Le sujet du handicap est souvent tabou et délicat à aborder pour un manager. Pourtant, amener un membre de son équipe vers la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) fait aussi partie de son rôle, dans le but de faciliter le maintien dans l’emploi.
La majorité des handicaps sont peu visibles. Alors « il faut être à l’écoute des signaux d’alerte en cas de répétitions d’indices comme des arrêts de travail, une fatigue inhabituelle, une irritabilité, un manque de concentration », indique Stéphane Rivière, président de Talenteo, blog handicap et emploi.
Depuis que Japan Tobacco International (JTI) France a sensibilisé ses 300 salariés au handicap, « des managers sont venus nous voir pour la première fois pour nous signaler qu’ils pensaient avoir des personnes concernées par la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) dans leur équipe, par exemple avec des problèmes d’audition, et qui auraient besoin de se faire appareiller », témoigne Emira Benfaiza, la responsable des ressources humaines et des relations sociales.
Dans ce cas, il n’est pas conseillé à l’encadrant de proximité d’interroger son collaborateur sur son handicap directement car, d’une part, cela relève de l’intime et cela pourrait le braquer. D’autre part, cela pourrait effrayer le manager lui-même, qui n’est pas médecin. En revanche, il est possible de le questionner de manière anodine, « en dédramatisant », estime Stéphane Rivière. « Il faut choisir son moment, lui demander quand il se retrouve seul avec lui : “Tu boites, tu es tombé au ski” », illustre-t-il, afin de prendre la température et de percevoir dans quel état d’esprit se sent la personne.
Le handicap est la plupart du temps tabou. « Le collaborateur peut être dans une période de deuil de son état de santé passé ou de déni. Dans ce cas, il faut l’amener à s’interroger en objectivant la situation et en lui demandant pourquoi il n’a pas atteint ses objectifs, par exemple, sans entrer dans la culpabilité », préconise Guy Tisserand, président de TH conseil, cabinet de formation spécialisé en handicap et diversité. Après lui avoir lancé une perche en abordant le sujet avec lui, « il faut mettre des balises de temps et lui proposer de refaire un point quinze jours plus tard », préconise le coach. D’ici là, l’idée aura peut-être fait son chemin.
Si le manager se retrouve face à un discours méfiant, voir agressif de type : « Cela vous arrangerait bien de m’intégrer dans votre quota de 6 % de travailleurs handicapés » ou reflétant une peur d’être discriminé en raison du handicap, « il faut que la personne voie ce qu’elle pourrait y gagner, l’interroger sur ses besoins en fonction de son état de santé », estime Laure Paul-Renard, consultante handicap chez DFD consulting. Il est important de l’amener vers le sujet du « confort au travail en interrogeant la mission handicap, les RH ou la médecine du travail pour être en mesure de présenter des solutions envisageables, comme financer une voiture de fonction avec boîte automatique pour un commercial qui a de graves problèmes de dos, par exemple, ou adapter le temps de travail en retour d’arrêt maladie à la suite d’un cancer », illustre Stéphane Rivière, de Talenteo.
Autre frein à lever pour le manager une fois que le collaborateur a pris conscience de son handicap : il veut absolument « être traité comme les autres ». Là, l’encadrant de proximité doit expliquer, d’une part, qu’« être traité comme les autres, c’est être traité différemment, comme tout le monde, pour qu’il change son état d’esprit », avance Guy Tisserand.
D’autre part, il est important d’intégrer son handicap dans le collectif en lui expliquant qu’en aménageant son poste ou ses horaires, cela lui sera bénéfique, mais aussi à l’ensemble de l’équipe puisqu’il sera davantage à même d’assurer sa mission, sans que les tâches qu’il ne parvient pas à accomplir retombent sur les autres collègues.
Le manager peut ensuite lui exposer les grandes lignes de la RQTH en lui expliquant ce que cela permet : solliciter des dispositifs comme l’association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) afin de financer des aménagements techniques tels que des fauteuils ergonomiques, des écrans plus larges, des modes de transport adaptés, ou organisationnels tels que les mi-temps thérapeutiques, le télétravail ou encore des accompagnements via des coachs ou du tutorat, d’autant plus pertinents en cas de handicaps psychiques. Ensuite, « le manager n’est pas un sauveur, il est un aidant. Il doit le diriger vers le médecin ou l’infirmier du travail, la mission handicap ou les RH, selon la taille de l’entreprise », recommande le président de TH conseil.
Laure Paul-Renard
Consultante handicap chez DFD consulting
Légalement, le manager n’est pas autorisé à poser des questions sur la santé ou le handicap de son collaborateur, cela ne doit pas constituer la porte d’entrée de la discussion. Mieux vaut lui faire part des signaux d’alerte repérés pour l’amener à s’interroger, comme le fait que la personne n’atteint plus ses objectifs.
Il faut questionner le collaborateur non pas sur son handicap lui-même mais sur ce dont il pourrait avoir besoin pour mieux le vivre dans l’entreprise. Ainsi, il cernera mieux en quoi la RQTH va l’aider, notamment à obtenir une organisation du temps de travail adaptée.
C’est la clé de la démarche, le manager doit assez vite passer la main pour que le médecin du travail l’aide dans la constitution du dossier, notamment. Les missions handicap ou les RH sont également de bons relais.