Entreprise & Carrières et l’ANDRH dressent un portrait inédit des responsables des ressources humaines (RRH) : leur identité, leurs tâches, leurs difficultés, leurs aspirations. Notre sondage exclusif auprès de 470 professionnels, complété d’entretiens avec des RRH, définit une fonction construite autour d’un métier aux activités bien identifiées et caractérisé par une tension entre sa dimension humaine et sa dimension procédurale. Il apparaît également des trajectoires distinguant deux types de RRH, ainsi qu’un agenda bien différent de l’actualité politique et médiatique.
Cheville ouvrière des ressources humaines en entreprise, les responsables des ressources humaines sont pourtant mal connus. Qui sont les RRH ? Quelle est la réalité de leur métier ? Quel intérêt y trouvent-ils ? Quelles difficultés rencontrent-ils ? À quoi aspirent-ils ? Quelle est leur actualité ?
Les études sur cette fonction indispensable à l’organisation des entreprises et de la relation de travail sont très rares. « Les responsables des ressources humaines sont des acteurs clés des ressources humaines, déclare Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH, DGRH d’Etam. Ils sont au contact des salariés et des managers, qu’ils soutiennent sur les questions sociales. Mais ils sont aussi la relève potentielle des DRH, car c’est le premier poste généraliste que les jeunes professionnels RH peuvent occuper. » Nous esquissons dans ce numéro un portrait de RRH grâce à une enquête nationale réalisée en partenariat avec l’ANDRH qui a traité 470 réponses reçues de RRH, adhérents ou non de l’association*.
Il en ressort d’abord que RRH est un métier, au sens de tâches et de savoir-faire spécifiques. Notre sondage fait apparaître l’homogénéité des missions des RRH. Plus de 80 % ont en commun le développement RH, la formation, le disciplinaire, le recrutement et la gestion de carrière (voir le graphe ci-dessous). L’expertise en droit du travail, l’animation des IRP, avec ou sans responsabilité pénale, et l’administration du personnel, avec ou sans la paie, font également partie des missions des RRH.
Jean Pralong, professeur de GRH à Neoma Business School, décompose le métier en trois familles d’activités distinctes : l’administration du personnel avec une forte composante technique ; le développement des compétences, la formation, la gestion de carrière ; les relations sociales. « Les RRH qui ont répondu à l’enquête réalisent les mêmes activités, constate-il. De ce point de vue, ils exercent un métier spécifique. » « Les entreprises comptent sur les RRH pour remplir des missions clairement identifiées », relève de son côté Bénédicte Ravache, secrétaire générale de l’ANDRH.
D’autres éléments concourent à l’identification de ce métier par les RRH eux-mêmes et par les autres acteurs de l’entreprise. À commencer par la dénomination du poste : responsable des ressources humaines est quasiment généralisé malgré quelques variantes : responsable du développement RH ou adjoint au DRH, par exemple. L’existence d’une association regroupant les professionnels des RH contribue également à la structuration de l’identité des RRH. Enfin, le métier de RRH est caractérisé par une tension entre ses dimensions humaine et procédurale, technique et relationnelle (lire p. 18).
Dans d’autres domaines, en revanche, la structuration du métier n’est pas (encore ?) réalisée. « Les RRH sont issus de filières de formation variées : RH, droit, ingénieur notamment », relève Jean Pralong. En outre, notre sondage permet de constater que 28 % des RRH sont issus d’une formation RH continue ou de reconversion. Autrement dit, plus d’un quart des répondants a donc vraisemblablement suivi une formation initiale autre que RH. Jean Pralong rappelle en outre que « les RH ne s’appuient pas sur un corpus de connaissances structurant, contrairement aux juristes et aux psychologues : par exemple, il n’est pas certain que tous les RRH mettent la même chose derrière le mot « talent » ».
