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Prévention : Le risque routier mobilise les entreprises

L’enquête | publié le : 23.05.2017 | V. L

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Prévention : Le risque routier mobilise les entreprises

Crédit photo V. L

Les accidents de la route dans le cadre des missions professionnelles demeurent rares, mais graves. Ils sont la première cause de mortalité au travail. Les employeurs ont tout intérêt à se saisir de ce sujet, car lorsque le risque se réalise, il se traduit par des coûts importants, tant humains que financiers. Conscientes de ces enjeux, de plus en plus d’entreprises affichent leurs engagements pour le prévenir.

Les initiatives se multiplient pour mobiliser les employeurs sur le risque routier. Les accidents de la route sont en effet la première cause de mortalité au travail. En 2015, 483 personnes ont perdu la vie dans un déplacement lié à l’activité professionnelle et 4 520 ont dû être hospitalisées à la suite d’un accident sur le trajet domicile-travail ou au cours d’une mission. Et en 2015 toujours, ce sont plus de 6 millions de journées d’incapacité temporaire de travail qui ont été recensées par la Cnamts.

Du 9 au 12 mai dernier, la Délégation à la sécurité routière organisait les premières Journées de la sécurité routière au travail, et avait invité à cette occasion les entreprises et les administrations à déployer pour leurs collaborateurs des opérations de sensibilisation au risque routier, sur leur lieu de travail.

Et beaucoup de travail reste à faire : 80 % des chefs d’entreprise déclarent ne pas avoir mis en place d’actions de prévention spécifiques à ce risque, selon une étude* réalisée par l’Ifop pour MMA, et publiée à l’occasion des Journées de la sécurité routière au travail. La raison principale avancée ? Simplement le fait de ne pas y avoir pensé (45 %). Autre phénomène qui n’incite pas forcément les entreprises à agir – notamment celles pour qui la conduite n’est pas le cœur de métier : le risque corporel est grave mais rare. Les accidents de la route en mission représentent 3 % des accidents du travail, mais 20 % du nombre de morts au travail.

C’est cette gravité qui a poussé la SNCF, mi-2016, dans le cadre du lancement d’un programme de transformation managériale en santé et sécurité au travail, à afficher son ambition : zéro mort, zéro blessé grave et une division par deux du taux de fréquence d’accidents du travail en cinq ans (actuellement de 18). Le risque routier est alors apparu prioritaire : « Les causes premières des accidents graves ou mortels étaient à 40 % liées au risque routier en mission, dans une entreprise qui accueille le septième parc automobile français, avec 20 000 véhicules et 50 000 agents amenés à conduire un véhicule de service », souligne Emmanuel Laurent, le directeur de ce programme. Sa politique d’utilisation des véhicules est en train de se réécrire, à la suite de la réunion début 2017 d’un marathon interne de l’innovation de deux jours avec 100 cadres managers de proximité, des spécialistes de la prévention, des start-up et des professionnels de l’automobile, pour travailler sur ses risques. Le 15 mai, des « règles qui sauvent » ont été diffusées au personnel, en résumé : pas d’alcool, pas de stupéfiants, pas de téléphone portable.

En outre, après avoir observé des pratiques éparses dans le groupe, la SNCF révèle désormais l’identité des salariés commettant une infraction au volant d’un véhicule de société. Depuis le 1er janvier 2017, c’est désormais une obligation pour l’ensemble des entreprises (lire l’article juridique p. 21). Selon l’étude de MMA, les dirigeants des TPE-PME sont 94 % à la connaître et 50 % à l’appliquer, contre 29 % en 2016. Pour eux, cette nouvelle mesure responsabilise le salarié (53 %) mais ils considèrent dans le même temps qu’elle peut nuire aux relations internes avec la hiérarchie (48 %).

Sensibiliser et former les chefs d’entreprise

Le sujet du risque routier est aussi une priorité du troisième Plan santé au travail 2016-2020, qui se donne notamment pour objectif de sensibiliser et former les chefs d’entreprise à l’évaluation du risque routier et à sa prise en compte dans le DUER. Ce qui semble indispensable alors que 68 % des entreprises interrogées par MMA disent ne pas l’avoir fait. Le plan s’engage aussi sur des actions visant à mieux connaître le risque pour agir en prévention, avec pour objectif de pouvoir cibler de grandes priorités d’actions lancées ensuite avec les branches.

