logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Lucca : Les salariés ont le dernier mot pour les augmentations de salaires

L’enquête | publié le : 28.03.2017 | H. T.

Chez cet éditeur de logiciel, on s’efforce d’être cash : les salaires sont transparents et les augmentations discutées entre pairs. Le recrutement n’échappe pas à cette philosophie « tribale ».

Une « idée intéressante ». Et une mise en pratique plutôt appréciée : « C’est une inversion des normes », commente Jean-Baptiste Beuzelin, 27 ans, délégué du personnel chez Lucca, éditeur de logiciels RH en mode SaaS (65 salariés). Arrivé dans l’entreprise en contrat de professionnalisation en septembre 2013, cet ingénieur R & D a participé, cette année, au rituel de fixation des augmentations de salaire, ouvert aux collaborateurs de plus de trois ans d’ancienneté (soit une quinzaine de personnes).

Bien peu conventionnelle pour des esprits hexagonaux, l’idée, tirée des lectures du Pdg, Gilles Satgé, a été mise en œuvre dès 2007-2008, alors que la start-up (créée il y a quinze ans) commençait à recruter. Abandonnée pendant deux ans du fait d’une conjoncture plus incertaine, la démarche a été rétablie en janvier 2015. Elle s’effectue en deux temps, avec les membres du comité de direction. Lors d’une première réunion en janvier – dans la foulée des entretiens annuels –, une corbeille reçoit des billets nominatifs où chacun a noté sa rémunération brute de l’année écoulée et celle qu’il aimerait obtenir. Puis l’objet circule. Un salarié tire un billet et annonce la couleur pour le collègue concerné. S’ensuit un tour de table permettant à l’intéressé d’argumenter sa demande et, à ses pairs, d’exposer leur point de vue.

À l’issue de cette réunion, les participants qui n’auraient pas souhaité s’exprimer publiquement disposent d’un court délai pour transmettre leurs remarques au responsable RH. Lequel restitue ces informations aux destinataires, avant une deuxième réunion qui clôt le processus. « Qu’ils tiennent compte de ces avis ou pas, ce sont les salariés qui ont le dernier mot, commente Frédéric Pot, associé, responsable RH et chef de produit d’une des solutions de l’éditeur. Cette année, trois cas ont suscité des discussions : un salarié est resté sur sa position, les deux autres ont finalement baissé leurs prétentions. »

Pas de faux-semblant

Un système qui s’autorégule : « Cela se fait en toute franchise, estime Jean-Baptiste Beuzelin. En général, on a tendance à demander un peu plus que ce que l’on souhaite pour espérer avoir ce qu’on voulait réellement. Ici, on évite ce faux-semblant. Les collaborateurs ne sont pas des enfants. Ils comprennent la philosophie de l’entreprise, s’évaluent en leur âme et conscience et savent très bien qu’il leur faudra ensuite justifier l’augmentation obtenue. »

Frédéric Pot abonde : camper sur ses positions contre l’avis collectif « génère forcément une pression supplémentaire ». Mais au final, assure-t-il, « les salaires ne sont pas beaucoup plus élevés que si la direction les avait fixés elle-même, et nous restons en ligne avec le marché. Cette méthode permet en outre de responsabiliser les collaborateurs sur la notion de rémunération. »

Pour Jean-Baptiste Beuzelin, il serait cependant utile de mieux préparer les salariés en amont de l’exercice. « Cela peut générer de l’anxiété chez certains, car, en France, le sujet est sensible, convient le responsable RH. Mais nous essayons d’améliorer le processus en aidant les salariés à trouver les informations pour se situer sur le marché. L’avantage, c’est qu’ils bénéficient la plupart du temps de l’appui de leurs pairs », assure-t-il.

Frédéric Pot se garde bien de se prononcer sur l’avenir d’un tel dispositif : « Nous essayons d’innover, mais rien n’est jamais acquis. Nous verrons s’il y a, par la suite, des points de blocage. »

La fixation des augmentations n’est qu’un exemple des principes RH qui guident l’entreprise. L’éditeur a ainsi ouvert à ses salariés, en mode consultation, son application de gestion de la masse salariale. Chaque collaborateur peut accéder à la grille de salaires et suivre les évolutions annuelles. « Notre politique de transparence va au-delà des salaires, ajoute Frédéric Pot. Outre les réunions qui nous permettent de faire le point, nous mettons en ligne les budgets mensuels, consolidés chaque année, ainsi que l’état mensuel des abonnements SaaS de nos clients, qui sont le revenu récurrent de l’entreprise. »

Chacun doit savoir où il va. Et les nouvelles recrues sont tout de suite mises dans le bain, avec un processus de recrutement qui, lui aussi, sort de l’ordinaire. « Concernant les développeurs, par exemple, les besoins sont définis par les équipes concernées, qui rédigent elles-mêmes leurs annonces, reçoivent et trient les CV », expose Frédéric Pot. Les profils retenus reçoivent des tests techniques à réaliser tranquillement chez eux. Et les meilleurs candidats sont invités à rencontrer leurs futurs collègues pour être challengés sur leur CV et les résultats des tests. Voilà pour le savoir-faire technique.

Grand oral

Mais pour décrocher le ticket d’entrée, il faut encore réussir « le grand oral », devant une dizaine d’autres personnes de l’entreprise. Une dernière étape au cours de laquelle le candidat expose un sujet de son choix, technique ou plus personnel. « Il s’agit de voir comment la personne peut nous embarquer dans son propos et interagir avec nous », souligne Frédéric Pot. « L’intérêt, c’est qu’on se situe davantage sur le “feeling” », convient Jean-Baptiste Beuzelin. Mis au fait de la politique de transparence sur les rémunérations, les postulants doivent aussi annoncer leurs prétentions salariales devant cette petite assemblée.

Lucca assure proposer un débriefing aux candidats non retenus. C’est bien la moindre des choses pour une entreprise qui n’a vraiment rien à cacher.

Repères

Activité

Éditeur de logiciels RH en mode SaaS.

Effectif

65 collaborateurs.

Chiffre d’affaires 2016

4,2 millions d’euros.

Auteur

  • H. T.