Si les RRH exercent les mêmes activités et réalisent les mêmes missions, en revanche ils ne leur accordent pas la même priorité. L’ANDRH distingue ainsi deux profils de RRH : les « RRH-faux DRH » et les « RRH de département ». Les premiers sont membres du codir ou rattachés à la direction générale ; ils interviennent sur plusieurs sites et sur une population nombreuse ; leurs missions comportent une dimension administrative forte et une dimension développement modérée. Les seconds, quant à eux, sont rattachés à la DRH ; ils interviennent sur un périmètre de population peu élevé ; leurs missions comportent une dimension développement plus forte que la dimension administrative.
D’où les RRH viennent-ils et à quoi aspirent-ils ? Très majoritairement (88 %) ils occupaient précédemment un poste RH et ils sont tout aussi nombreux (84 %) à vouloir demeurer dans la partie (voir les infographies ci-dessous). Mais, dans le détail, deux trajectoires types apparaissent. Les « RRH établis » étaient déjà RRH dans leur poste précédent et exercent cette fonction depuis longtemps ; ils ont un niveau bac + 5 et ont suivi une formation à la GRH en formation continue. Les « RRH évolutifs » n’étaient pas RRH dans leur poste précédent, leur ancienneté dans cette fonction est donc faible ; ils ont un bac + 5 et ont suivi un cursus de GRH en formation initiale ; ils aspirent à devenir DRH. « Les RRH établis sont les plus nombreux, les RRH évolutifs sont plus nombreux chez les jeunes », relève Jean Pralong.
Qu’ils soient « établis » ou « évolutifs », les RRH partagent le même désintérêt pour une évolution à l’international. « D’une manière générale, les entreprises ne proposent pas beaucoup de postes à l’international et, de leur côté, les RRH sont limités par le droit national dans lequel ils évoluent, explique Bénédicte Ravache. Ce qui ne veut pas dire que les RRH ne s’internationalisent pas ; ils savent ainsi qu’il est important de parler anglais pour accompagner les évolutions de leur entreprise ».
Enfin, les RRH sont optimistes face aux évolutions de leur métier (68 %). « C’est très positif, se réjouit Jean-Paul Charlez. Cela montre que les RRH sont passionnés par leur métier même s’il n’est pas simple ni toujours bien perçu. »
Les RRH sont très majoritairement (78 %) des femmes, employées en CDI (89 %), beaucoup plus rarement en CDD (6 %), en portage (1 %) ou en temps partagé (1 %), et quasi exclusivement à temps plein (96 %). Les RRH sont très diplômés : 7 % ont un niveau supérieur à bac + 5, 71 % ont un niveau bac + 5, 11 % un niveau bac + 4, 6 % un niveau bac + 3 et 5 % un niveau bac + 2. Ils sont majoritairement rattachés à la direction générale (44 %), plus rarement à la DRH groupe (19 %), à la DRH métier, filière ou zone (17 %), à une direction opérationnelle (11 %) ou à un centre de services partagés (1 %). Majoritairement (58 %), ils exercent leur mission au siège de l’entreprise ; 39 % travaillent sur plusieurs sites différents et 22 % dans un établissement distinct. Majoritairement (46 %), leur ancienneté entreprise est de moins de 3 ans et leur ancienneté dans la profession entre 5 et 10 ans. Par ailleurs, 30 % des RRH effectuent régulièrement (au moins une fois par semaine) des déplacements professionnels, 29 % occasionnellement (une fois par mois) et 22 % ponctuellement (tous les trois mois). Par ailleurs, 43 % travaillent dans une entreprise employant plus de 1 000 salariés, 17 % dans des entreprises de 300 à 1 000 salariés, 35 % dans des entreprises de 50 à 300 salariés et 6 % dans des moins de 50 salariés. Majoritairement (68 %), ils travaillent dans un groupe. Leur langue de travail est à 80 % le français et à 20 % l’anglais.
* Sondage réalisé auprès de 470 responsables des RH dont 47 % sont membres de l’ANDRH, entre le 10 avril et le 2 mai 2017, à partir d’un questionnaire auto-administré en ligne.