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Allemagne : Réformes Schröder : un modèle à suivre ?

Sur le terrain | International | publié le : 04.04.2017 | Marion Leo

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Allemagne : Réformes Schröder : un modèle à suivre ?

Crédit photo Marion Leo

Parfois citées en exemple durant la campagne présidentielle en France, les réformes du marché de l’emploi de l’ancien chancelier Gerhard Schröder suscitent la polémique outre-Rhin. En proposant d’allonger la durée d’indemnisation des chômeurs, Martin Schulz, le candidat SPD à la chancellerie, a rouvert le débat.

Les réformes du marché allemand de l’emploi de l’ancien chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, menées entre 2003 et 2005 dans le cadre de l’Agenda 2010, ont parfois été présentées durant la campagne en France comme un « modèle à suivre », une « recette miracle » contre le chômage. Mais douze ans environ après leur adoption, ces réformes qui ont traumatisé le SPD continuent à diviser l’Allemagne. En proposant d’allonger la durée des indemnités de chômage – l’une des réformes centrales de l’Agenda 2010 – le candidat SPD à la chancellerie Martin Schulz a relancé le débat sur les effets réels de ces réformes. Pour les uns (CDU-CSU, le patronat mais aussi une partie du SPD), elles sont à l’origine du « miracle allemand de l’emploi » et de la bonne santé économique de l’Allemagne. Pour les autres (une autre partie du SPD, die Linke, les syndicats), elles ont avant tout conduit à une explosion de la précarité, des inégalités sociales et nécessitent des corrections. À coup sûr, elles ont modifié en profondeur le pays, changé les états d’esprit d’une manière positive mais aussi créé un sentiment d’insécurité. La peur de tomber dans le régime de l’aide sociale dite « Hartz IV » est grande.

Des réfomes radicales

Pour comprendre le débat, il faut revenir sur la genèse de l’Agenda 2010. Chômage record, croissance faible ou nulle, population vieillissante : au début de la décennie 2000, l’Allemagne fait figure d’« homme malade de l’Europe ». Le chancelier Schröder réagit en imposant un ensemble de réformes radicales et en libéralisant le marché de l’emploi : libéralisation de l’intérim, création des mini-jobs (400 euros pour 15 heures par semaine), réduction de la durée des indemnités chômage de 26 à 12 mois et de 32 à 18 mois pour les 55 ans et plus. Depuis la réforme « Hartz IV », une personne qui perd son emploi touche des allocations chômage durant 12 mois, puis tombe dans le régime de l’aide sociale (409 euros par mois + loyer et frais de chauffage pris en charge par l’État), nettement moins avantageux. Elle doit accepter toute offre d’emploi acceptable proposée par l’Agence de l’emploi et s’expose à des sanctions (réduction de 30 % de l’aide sociale durant trois mois) en cas de refus.

Douze ans plus tard, les experts restent divisés sur les conséquences des réformes. Depuis 2005, le nombre de chômeurs a fortement reculé, passant de 5 millions en 2005 à près de 2,8 millions en janvier 2017. Le taux de chômage qui s’élevait à 11,3 % en 2003 n’atteignait plus que 5,9 % en février 2017. « Les réformes de l’Agenda 2010 ont contribué au recul impressionnant du chômage », atteste l’économiste Christoph Weise. Selon Jochen Kluve, chercheur à l’institut RWI, elles ont permis à l’Allemagne de mieux résister à la crise de 2008-2009 que ses voisins européens. Selon d’autres économistes, la bonne tenue de l’emploi durant la crise s’explique aussi par d’autres facteurs : recours massif au chômage partiel, nombreux accords sur la sécurité de l’emploi signés par les partenaires sociaux, modération salariale ou forte demande des pays émergents pour les produits allemands.

Augmentation de la précarité

Mais selon les syndicats, l’embellie sur le front de l’emploi s’est faite au prix d’une forte augmentation de la précarité. L’économie allemande a créé 2,5 millions d’emplois entre 2003 et 2013, mais essentiellement des emplois « atypiques ». Le nombre de travailleurs intérimaires est passé de 328 000 en 2003 à 1 million en 2016. L’emploi à temps partiel et le nombre de CDD ont fortement augmenté. En 2014, 22,5 % des Allemands occupaient un emploi à bas salaire.

Conscients de ces dérives, les partis au pouvoir, sous l’impulsion du SPD, ont essayé de corriger le tir. Lors de la première grande coalition, entre 2005 et 2009, la CDU-CSU et le SPD ont porté à 15 mois la durée d’allocation chômage pour les plus de 50 ans et à 24 mois pour les plus de 58 ans. En janvier 2015, un salaire minimum obligatoire de 8,50 euros de l’heure a été introduit pour la première fois en Allemagne. En octobre 2016, le Bundestag a voté une loi visant à limiter les abus dans l’intérim. Mais, pour Martin Schulz, ces réformes sont insuffisantes. Selon lui, il est temps de « restaurer la justice sociale » en Allemagne.

Dans les médias

BERLINER ZEITUNG. La métallurgie débat de la digitalisation du travail

Pour adapter le temps de travail aux réalités de la digitalisation du monde du travail, il faut de nouvelles règles. (…) Le syndicat IG Metall et la fédération patronale Gesamtmetall sont d’accord sur ce point. Mais ils ont des avis différents sur la finalité, les bénéficiaires et l’ampleur de ces règles. (…) Le syndicat perçoit le thème de la flexibilité avant tout du point de vue des salariés. (…) Il entend protéger ces derniers contre tout travail imposé le soir ou le week-end et donner aux salariés la maîtrise de leur temps de travail. (…) Pour les employeurs, ce sont les besoins des clients qui sont prioritaires. 28 mars 2017, Berliner Zeitung, quotidien berlinois.

Auteur

  • Marion Leo