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L’enquête

SVA Jean Rozé (Groupe les Mousquetaires) : Déclarer et prévenir de lourdes situations de pénibilité

L’enquête | publié le : 18.04.2017 | N. L.

Très exposée aux facteurs de pénibilité, l’entreprise bretonne a évalué ses postes de travail dès 2012. Une démarche facilitante pour déclarer les salariés éligibles au C3P et mener des actions de prévention… qui doivent être amplifiées.

Un total de 824 : c’est le nombre exact de salariés exposés aux critères de pénibilité en 2016, déclarés dans la DADS de janvier 2017 par la SVA Jean Rozé (Groupe Les Mousquetaires), spécialisée dans l’abattage des animaux et la transformation des viandes. Sur un effectif de 1 330 salariés dans les ateliers et de plus de 2 000 au global. Ces salariés éligibles au compte pénibilité sont principalement exposés au travail de nuit, au travail répétitif, au port de charges et aux températures extrêmes ; 150 d’entre eux sont multi-exposés.

Pour appréhender cette forte pénibilité, bien palpable dans le documentaire Saigneurs (tourné au siège de la SVA à Vitré, en salle depuis début mars), une démarche d’évaluation approfondie a été menée en 2012, avec l’aide du cabinet Altedia et l’implication du CHSCT, dans le prolongement de la loi de 2010 portant réforme des retraites et prévoyant des mesures de prévention de la pénibilité. Débouchant sur une cartographie de la pénibilité pour chaque poste et sur chacun des dix critères, selon une grille de quatre niveaux de pénibilité (inexistante, faible, moyenne, forte). En janvier 2013, un accord est signé avec la CFDT, syndicat majoritaire, afin de multiplier les outils et actions de prévention et d’accompagner les fins de carrières. « Les salariés avec 25 ans d’ancienneté et 15 à 18 ans sur un poste très pénible pouvaient notamment passer à mi-temps en percevant 70 % de leur rémunération jusqu’à dix-huit mois avant leur retraite, explique Jean-Luc Souvestre, secrétaire du CHSCT. C’était le seul accord dans notre branche avec un volet réparation. Mais seulement 12 salariés sur 60 éligibles ont aménagé leur temps de travail… les autres ne souhaitant pas subir de baisse de salaire. »

Une ergonome à temps plein

En 2015, l’entreprise fait filmer les postes de travail pour évaluer certains critères de pénibilité, comme les gestes répétitifs, selon les nouveaux seuils du C3P. « Dommage que nous n’ayons pas été associés à cette nouvelle évaluation, regrette Jean-Luc Souvestre, et qu’il n’y ait pas eu de suivi des actions de prévention, alors que l’accord de 2013 prévoyait un suivi annuel par le CHSCT et un suivi trimestriel par une commission pénibilité. » Ce qui n’empêche pas l’élu de reconnaître les efforts déjà accomplis. « La mesure la plus significative est le recrutement d’une ergonome à temps plein, précise Maryline Jouzel, DRH pour la filière bœuf. Elle intervient en amont sur les projets d’investissements, en collaboration avec les services techniques. » Un progrès indéniable selon les syndicats, qui souhaiteraient néanmoins une concertation systématique, avant que la commande de matériel soit effectuée. L’entreprise a également généralisé les échauffements dans les ateliers avant la prise de poste, ajusté les modules de formation « gestes et postures », favorisé la polyvalence des tâches et mis en place des systèmes d’aides à la manutention. « Nous sommes à la pointe de la technologie, assure Jean-Luc Souvestre. Ce qui permet de robotiser certaines tâches. Mais les nouveaux équipements ne sont pas généralisés, parce qu’ils coûtent cher. Et nous travaillons parfois dans des ateliers exigus, avec des contraintes de productivité toujours fortes, voire en augmentation. »

Quels effets ont eu ces plans d’actions ? « Nous manquons de recul, répond Maryline Jouzel, mais le nombre de dossiers d’inaptitude professionnelle est stable, alors que l’âge moyen des salariés augmente, et le nombre de jours perdus pour maladie professionnelle a diminué de 44 % entre 2012 et 2016. » Le secrétaire du CHSCT nuance : « Il ne reste plus beaucoup de possibilités de reclassement, la plupart ont déjà été utilisées. D’où une hausse des licenciements pour inaptitude. Si bien que les salariés qui ont des maladies professionnelles les déclarent de moins en moins pour éviter de perdre leur emploi. »

Un bilan précis des actions engagées devrait être établi en juin, à l’occasion de la renégociation de l’accord de prévention de 2013 : « Nous souhaitons actualiser la cotation pénibilité des postes et proposer des améliorations pour les dispositifs, indique Vincent Boutemy, délégué syndical CFDT. Et aussi obtenir des informations sur l’utilisation des points du compte pénibilité, entre les départs anticipés, les passages à temps partiel et les formations. »

Repères

Activité

Achat de bétail, abattage, transformation des viandes.

Effectif 2016

2 180 salariés.

Chiffre d’affaires 2016 :

806 millions d’euros.

Auteur

  • N. L.