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L’enquête

Fabienne Autier professeure chercheuse en GRH à EM lyon business school

L’enquête | L’interview | publié le : 28.03.2017 | H. T.

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Fabienne Autier professeure chercheuse en GRH à EM lyon business school

Crédit photo H. T.

« Les salariés sont en attente d’équité »

Pourquoi le thème de la “transparence” s’immisce-t-il de plus en plus dans les entreprises et les problématiques ressources humaines ?

Ce thème revêt à mon avis deux grandes dimensions. La première, c’est le besoin exprimé, par les salariés, d’une information précise, qui est lui-même le produit d’un accès à l’information de plus en plus important dans tous les registres de la vie. De la même façon que les individus ont, dans la société actuelle, accès à une profusion d’informations au titre de consommateur, de citoyen, ils attendent une symétrie dans leur vie professionnelle. Les enquêtes de salaires, par exemple, se sont beaucoup développées ces dernières années. Des sites comparatifs et collaboratifs tel Glassdoor, qui permettent aux salariés d’échanger des avis et des données sur les pratiques effectives des entreprises en matière de recrutement, de rémunération, de perspectives de carrières, etc., sont le prototype de cette attente d’information et de transparence. Ces sites sont le pendant, pour les salariés, des sites comparatifs tels que TripAdvisor pour les touristes. Leur existence atteste d’un fait nouveau : si les employeurs ne diffusent pas suffisamment d’informations en interne, alors les individus peuvent contourner cette défaillance et s’organiser en externe pour l’obtenir.

Et la seconde dimension ?

Elle est davantage interne à l’entreprise et rejoint une autre tendance de fond qui est l’attente d’équité de traitement de la part des salariés. La recherche en gestion a pointé ce besoin dès les années 1960 ! Aujourd’hui, il devient clair que les fonctionnements opaques et les non-dits sont de moins en moins acceptables. Les décisions doivent être fondées sur des éléments objectifs et tangibles, des preuves chiffrées sont attendues pour les comprendre et les accepter. Quand une organisation est capable de communiquer sur le fait que son processus de recrutement est équitable et fondé sur des critères tangibles : nombre de CV reçus pour un poste, nombre de candidats retenus, candidat sélectionné au terme de tant d’entretiens, cela légitime le recrutement, tant pour le nouvel embauché que pour l’équipe qui va l’accueillir. Les politiques de rémunération, également, sont l’objet d’une demande croissante de transparence. Il y a encore vingt ans, en France, on ne diffusait pas d’information sur le sujet. Aujourd’hui, un nombre croissant d’entreprises publient des échelles de rémunérations de référence avec des mini/maxi/médianes de salaires par poste. Et à nouveau, les stratégies d’opacité sont de toute façon contrées par les salariés qui partagent plus volontiers qu’avant ce type d’information.

Tous les processus RH sont-ils concernés ?

Les salariés ont les mêmes attentes concernant la mobilité interne et les promotions, souvent réputées être un « marché souterrain ». Aujourd’hui, dans les pays développés, la gestion des talents oscille entre deux approches extrêmes : en France, les démarches de détection des potentiels ou de revues de talents privilégient encore le secret. Dans les entreprises anglo-saxonnes et en Europe du Nord, en revanche, on n’hésite pas à rendre ce processus complètement transparent. J’ai en tête l’exemple de l’entreprise Grundfos (fabricant de pompes d’origine danoise, NDLR), où chacun sait de quoi il retourne, du début à la fin : détection par les managers, passage des intéressés par un assessment center et publication des noms de ceux qui se sont montrés à la hauteur. C’est un processus bien défini, et dans ce cas précis, outillé, ce qui minimise le sujet pour les salariés. Il semblerait, en tout cas, que la transparence ait moins d’effets pervers que le secret et l’opacité qui suscitent des rumeurs et une compétition entre salariés, donc une perte de temps et d’énergie.

Auteur

  • H. T.