logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Sur le terrain

Suisse : La priorité nationale a l’emploi comme moindre mal

Sur le terrain | International | publié le : 18.04.2017 | Mathieu Noyer

Image

Suisse : La priorité nationale a l’emploi comme moindre mal

Crédit photo Mathieu Noyer

Contournant le référendum qui réclamait des quotas d’étrangers, le pays va se contenter d’obliger les employeurs à réserver leurs offres d’embauche en priorité aux candidats suisses. Et les conditions d’application devraient encore un peu plus relativiser la mesure.

On efface tout et on recommence. Ainsi peut se résumer la façon dont la Suisse aura « géré » la question de l’instauration de quotas de travailleurs étrangers, que posait l’issue du retentissant référendum de février 2014. Provoqué par le très droitier parti UDC, le vote invitait les électeurs à refuser l’« immigration de masse » (terme de la consultation). Et il avait abouti au « oui », à une infime majorité (50,3 %). Le gouvernement disposait alors de trois ans pour résoudre la quadrature du cercle, à savoir traduire le référendum dans sa législation, comme le système helvétique l’exige, sans remettre en cause les accords de libre circulation avec l’Union européenne.

Après avoir longtemps tergiversé, il est parvenu en fin d’année dernière à faire voter au Parlement une loi de compromis. Le texte entre en vigueur ce printemps. Il renonce aux quotas mais introduit une priorité à l’embauche des travailleurs suisses. Les employeurs seront désormais tenus de communiquer d’abord leurs offres au service public de l’emploi pour que celui-ci se charge de trouver les candidats helvétiques répondant au profil – ce rôle pivot des offices de l’emploi (organisés au niveau cantonal) représente une certaine nouveauté dans un pays au marché du travail très libéral. En cas d’échec seulement, l’employeur pourra élargir son champ de prospection aux étrangers.

Telle est la règle… mais les conditions de son exercice sont si nombreuses « qu’elles aboutiront très probablement au statu quo, avec un marché aussi ouvert qu’avant », prédit HR Swiss, l’association nationale des DRH. La « préférence » nationale ne s’applique en effet que dans le cas où « certains groupes de profession, domaines d’activités ou régions économiques enregistrent un taux de chômage supérieur à la moyenne », et de façon « limitée dans le temps », dit la loi. À partir de là, le flou le plus complet règne encore sur la définition des critères, à quelques semaines de son entrée en vigueur. « Par exemple, à partir de quand un taux devient supérieur à la moyenne : s’il la dépasse d’une virgule ? s’il atteint 5 % ? s’il s’approche de 10 ? », interroge Daniel Lampart, chef économiste de l’Union des syndicats suisses. Le taux de chômage actuel se situe à 3,6 %. Les branches les plus consommatrices de main-d’œuvre étrangère, comme l’hôtellerie-restauration et la construction, ne sont pas pressées de voir les critères se préciser. Plus souple qu’une première version qui collait davantage au message électoral de 2014, la loi leur va très bien en l’état. Ainsi, le BTP se félicite de la différenciation selon les régions – frontalières ou situées en Suisse profonde – et plus encore de l’introduction de la notion de groupes professionnels. « Elle répond à la différence de situation selon les catégories. Pour les travailleurs non qualifiés, notre secteur a encore du potentiel pour engager de la main-d’œuvre autochtone, alors que le marché du travail est asséché pour les collaborateurs très qualifiés comme les conducteurs de travaux et les ingénieurs. Pour développer l’emploi « suisse », nous croyons davantage à nos efforts de formation et de promotion des métiers. Ils portent leurs fruits, deux tiers des jeunes nouveaux embauchés sont suisses, alors qu’au total, notre branche emploie deux tiers d’étrangers », expose Gian-Luca Lardi, président de la SSE (Société suisse des entrepreneurs), la fédération nationale du BTP.

Interprétation souple

Quant à la déclaration obligatoire des postes au Pôle emploi suisse, les fédérations patronales n’en craignent pas un alourdissement bureaucratique : elles tablent sur une interprétation souple et pragmatique par les autorités, qui ne semblent pas vouloir se montrer trop regardantes sur les motifs de refus de candidatures helvétiques.

Du côté des syndicats, les réserves sur la loi portent sur le fait qu’elle n’en profite pas pour s’attaquer au dumping salarial. Mais globalement, ils l’estiment équilibrée et la petite priorité nationale les satisfait. Comme le patronat, ils s’opposent au référendum « Sortons de l’impasse » qu’un collectif du même nom compte convoquer cette année pour aller dans le sens inverse : l’absence totale de distinction entre main-d’œuvre et autochtone et étrangère.

Dans les médias

LA TRIBUNE DE GENEVE. Le chômage des quinquas inquiète

Les personnes de plus de 50 ans représentent désormais la catégorie la plus importante en recherche d’emploi, elles sont passées de 30 000 en 2011 à près de 40 000 en mars 2017 en Suisse. Ces élus mettent en avant la solution existante depuis dix ans dans l’industrie de la chimie et de la pharmacie à Bâle. Dès 45 ans, le préavis de licenciement passe à six mois, au lieu des trois mois habituels. Puis à douze mois pour les employés de plus de 55 ans. Les employés âgés y sont désormais moins licenciés, observe le syndicat Syna. Des pratiques que les élus souhaiteraient voir s’étendre à toute la Suisse, mais sans l’inscrire dans une loi, jugée contre-productive. 11 avril 2017. La Tribune de Gèneve, quotidien généraliste,

Auteur

  • Mathieu Noyer