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L’enquête

Quelle responsabilité pour l’employeur ?

L’enquête | publié le : 23.05.2017 | V. L.

Droit. Quand un employeur met un véhicule à la disposition de salariés pour l’exécution de leur contrat de travail, il doit bien entendu prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer leur sécurité, et s’il manque à ses obligations, sa responsabilité pourra être engagée tant sur le plan pénal que sur le plan civil. Décryptage avec l’aide de Farouk Benouniche et Vincent Desriaux, avocats au cabinet Michel Ledoux & associés.

Responsabilité pénale

Des poursuites pénales peuvent être engagées contre l’employeur pour homicide ou blessures involontaires si par ses manquements, il a créé ou laissé créer une situation dangereuse ayant rendu possible la survenance de l’accident. Les juges rechercheront s’il a commis une faute d’imprudence, une faute de négligence ou s’il a consciemment fait prendre des risques au salarié.

Le Code de la route retient le même principe que le Code pénal : nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. C’est donc la personne au volant qui est responsable en cas d’infractions constatées. Mais quid des infractions constatées par des appareils automatisés comme les radars ? Le Code de la route, dans son article L 121-2, stipule que le titulaire de la carte grise est responsable. Et l’article L 121-3, ajoute que si c’est une personne morale qui en est titulaire, c’est son représentant légal qui est responsable : il est censé assumer la perte de points sur son permis de conduire ainsi que l’amende.

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle adoptée le 18 novembre 2016, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, a introduit l’obligation de désigner le salarié qui était au volant au moment de l’infraction. Auparavant, le salarié qui conduisait le véhicule pouvait échapper au paiement de l’amende et au retrait de points de son permis de conduire dès lors que son employeur ne portait pas son nom à la connaissance de l’administration. Le Comité interministériel de la sécurité routière avait d’ailleurs recensé 2 millions de points non retirés chaque année. « Beaucoup d’entreprises achetaient la paix sociale en payant les amendes, relate Vincent Desriaux, avocat au cabinet Michel Ledoux & associés. En fait, les dirigeants risquaient eux-mêmes de perdre des points. S’ils payaient les amendes sur les fonds de la société, la pratique relevait de l’abus de bien social. Et s’ils opéraient des retenues sur salaire, c’était illégal ! »

Désormais, l’absence de désignation est une infraction autonome, punie d’une amende d’un montant maximum de 750 euros, payable par l’employeur personne physique.

Aujourd’hui, le chef d’entreprise peut échapper à l’obligation de désignation uniquement en cas de force majeure, de vol, ou d’usurpation de la plaque d’immatriculation.

En amont, il est donc recommandé aux employeurs de faire tenir un carnet de bord dans lequel les salariés peuvent signer au départ et au retour du véhicule, ou d’adopter tout autre système de traçabilité.

Responsabilité civile

Comme pour les autres risques professionnels, si un salarié est victime d’un accident de la route et que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience que le salarié était exposé à un danger et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, sa faute inexcusable (au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale) pourra être retenue.

Par exemple, illustre Vincent Desriaux, « un salarié fait une livraison alors qu’il est surchargé de travail. Les juridictions pourraient considérer que l’origine de l’accident est liée au surmenage et au manque d’anticipation par l’employeur d’une charge de travail trop importante pour respecter des délais de livraison, ce qui a poussé le salarié à dépasser les limites de vitesse ». Autre exemple : le défaut d’entretien du véhicule, qui relève exclusivement de la responsabilité de l’employeur.

Des consignes claires doivent être formulées en amont, que ce soit au sujet des dangers du téléphone au volant, du port de la ceinture de sécurité, et de la consommation d’alcool. « La signature d’une charte du bon conducteur peut permettre de se ménager une preuve que le salarié a bien pris conscience des règles », ajoute Vincent Desriaux.

Par ailleurs, l’employeur est censé avoir vérifié que son salarié a bien le permis de conduire et il doit le sensibiliser, le former et renouveler la formation aux risques routiers en tant que de besoin.

Pour apprécier le travail de prévention réalisé, le juge s’appuie sur le document unique d’évaluation des risques professionnels et il peut aussi être amené à étudier les fiches de postes afin de déterminer si la conduite était occasionnelle ou “cœur de métier”.

S’agissant du téléphone au volant, le juge évaluera la situation au cas par cas. Si un accident est lié à l’usage du kit mains-libres, l’employeur ne pourra pas faire valoir la légalité de cet usage, on lui reprochera de ne pas avoir prévenu du danger de distraction associé. Idem pour la lecture de messages sur les smartphones. « L’employeur doit donc inviter les salariés à s’abstenir de téléphoner quand ils roulent, aménager des temps de pause, et les allonger éventuellement pour que le salarié lise ses messages », complète Vincent Desriaux. Le règlement intérieur peut, à cet égard, apporter ces précisions.

Par ailleurs, si un salarié conducteur est responsable d’un accident de la route et qu’il cause des dommages matériels ou corporels à un tiers, c’est à l’employeur qu’il incombe de réparer les dommages causés par son salarié, selon l’article 1384 du Code civil. Et les sinistres en question provoqueront la hausse des primes d’assurance de l’entreprise.

Auteur

  • V. L.