Et fin 2016, le sujet a été mis au-devant de la scène sous l’impulsion de la Délégation à la sécurité routière qui a fédéré 21 chefs d’entreprise autour de sept engagements pour une route plus sûre (lire l’encadré p. 19). Et à ce jour, ce sont près de 600 entreprises représentant 1,8 million de salariés qui ont signé cette charte. Pour la délégation, sensibiliser les entreprises a un intérêt tout particulier : « Beaucoup de kilomètres sont parcourus par de grosses flottes, souligne Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, elles sont un vecteur de propagation des bonnes attitudes à adopter et une personne qui aura reçu en entreprise une formation aux bons principes de conduite, continuera à les appliquer en dehors. » En outre, souligne-t-il, l’entreprise peut même adopter des règles qui vont au-delà du Code de la route, comme c’est le cas dans les sept engagements.

« Pour les persuader de l’intérêt à agir, nous sensibilisons les entreprises au véritable coût de l’accidentalité routière, à l’absentéisme qui peut en découler, aux coûts des assurances et des franchises », indique Jean-Claude Robert, délégué général de l’association PSRE (promotion et suivi de la sécurité routière en entreprise), qui organise des réunions, colloques et tables rondes pour diffuser des bonnes pratiques. Les accidents de la route peuvent avoir une « répercussion forte sur la cotisation due par l’employeur car la gravité est supérieure à la moyenne, appuie Thierry Fassenot, ingénieur conseil à la Direction des risques professionnels de la Cnamts. Souvent, des personnes clés sont atteintes, ce qui va entraîner des absences et une déstabilisation de l’entreprise, et donc affecter la performance de l’entreprise ».

Code de bonnes pratiques

Dès 2003, les partenaires sociaux de la Cnamts avaient adopté un code de bonnes pratiques reprenant les principes généraux de prévention des risques professionnels en les adaptant au risque routier en mission. Un code articulé autour de quatre principes de management : celui du déplacement, celui des véhicules, celui de la communication et celui des compétences.

Analyse des presque accidents

Selon PSRE, qui propose de suivre la méthode VECO, comme Véhicule-Environnement-Conducteur-Organisation, l’évaluation des risques doit comprendre notamment l’analyse des presque accidents afin de s’appuyer sur le vécu des salariés et de tirer les leçons d’un incident qui aurait pu avoir des conséquences plus graves. Les transports Salesky ont organisé ce type de pratique, avec succès (lire p. 22).

« Nous demandons d’abord aux entreprises de réfléchir à la nécessité des déplacements, car certains sont évitables, avance Thierry Fassenot, mais lorsqu’ils sont indispensables, ils doivent obéir à un circuit bien organisé. Les trois quarts des mesures à prendre doivent l’être avant le déplacement. »

De nombreuses questions doivent être en effet abordées. Faut-il vraiment utiliser un véhicule ou bien des transports en commun sont-ils accessibles ? Quel est le véhicule le plus sûr possible ? Dispose-t-il de tous les équipements adaptés à la route ? Quel travail sera effectué ? Le matériel est-il bien arrimé et l’espace de conduite protégé ?

Préparer le déplacement c’est aussi bien définir l’itinéraire, favoriser les autoroutes, qui sont quatre fois plus sûres que les nationales et les départementales, tenir compte des pauses à accorder aux salariés, et, de façon générale, établir des règles.

Par exemple, prévoir ce qui est interdit ou autorisé quant à l’usage du téléphone : décrire des procédures afin que les communications n’interviennent pas pendant la conduite.

Alors que 65 % des salariés téléphonent en conduisant selon une étude d’Axa Prévention publiée le 30 mars à l’occasion du colloque national sur le risque routier professionnel, « il y a encore beaucoup de travail à faire pour les informer et leur expliquer la dangerosité de leurs comportements, souligne Jean-Claude Robert. Même le téléphone mains-libres a un effet distracteur dangereux. Souvent les salariés nous disent qu’ils ne peuvent pas s’en passer, il faut alors analyser les situations d’usage du téléphone et bien préparer la mission afin d’éviter les appels téléphoniques à l’entreprise, mais aussi ceux des clients ou de les canaliser vers un “interface préparateur” ». Par exemple, en proscrivant le téléphone mobile, une entreprise a investi dans le recrutement de personnes prenant les appels des clients et les analysant, afin de pouvoir envoyer un message structuré à l’intervenant : « Cela a amélioré la productivité, la sécurité et la satisfaction des clients », rapporte Jean-Claude Robert.

Enfin, l’employeur doit vérifier les compétences du salarié conducteur : « Conduire une voiture ce n’est pas la même chose qu’une camionnette de 3,5 tonnes, des stages peuvent être organisés », rappelle Thierry Fassenot.

