LES CAS DE CANCERS PROFESSIONNELS seraient-ils sous-évalués ? Et les syndicats démunis pour les appréhender ? C’est ce qu’affirme le sociologue Emmanuel Henry dans cet essai passionnant qui interroge les dérives des politiques de santé au travail. En plongeant dans trente ans d’histoire, l’enseignant montre que les rapports de force entre syndicats et patronat – qui s’exercent en entreprise mais aussi au niveau de la branche de l’AT-MP – ont toujours conduit à sous-évaluer le risque de cancers professionnels. Mais aussi que le débat leur échappe, depuis la reprise en main par le ministère du Travail de cet enjeu devenu de santé publique avec le scandale de l’amiante. Or, la création d’agences d’expertise publique (Anses) s’est aussi traduite par « l’augmentation de la technicité de l’évaluation des risques professionnels, aujourd’hui conçue par des experts, qui rend leur appropriation par les syndicats très difficile », estime le sociologue. Son livre, technique mais remarquablement documenté, critique sévèrement l’inaction des pouvoirs publics, l’État ayant basculé vers « des logiques issues d’acteurs industriels » depuis le développement des VLEP (valeurs limites d’exposition professionnelle).