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Recrutement : Choisir un bras droit, sans se tromper

Les clés | publié le : 14.02.2017 | Adeline Farge

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Recrutement : Choisir un bras droit, sans se tromper

Crédit photo Adeline Farge

Sélectionner son numéro deux est un moment délicat pour un manager ou un dirigeant de PME. Définir un profil de poste, repérer la perle rare dans son équipe ou encore calmer les jalousies sont des étapes à ne pas négliger pour relever ce défi.

Les conseils du coach

Olivier Meier

Directeur de recherches à Paris-Dauphine et Paris-Est, coauteur de Manageor (Dunod, sept 2015) avec Michel Barabel

–1– Identifier les singularités chez les autres

Les acteurs qui ont le plus d’influence dans l’entreprise, à un moment donné, ne sont pas toujours ceux qui ont les positions les plus élevées dans l’organisation (organigramme), même si naturellement cette donnée doit être prise en compte. L’influence d’une personne ne se repère pas uniquement par ses titres ou fonctions. L’influence peut être multiple, d’ordre cognitif, affectif, psychologique, culturel, personnel ou social. Elle peut aussi s’exprimer par la communication non verbale ou dans le cadre de relations informelles. Le manager doit être à l’écoute de ces indices, ouvert aux échanges et attentif aux autres, pour identifier les éléments de singularité propres à chaque individu. Sans chercher à les catégoriser en fonction de leur métier, diplôme ou position hiérarchique.

–2– Sanctuariser des temps d’échanges interpersonnels

Pour créer un réseau d’influence, il faut favoriser des liens de confiance, ce qui nécessite de se réserver des moments d’échanges en tête à tête, lorsque c’est possible. Sur le lieu de travail ou en dehors. Un déjeuner, un café, une partie de sport, une sortie peuvent permettre de dépasser le cadre professionnel et favoriser des connexions morales, intellectuelles, affectives, familiales… pour déboucher sur une estime réciproque. Un lien nettement plus fort que le respect ou la crédibilité professionnelle et beaucoup plus pertinent dans le cadre d’un réseau d’influence.

–3– Veiller à entretenir la confiance

On ne doit jamais penser que la relation de confiance est acquise une fois pour toutes. Avec un allié, on peut facilement se laisser aller dans la manière de s’exprimer ou de se comporter, prendre moins d’égards, froisser sa susceptibilité sans s’en rendre compte. Or mieux vaut conserver une posture humble et attentive et faire toujours en sorte que la personne en face de vous soit gagnante dans l’échange. Il est toujours pertinent de laisser parler l’autre et de le mettre en valeur.

Anticiper une phase de croissance, se lancer à la conquête d’un nouveau marché, faire face à une surcharge d’activités, se concentrer sur les décisions stratégiques… Mille et une raisons justifient la quête d’un numéro deux. Mais, mal préparé, cet exercice délicat se transforme en casse-tête. « Le manager recherche une personne sur qui se reposer et avec laquelle il travaillera en toute confiance. Au-delà des compétences techniques, l’adjoint doit faire preuve de discrétion et de loyauté », prévient Sophie Torre, directrice générale adjointe d’Obea, spécialiste des ressources humaines et du management.

Parier sur le mauvais cheval, en plus d’être coûteux en temps et en argent, est déstabilisant pour les équipes. Pour éviter de se tromper, il ne faut pas se contenter de déposer une annonce sur un jobboard. Première étape : s’interroger sur ses motivations à s’entourer d’un adjoint, ses points forts et ses faiblesses, les missions à déléguer, les prochains défis de l’entreprise. « Cette réflexion va déterminer le profil et les compétences dont on a besoin pour atteindre ses objectifs. L’adjoint apporte une valeur ajoutée à l’entreprise », souligne Frédéric Dubois, dirigeant de Forgacom, conseil en management.

Le secret des tandems de choc : la complémentarité. Un manager qui est un as dans la stratégie et le commercial,mais pêche dans l’organisation se tournera vers un excellent gestionnaire. Or, trop souvent, pour se rassurer, les leaders privilégient leurs clones. Leur crainte : sélectionner des candidats qui leur feront de l’ombre et joueront les califes à la place du calife. « Je cherchais à développer un projet à l’international mais je n’avais pas les capacités linguistiques suffisantes. J’ai cherché à m’entourer d’un bras droit qui avait une expérience à l’étranger et une aisance en anglais. Il compense mes défauts. Recruter une personne identique ne m’aurait pas permis d’avancer ni d’innover », raconte Loïc Hétet, Pdg de Sténotype Grandjean.