Accidents de trajet

Pour ce qui concerne la spécificité des accidents de trajet, malgré l’absence de lien de subordination et le libre choix par le salarié de son mode de déplacement, les entreprises peuvent mobiliser sur le sujet : actions en faveur de l’usage des transports en commun, du covoiturage, flexibilité horaire et mesures en lien avec l’organisation du travail. Dans certains cas aussi, elles sont amenées à travailler en concertation avec d’autres entreprises de leur environnement et les collectivités territoriales afin d’identifier une desserte commune possible pour les transports en commun, des solutions de mutualisation des repas, etc.

Bemobi, filiale du groupe La Poste, a capitalisé sur l’expertise de l’entreprise, très impactée par le risque routier avec 100 000 personnes présentes par jour sur les routes, pour construire une offre B to B, destinée au secteur privé et aux collectivités. Au menu : conseil et optimisation de la mobilité, gestion de flottes et formations à l’écoconduite. Pas moins de 10 000 personnes par an sont ainsi formées à la gestion du risque routier en entreprise.

« Nous commençons nos interventions par un audit afin de regarder ce qui coûte cher aux entreprises et analyser leur accidentologie, explique Delphine Janicot, directrice générale adjointe de l’unité d’affaires Ecomobilité de La Poste. Les propositions d’actions en découlent afin d’agir sur les indicateurs où il existe un potentiel de réduction de coûts. »

Bemobi propose un premier niveau de sensibilisation par des événements, jeux, ateliers, rappel du Code de la route, technique d’écoconduite, qui visent la population générale de l’organisation ciblée.

Le 11 mai, la société a d’ailleurs lancé, dans le cadre des Journées de la sécurité routière, un programme de jeu et d’ateliers, Mobigame, dédié à la prévention du risque routier pour sensibiliser les équipes grâce à une animation interactive et participative.

Suivi des comportements

La formation quant à elle s’adresse davantage aux populations itinérantes, via des programmes sur route ou sur circuit, avec des simulateurs (test des réflexes et mise en situation d’urgence, exercice d’évitement d’obstacles, freinage, sensibilisation sur les dangers du téléphone au volant, etc.). Dans une logique de ROI et de conduite du changement, les effets de l’action dans le temps sont mesurés grâce à un suivi des comportements routiers – au moyen d’un outil installé dans le véhicule –, et au pilotage post-accident pour comprendre pourquoi et comment il est intervenu.

Résultats : « On peut estimer pouvoir leur faire baisser le nombre d’accidents dans une fourchette allant de 20 % à 30 % », rapporte Delphine Janicot.

Sécurité routière : sept engagements d’entreprises

Le 11 octobre 2016, 21 entreprises, parmi lesquelles Airbus, Axa, Danone, Michelin, SNCF, Engie et PSA, avaient été les premières à signer un appel pour améliorer la sécurité de leurs salariés sur la route.

Elles sont aujourd’hui près de 600 à avoir souscrit aux sept engagements pour une route plus sûre :

Nous limitons aux cas d’urgence les conversations téléphoniques au volant.

Nous prescrivons la sobriété sur la route.

Nous exigeons le port de la ceinture de sécurité.

Nous n’acceptons pas le dépassement des vitesses autorisées.

Nous intégrons des moments de repos dans le calcul des temps de trajet.

Nous favorisons la formation à la Sécurité routière.

Nous encourageons les conducteurs de deux roues à mieux s’équiper.

Pour en savoir plus : http://entreprises.routeplussure.fr/

Quels types d’actions dans les TPE-PME ?

Si, selon le sondage de MMA publié le 9 mai*, 80 % des chefs d’entreprise déclarent ne pas avoir mis en place d’actions de prévention du risque routier, que font les 20 % impliqués dans une démarche ?

85 % vérifient régulièrement les véhicules mis à disposition des salariés.

75 % vérifient leur permis de conduire.

48 % réduisent les déplacements.

32 % affirment un droit à déconnexion complète pendant un trajet professionnel.

Par ailleurs, en termes d’information et de communication :

54 % ont mis en place une charte de bonnes pratiques au volant.

28 % ont planifié des sessions de formation ou des journées sécurité routière.

13 % proposent un éthylotest antidémarrage.

Afin d’accompagner les dirigeants de TPE-PME sur ce sujet, MMA vient de lancer un mooc dédié : www.mooc-zerotracas.mma

* Échantillon de 502 dirigeants d’entreprises de 1 à 49 salariés.

* Étude réalisée par l’Ifop pour MMA auprès de 502 dirigeants d’entreprises de 1 à 49 salariés.

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  • V. L