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La chronique juridique d’avosial

Tendance | publié le : 04.04.2017 | Viviane Stulz, Amélie d’Heilly

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La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Viviane Stulz, Amélie d’Heilly

Les recruteurs doivent être formés à ne pas discriminer

La loi du 27 janvier 2017 impose une nouvelle obligation aux entreprises d’au moins 300 salariés, ainsi qu’à celles spécialisées dans le recrutement : former à la non-discrimination à l’embauche leurs salariés chargés des missions de recrutement au moins une fois tous les cinq ans. On ne peut pas dire que cette obligation ait fait couler beaucoup d’encre, bien qu’elle soit entrée en vigueur le 29 janvier dernier.

Qui est concerné ? Outre les agences de recrutement, la loi vise « les salariés chargés de missions de recrutement ». S’agit-il des seules personnes dont le recrutement fait partie de leurs fonctions (personnels RH) ou bien cela concerne-t-il par exemple le manager participant occasionnellement au recrutement des membres de son équipe ? Il semble prudent, dès lors, de former toute personne participant au recrutement.

De quoi s’agit-il ? Que doit contenir cette formation ? Quelle en est la durée ? La loi ne précise rien. On peut imaginer qu’il s’agit de rappeler aux recruteurs quelle est l’étendue de la notion de discrimination, d’autant qu’elle ne cesse de s’étendre ; celle-ci peut être directe ou indirecte et couvre l’origine, le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge, la situation de famille ou la grossesse, les caractéristiques génétiques, apparentes ou connues, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l’apparence physique, le nom de famille, le lieu de résidence, l’état de santé, la perte d’autonomie ou le handicap et, depuis la loi du 28 février 2017, la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, la domiciliation bancaire et la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Il s’agira probablement de rappeler également l’étendue du risque en matière de discrimination pour l’entreprise et les sanctions encourues, tant au plan civil (dommages-intérêts) que pénal, et les personnes responsables. Il faudra préciser les personnes qui, au-delà du candidat concerné, peuvent soulever ou poursuivre la discrimination (syndicats, représentants du personnel, inspection du travail, associations, Défenseur des droits).

De manière pratique, il s’agira à notre sens surtout de mettre en place des mesures préventives à chaque stade du recrutement, de la rédaction de l’annonce au choix des candidats à interviewer, à l’entretien d’embauche et à la réponse à adresser au candidat. Il est assez facile de rappeler aux recruteurs les principes pour la rédaction de l’annonce ou les questions à ne pas poser au candidat reçu. La formation peut également préparer les recruteurs à reconnaître leurs propres comportements inconscients (tel candidat n’est pas fait pour le poste parce qu’il vient de tel département, parce que son nom a telle consonance….) pour faire la différence entre sélection et discrimination. L’entreprise elle-même devra établir des critères objectifs permettant au recruteur de sélectionner les candidats en fonction des besoins opérationnels du manager ou de l’équipe pour qu’ensuite, le recruteur puisse justifier la non-adéquation du candidat au poste au regard de ses compétences et expériences passées par rapport à celles requises, ou le choix entre plusieurs candidats similaires.

Même si cette nouvelle obligation légale n’est assortie d’aucune sanction, on peut imaginer que, faute de pouvoir démontrer l’existence d’une telle formation, les entreprises pourront plus facilement être condamnées pour discrimination.

Mais des règles formelles permettront-elles de passer outre les a priori des recruteurs, assumés ou non ? Une piqûre de rappel théorique à la non-discrimination, tous les cinq ans, va-t-elle vraiment changer les comportements, si cela s’avère nécessaire ?

Ce n’est pas parce que le recruteur est formé à la non-discrimination qu’il ne discriminera pas dans son choix des candidats à interviewer ou à embaucher. En outre, si discrimination il y a, elle sera souvent plus insidieuse qu’intentionnelle. La réputation de l’entreprise est probablement une sanction plus efficace contre les discriminations à l’embauche.

Après la tentative avortée d’imposer le CV anonyme, fallait-il vraiment imposer encore une obligation théorique et administrative aux entreprises ? D’ailleurs, le gouvernement n’y était pas favorable et les textes sur la discrimination, même s’ils interviennent a posteriori, semblaient bien suffisants pour sensibiliser les recruteurs. Un rappel régulier des règles aurait probablement suffi plutôt que de venir financer les organismes de formation !

Auteur

  • Viviane Stulz, Amélie d’Heilly