Organisation matricielle, modes projets, reporting : là où l’entreprise recherche souplesse et performance, ce livre de sociologues pointe les effets ravageurs de ces stratégies sur la reconnaissance du travail. Pour eux, ces choix d’organisation rendent « invisible » le travail réel effectué par les salariés et nourrissent leur démotivation.

L’ouvrage collectif, rassemblant une quinzaine de cas d’entreprise et différents types de salariés, des vendeurs aux ingénieurs, est d’une qualité très inégale. Une étude néanmoins, menée dans un grand groupe de l’énergie, vaut le détour. Le sociologue Guillaume Tiffon y montre la perte de sens des chercheurs en R & D, un service devenu « client interne » des directions opérationnelles. De moins en moins consultés dans le choix de leurs sujets d’études, « ils ont le sentiment que leur ingéniosité et leur expertise scientifique sont discréditées. Ce mal de reconnaissance les déstabilise et beaucoup souffrent de problèmes de santé », constate le chercheur. Le livre critique aussi les politiques de management de la qualité, vécues comme chronophages, voire comme une négation des compétences dans des métiers très relationnels (conseillers en formation notamment). Si les salariés prennent sur eux pour préserver leur cœur de métier et s’adapter, « ces invisibilisations du travail ont un coût sur la santé des travailleurs », préviennent les sociologues.