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L’enquête

Yves Lasfargue directeur de l’observatoire du teletravail, des conditions de travail et de l’ergostressie (OBERGO)

L’enquête | L’interview | publié le : 14.02.2017 | Emmanuel Franck

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Yves Lasfargue directeur de l’observatoire du teletravail, des conditions de travail et de l’ergostressie (OBERGO)

Crédit photo Emmanuel Franck

« Il reste des ambiguïtés juridiques qui pourraient être traitées au niveau national »

Le télétravail se développe-t-il dans les entreprises ?

L’Observatoire recense environ 90 accords d’entreprise dans sa base de données (www.ergostressie.com), ce qui correspond, je pense, à la moitié des accords signés. Selon notre dernière enquête auprès des salariés, 3 % d’entre eux sont effectivement en télétravail. Cette proportion est en augmentation sous l’effet de plusieurs phénomènes. Certains secteurs, qui étaient loin de cette forme d’organisation, s’y mettent. Ainsi, les fonctionnaires sont désormais couverts par un décret. Des agences de voyage qui ferment des sites sont également amenées à se doter d’accords de télétravail.

Autre phénomène en essor : le télétravail occasionnel pour faire face à des événements ponctuels (grèves, froid, problèmes de transport). Plusieurs accords ont été signés, mais malheureusement, il se développe aussi de manière informelle, ce qui crée des risques juridiques.

Enfin, les salariés sont de plus en plus équipés d’ordinateurs portables, ce qui lève des freins propres aux ordinateurs fixes (logiciels en double, confidentialité).

Le contenu des accords d’entreprise évolue-t-il dans un sens plus favorable au télétravail ?

Je constate que le remboursement forfaitaire des dépenses de télétravail se généralise, parce que cela devenait trop compliqué de défrayer le chauffage, le téléphone… Pour ne rien simplifier, les Urssaf ont intégré ces remboursements dans l’assiette des cotisations sociales. Les forfaits sont donc en général fixés à 1 ou 2 euros par jour, un niveau assez bas qui exclut tout effet d’aubaine. Par ailleurs, je ne vois pas les accords de télétravail s’ouvrir à davantage de populations. Les entreprises sont toujours hostiles à y inclure les nomades, sans doute parce qu’il est difficile de définir le travail nomade : il se déroule habituellement en dehors de l’entreprise, ce qui correspond à beaucoup de situations.

Certaines entreprises lient le télétravail à une réforme plus large de leur organisation (flex office, environnement dynamique…). Diriez-vous que le télétravail répond désormais à une attente des directions autant que des salariés ?

Non. Le télétravail reste massivement une attente des salariés. Les entreprises font le minimum et se contentent d’organiser la relation entre le salarié et son supérieur. Elles n’appréhendent pas le télétravail comme une forme d’organisation ni comme un facteur de productivité.

Une concertation interprofessionnelle sur le télétravail démarre. Selon vous, quels sujets devraient être abordés ?

Il reste quelques ambiguïtés juridiques qui pourraient être traitées au niveau national. Cela concerne principalement la responsabilité de l’employeur sur le lieu de travail du télétravailleur, qui est aussi son habitation. Exemple : le chien d’un salarié aboie pendant une conversation téléphonique avec un client, qui s’en plaint à l’employeur. Faudra-t-il que les salariés s’engagent sur la qualité de leur environnement ?

On peut aussi s’interroger sur le contrôle de la qualité de l’installation électrique. Doit-il porter sur la prise à laquelle est branché l’ordinateur ou sur la totalité du système électrique, au risque de verser dans un contrôle de type bureaucratique ? Les partenaires sociaux aborderont peut-être aussi la question de savoir si le remboursement des dépenses de télétravail doit coller à la réalité ou être forfaitaire.

Les opposants insisteront sur ces ambiguïtés et ces risques mais cela n’ira pas loin, sauf à s’exposer à bloquer le télétravail.

D’autres questions, en revanche, auront du mal à être traitées au niveau national. Le contrôle de la charge de travail du télétravailleur, le droit à la déconnexion, l’assouplissement des jours de télétravail devraient à mon sens être négociés au plus près du terrain.

Auteur

  • Emmanuel Franck