties sont particulièrement touchées, « surtout à Paris et dans les zones où il y avait des dépassements d’honoraires significatifs », souligne Pierre François, DG de SwissLife Prévoyance et Santé. « Nous nous sommes tout de suite rendu compte que sur les postes honoraires d’une intervention chirurgicale, nous arrivions vite à quelques centaines d’euros de reste à charge. Avec parfois des montants qui peuvent grimper à 1 000 euros, et j’ai même eu connaissance d’un cas pour lequel la somme s’élevait à 8 000 euros, rapporte Guy Le Goff, consultant du cabinet Actense. Tout dépend de la garantie d’origine, mais pour deux tiers de nos clients – ceux qui avaient des garanties hospitalisation très supérieures à deux fois la base de remboursement, 300 % voire supérieures à 400 %, les effets de la réduction de garanties sont conséquents. »

« Du fait de l’écrêtage des garanties, sur certains comptes, nous avons observé l’apparition de restes à charge n’existant pas auparavant, atteste Olivier Huet, directeur des grands comptes d’Harmonie Mutuelle. Le taux de reste à charge pour des médecins spécialistes peut être multiplié par deux, et en hospitalisation, alors qu’il était quasi-nul sur les honoraires, il peut dépasser désormais 15 %. Ce n’est pas neutre. Des grands comptes m’ont dit qu’ils ont vu pour la première fois des salariés venir à la DRH avec des dépassements d’honoraires pouvant aller de 1000 à 1500 euros et ils s’interrogent sur la prise en charge de ces sommes. Nous serons peut-être sollicités en tant qu’opérateur pour utiliser notre fonds d’action sociale ou celui dédié au compte, mais ce ne peut être systématique. »

Plusieurs assureurs et courtiers signalent la multiplication d’appels téléphoniques d’assurés désemparés. « Nous avons reçu des lettres de réclamations, atteste également Philippe Dabat, AG2R La Mondiale. Et dans notre baromètre clients, nous avons observé une baisse sensible de la note sur la satisfaction relative au niveau des garanties, ce qui correspond pour nous aux effets du rabot opéré par le contrat responsable. Nous avons expliqué à nos clients que l’insatisfaction ressentie avait pour origine une loi, et non un dysfonctionnement de notre part. Mais il faut reconnaître qu’il n’est pas forcément facile pour un particulier de savoir si le médecin consulté a signé l’Optam ou pas, et il n’est pas toujours en mesure de choisir. In fine, cela pénalise les personnes qui ont le moins de moyens car le reste à charge augmente. » En outre, le responsable prédit une deuxième vague de mécontentement en 2018, avec les dernières entreprises qui appliqueront la réforme.

Surcomplémentaire non responsable

Pour autant, nombre d’entreprises ont tenté d’anticiper ces déconvenues. On rencontre deux types de situation, avance Julien Vignoli, directeur général délégué de Gras Savoye : « Des entreprises qui ont dit à leurs salariés : c’est la loi, nous l’appliquons et chacun peut prendre des dispositions personnelles pour compenser la différence, ou des entreprises qui sont attentives à leur offre de package global et qui veulent proposer une compensation. La première hypothèse se traduit par une diminution des garanties du contrat de 3 % à 4 % pour les grandes entreprises de plus de 1 000 salariés. La seconde engendre une proposition de surcomplémentaire, non responsable, obligatoire ou facultative, soit couvrant toutes les dépenses, soit un seul facteur comme l’hospitalisation. » 30 % des clients accompagnés par Gras Savoye et passés au contrat responsable ont choisi de proposer une surcomplémentaire non responsable.

Celles qui se sont mises en conformité en 2015, avaient parfois « une logique de coût et d’équilibre technique de leur contrat à gérer, complète Olivier Massa, donc le plafonnement des remboursements a été l’occasion de revoir à la baisse les garanties, de cantonner la participation employeur au régime de base et de créer une surcomplémentaire facultative pour les salariés. »

Les entreprises qui étaient généreuses et souhaitaient garder le même niveau de garanties ont soit voulu bénéficier de la période transitoire, ou bien ont anticipé en proposant des options ou surcomplémentaires non responsables, « avec un maintien du niveau de la couverture à des prix raisonnables, malgré une fiscalité forte », observe Vincent Harel, directeur Santé-Prévoyance de Mercer France.

« De grands groupes ont vite vu les effets de l’écrêtage des garanties sur leur accord social et ont décidé de proposer une surcomplémentaire utile visant notamment à retrouver le niveau de garanties antérieures nonobstant l’évolution de la fiscalité », rappelle par exemple Olivier Huet (lire le cas de Total dans Entreprises & Carrières n° 1261). Dans le portefeuille de la mutuelle, outre Total, un très petit nombre d’entreprises ont pour l’heure instauré une surcomplémentaire obligatoire ou facultative. Peut-être de l’attentisme sur le contenu des futurs projets de loi de financement de la Sécurité sociale.

