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L’enquête

Les grandes entreprises discrètes sur le C3P

L’enquête | publié le : 18.04.2017 | Nicolas Lagrange

Les informations délivrées par les employeurs aux IRP sur le compte pénibilité se révèlent peu précises, sauf exception. Il faut dire que le dialogue social sur le sujet reste faible et que de nombreux salariés se trouvent exclus du dispositif.

Comment les grandes entreprises ont-elles appliqué les nouvelles règles d’évaluation et de déclaration de la pénibilité ? Difficile à savoir. « Le C3P est rarement, hélas !, un objet de dialogue social, regrette Vincent Bottazzi, secrétaire fédéral de la CFDT métallurgie. Une grande partie des employeurs n’avertissent pas les IRP de leurs démarches et l’appropriation par les représentants du personnel n’a pas été facilitée par des règles à plusieurs vitesses sur la pénibilité, liées à l’instabilité juridique. Cela devrait aller mieux désormais. »

Des représentants qui considèrent souvent, par ailleurs, que le C3P n’est pas un enjeu immédiat, faute pour les salariés de pouvoir cumuler suffisamment de points, pour bénéficier d’une formation longue, passer à temps partiel ou anticiper sa retraite. Pourtant, un salarié proche de l’âge de liquidation peut partir un trimestre plus tôt via le compte pénibilité, s’il a été exposé à deux critères durant une seule année. Autre facteur de désintérêt pour le C3P : l’existence de dispositifs internes de cessation anticipée d’activités, la plupart du temps plus favorables. En fait, les deux mécanismes se recoupent parfois, mais en partie seulement. D’où l’accord signé par Solvay en décembre 2015 qui prévoit que les salariés exposés au travail de nuit peuvent cesser le travail jusqu’à deux ans avant leur retraite, déduction faite des éventuels trimestres validés grâce au compte pénibilité.

Chez Spie Est, « après la mise en place des premiers critères, le C3P n’a pas donné lieu à des discussions avec la direction, ni à un bilan, constate Gérard Neis, DSC CGT. De plus, peu de salariés sont concernés car les seuils sont très élevés, la polyvalence des tâches réduit leur niveau d’exposition, et la pénibilité est en partie reportée sur les intérimaires et les sous-traitants, moins suivis que les autres salariés. » Dans d’autres entreprises, certains syndicats suspectent les employeurs de rester discrets sur le C3P en espérant sa disparition après la présidentielle, ou par crainte d’alimenter les tensions entre les salariés exposés et les autres.

Communication des informations

Les déclarations ont-elles toujours été faites ? Beaucoup de représentants syndicaux le pensent, quelques-uns en doutent. Ils pourront le vérifier dans le DUER, le bilan social voire la base de données économiques et sociales, où doit figurer la proportion de salariés exposés. Chez Auchan, l’information a été communiquée aux IRP : « Près de 10 % de l’effectif est concerné par les seuils, notamment en ce qui concerne le travail de nuit pour la mise en rayon, le bruit ou encore les vibrations », souligne Guy Laplatine, DSC CFDT. De son côté, Total comptabilisait « plus de 1 000 salariés exposés à fin 2015 sur le périmètre de l’UES Raffinage pétrochimie, soit 18 % de l’effectif, précise Teddy Hameau, DSC CFDT. La commission HSE du CCE a été informée en septembre dernier ».

Le groupe Michelin a communiqué de manière plus précise lors du CCE du 30 mars, rapporte Laurent Bador, DS CFDT, indiquant que « 4 438 salariés ont été exposés à un critère de pénibilité en 2016 et 827 à plusieurs critères sur un peu plus de 10 000 opérateurs en France, avec le détail par critère ». Quant aux plans de prévention de la pénibilité, souvent antérieurs à la loi instituant le C3P, ils ont rarement été ajustés depuis par les entreprises. À l’exception notable du groupe Casino, qui a évalué les postes pénibles entre août 2015 et mars 2016, puis signé un accord en décembre dernier comportant de nouveaux plans d’actions.

Auteur

  • Nicolas Lagrange