Gare à ne pas tomber dans l’excès inverse. Pour assurer la cohérence de l’équipe, choisir un numéro bis qui se fondera dans les valeurs et la culture maison est essentiel. Les collaborateurs sont ceux qui connaissent le mieux les rouages de l’entreprise et donc les plus à même d’être rapidement opérationnels. « La promotion permet de reconnaître le travail d’un employé et de montrer à l’équipe qu’il est possible de progresser. Mais, il ne faut pas nommer une personne uniquement pour la récompenser de sa fidélité. Si elle n’a pas les compétences pour assumer ses responsabilités, on risque de l’envoyer au casse-pipe. Pour s’imposer, le second doit être légitime auprès de ses collègues », estime Paul-André Faure, dirigeant-fondateur d’Innoé, cabinet spécialisé dans le conseil en recrutement.

Du sang neuf

Différents leviers existent pour repérer les potentiels dans ses troupes, comme l’entretien annuel d’évaluation. Pour sonder son futur allié, il est aussi possible de le challenger en situation réelle : lui confier une mission spécifique, observer ses attitudes dans un groupe de travail, échanger sur ses stratégies, aller en rendez-vous en duo chez un client. Si aucun talent ne se démarque ou si les rivalités sont trop fortes en interne, il est utile d’aller chercher du sang neuf en dehors de l’entreprise, en s’appuyant sur un cabinet de recrutement ou bien en s’en chargeant soi-même. « Pour repérer mon futur adjoint, je sollicite mon réseau professionnel et mes collaborateurs. Les candidats qui me sont recommandés répondent mieux à mes attentes et aux besoins de mon activité. Je suis d’abord séduit par une personnalité », explique Jacques de Fontgalland, président d’AO IM, cabinet de conseil en optimisation de l’immobilier des entreprises.

Entretien individuel, déjeuner d’affaires, tournée des services, rendez-vous avec les clients…. Au-delà des tests de personnalité et de la prise de références, des entretiens doivent être organisés dans des contextes différents pour valider le feeling avec la personne, clé de réussite du binôme. Ne pas hésiter non plus à solliciter l’avis d’autres acteurs clés de l’entreprise voire des personnes extérieures pour conforter son choix. « Avec mon bras droit, on a appris à se connaître dans la sphère professionnelle durant une première mission. J’ai pu voir comment il se comportait lors des réunions avec la clientèle et s’intégrait dans l’équipe », se rappelle Loïc Hétet.

Cependant, un nouveau venu propulsé directement au rang de numéro deux risque de ne pas être accepté par l’équipe, surtout si la liste de prétendants au poste en interne est longue. « Pour éviter les jalousies, le manager aura des debriefings clairs et transparents avec ceux qui ont postulé. En tête à tête, il leur expliquera les raisons de sa décision mais aussi les axes de progression pour atteindre ce type de poste, indique Stanislas Dutreil, directeur régional Méditerranée chez Badenoch and Clark. Il pourra proposer de les accompagner par une formation. »

Les conseils du coach

Marie-Josée Bernard

Professeure de management et leadership à Em Lyon Business School

–1– Soigner le temps d’accueil

Prendre le temps d’accueillir l’adjoint est indispensable pour assurer une bonne intégration. Un moment convivial peut être organisé pour annoncer à l’ensemble des membres de l’équipe les raisons de cette nomination, les objectifs de sa venue et leur présenter le parcours du nouveau bras droit. Les clients clés de l’entreprise doivent aussi être tenus au courant de cette nomination. Pour donner de la visibilité et de la légitimité à son bras droit, c’est intéressant d’aller ensemble aux rendez-vous stratégiques.

–2– Bien définir le périmètre d’action

Chaque membre du binôme doit avoir son périmètre d’action. Le manager doit être au clair sur le partage des responsabilités et sur les tâches à déléguer. Confier à son numéro deux des dossiers gratifiants permettra de le crédibiliser. S’il faut lui laisser le champ libre et ne pas lui tenir la main, toutes les informations utiles doivent être communiquées pour qu’ils puissent réussir ses missions.

–3– Ritualiser des temps de reporting

Le manager ne doit pas lâcher le nouveau venu dans la nature. Des temps de rencontres et des feedbacks sont à prévoir régulièrement, et surtout à respecter. Ces moments, qui vont créer les bases d’une relation de confiance, sont à ritualiser dans l’agenda. Le manager devra rester attentif aux remarques et aux points de vue de son bras droit. Ne pas hésiter à lui demander un rapport d’étonnement.

Auteur

  • Adeline Farge