« Une entreprise qui proposait des garanties aux frais réels, a voulu prendre les devants, rapporte Guy Le Goff, du cabinet Actense, et au 1er janvier 2017, elle a proposé une surcomplémentaire ciblée pour l’hospitalisation pour des dépassements au-delà de deux fois la base de remboursement, avec un tarif attractif, l’objectif étant que les salariés adhèrent. En trois mois, elle a reçu 50 % d’adhésions (à un tarif de 4 à 5 euros pour une famille) ». Le consultant souligne l’importance de faire adhérer le maximum de personnes et donc de communiquer. Afin de piloter le risque, et pour éviter des comportements de « consommation », il recommande aussi de définir précisément les conditions d’adhésion, par exemple d’interdire à un salarié qui résilierait l’option ciblée d’adhérer de nouveau, pendant un délai de trois ans. Parmi les clients d’Actense, une entreprise a choisi une option ciblée au 1er janvier 2017, une dès le 1er janvier 2016, et une autre l’envisage dans un avenir proche.

Certaines en ont aussi profité pour proposer de nouvelles garanties en développant la médecine douce et l’implantologie en dentaire, signale Éric Marrel, responsable de l’offre d’assurances, direction marketing de Malakoff Médéric. « Mais on sent bien que les budgets ne sont pas extensibles, poursuit-il, d’autant que les entreprises gèrent un budget global santé prévoyance et que la portabilité en prévoyance a été étendue il y a un an. »

Les gagnants de la réforme

Si ce n’est pas aux salariés, à qui profite cette réforme ? Pour Olivier Massa, les plus grands bénéficiaires seraient les assureurs « car cela a permis de remettre les contrats à l’équilibre par le biais de plafonnements de garanties et de la diminution de certains remboursements ». Pour Vincent Harel, « Le principal gagnant sera le collecteur des impôts, car les surcomplémentaires non responsables, donc taxées à 20,27 %, seront plus recherchées par les cols-bleus. Par conséquent l’idée d’Emmanuel Macron de proposer trois contrats types n’est pas idiote, après il faudra en analyser les détails… ».

Les principes du contrat responsable

Le contrat responsable doit respecter des planchers et des plafonds de prise en charge, selon les postes de dépense (soins de ville, hospitalisation, optique notamment). Il incite aussi les assurés à respecter le parcours de soins coordonnés. En contrepartie, il garantit le remboursement à minima de certaines dépenses de santé.

Les nouvelles règles du contrat responsable sont applicables depuis le 1er avril 2015 pour les contrats souscrits à compter de cette date. Mais une période transitoire de mise en conformité avait été prévue, jusqu’au 31 décembre 2017, valable pour les contrats collectifs issus d’une décision unilatérale de l’employeur, d’un accord collectif ou d’un référendum conclus avant le 19 novembre 2014, si aucune modification n’était apportée au régime depuis cette date.

Ainsi, chez AG2R La Mondiale, deux tiers des contrats sont déjà conformes, 70 % dans le portefeuille de Gras Savoye depuis le 1er janvier 2016, tout comme chez Mercer, plus de la moitié chez Harmonie Mutuelle. En revanche, seulement 5 % des entreprises du portefeuille de Malakoff Médéric doivent encore franchir le cap, des grands comptes principalement.

Le régime fiscal et social des contrats responsables est plus favorable car ils permettent de bénéficier : d’une exonération des charges sociales pour les contributions versées par l’employeur dans la limite d’un certain plafond et d’un taux réduit de taxe de solidarité (TSA) additionnelle rénovée de 13,27 % au lieu de 20,27 % ; et pour les salariés, d’une déduction de la part salariale dans le calcul de l’impôt sur le revenu.

L’Optam vise à réduire les dérives tarifaires des praticiens

Le nouveau contrat responsable différencie la prise en charge du dépassement d’honoraires en fonction de l’adhésion, ou non, du médecin de secteur 2* à ce que l’on appelle aujourd’hui les options pratiques tarifaires maîtrisées (Optam et Optam-CO), remplaçantes du contrat d’accès aux soins (CAS) depuis le 1er janvier 2017. Il s’agit d’encourager la stabilisation des dépassements d’honoraires et d’accroître la part des soins facturés à tarif opposable, indique l’Assurance maladie.

L’option pratique tarifaire maîtrisée (Optam) est ouverte à tous les médecins autorisés à facturer des dépassements d’honoraires (secteur 2*) ; et l’option pratique tarifaire maîtrisée, chirurgie et obstétrique (Optam-CO), est ouverte aux médecins de secteur 2 exerçant une spécialité chirurgicale** ou de gynécologie obstétrique.

En souscrivant l’une ou l’autre de ces options, le médecin s’engage à respecter un taux moyen de dépassement et un taux moyen d’activité facturée sans dépassement.

Le médecin souscrivant à l’Optam ou à l’Optam-CO permet à ses patients d’être mieux remboursés, car ils bénéficient des tarifs de remboursement du secteur 1 à la fois pour les consultations et les actes techniques.

Il est possible d’entrer et de sortir de ces dispositifs à tout moment en cours d’année.

* Par dérogation, les médecins de secteur 1 titulaires des titres requis pour accéder au secteur 2 et installés avant le 1er janvier 2013 sont éligibles à l’Optam.

** Chirurgien, gynécologue-obstétricien, ophtalmologue, oto-rhino-laryngologue, stomatologue, chirurgien oral ayant réalisé au moins 50 actes inscrits sous l’appellation « acte de chirurgie » ou « acte obstétrique ».

Auteur

  • Virginie Leblanc