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Organisation du travail : Les vertus multiples du télétravail

L’enquête | publié le : 14.02.2017 | Emmanuel Franck

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Organisation du travail : Les vertus multiples du télétravail

Crédit photo Emmanuel Franck

Très populaire chez les salariés, le télétravail commence aussi à le devenir auprès des directions d’entreprise, qui lui découvrent des vertus sur l’organisation du travail. La CGT et la CFDT demandent que la concertation nationale qui vient de s’ouvrir débouche sur une renégociation de l’accord national interprofessionnel de 2005.

Les syndicats et les patronats ont démarré, en décembre, une série de réunions sur le télétravail. Comme le stipule la loi Travail, les partenaires sociaux remettent donc le sujet sur le tapis, douze ans après l’accord national interprofessionnel, cinq ans après sa transposition dans la loi. À l’heure où nous écrivons, les discussions sont à peine ébauchées. Le Medef fait savoir qu’il reçoit les syndicats en bilatérales. Tous n’ont d’ailleurs pas encore désigné leur chef de file.

Le législateur a fixé un cahier des charges : les partenaires sociaux doivent engager une « concertation sur le développement du télétravail et du travail à distance » ; ils doivent réaliser un état des lieux du télétravail par branche professionnelle ; aborder la question de la charge de travail des salariés en forfait-jours, la prise en compte des pratiques liées aux outils numériques et l’opportunité de fractionner le repos quotidien ou hebdomadaire de ces mêmes salariés. À la fin de la concertation, ils doivent publier un guide des bonnes pratiques qui servira de document de référence pour la négociation d’un accord d’entreprise. À noter que rien n’oblige les entreprises à encadrer le télétravail par un accord mais que de plus en plus de salariés sont couverts par un texte ; l’Observatoire du télétravail estime qu’environ 180 ont déjà été signés (lire l’interview d’Yves Lasfargue p. 25).

Aucune plate-forme revendicative précise n’a encore été élaborée, mais la CFDT fait savoir qu’elle demandera à assouplir le télétravail afin de l’ouvrir à davantage de salariés, quand la CGT s’attachera à sécuriser cette organisation (lire l’encadré ci-dessous). Pour ces deux syndicats, les enjeux de la concertation nationale sont de répondre à une demande toujours plus forte des salariés d’accéder au télétravail ; de cadrer l’usage de l’Internet mobile, qui s’est démocratisé depuis l’accord interprofessionnel de 2005, et d’assouplir le télétravail.

Des entreprises ont déjà mis en œuvre certaines de ces préconisations. Signataire de plusieurs accords sur le télétravail, la direction de Norauto a voulu aborder, lors de sa dernière négociation sur le sujet, la question du « travail à distance ». Il concerne les managers alternant le travail occasionnel à la maison, dans un centre Norauto ou dans un espace de coworking. Méfiants devant cette demande qu’ils trouvaient floue, les syndicats ont préféré ne pas s’engager sur ce thème. Du coup, la direction a décidé de mener une expérimentation de son côté (lire p. 24).

AXA a beaucoup assoupli l’accès au télétravail après l’avoir longtemps restreint. La direction veut désormais en faire un levier (avec les bureaux non attribués) pour réorganiser l’entreprise et créer de nouvelles coopérations (lire p. 22). Airbus opérations a le même état d’esprit. Le télétravail s’y articule avec un programme de transformation de l’entreprise et la direction ne cache pas qu’elle en attend davantage d’efficacité (lire p. 23).

Transformation des organisations

Comme à AXA, comme à Invivo, comme bientôt à BNP (lire Entreprise & Carrières n° 1321), comme à Aéroport de Paris, le télétravail se pare soudain de vertus qu’affectionnent les directions : efficacité du travail, transformation des organisations, et responsabilisation des salariés. Ces entreprises admettent ainsi que le télétravail n’est plus seulement une faveur qu’elles accordent aux salariés ou une compensation d’un déménagement ou d’un open space, mais une organisation qui crée de la valeur. Il ne s’agit sans doute pas d’un mouvement de fond : Yves Lasfargue, directeur de l’Observatoire du télétravail, estime que le télétravail reste fondamentalement une réponse à une demande des salariés pour améliorer leurs conditions de travail. Mais il n’est plus uniquement cela.

La CGT réclame davantage de sécurité

« Avec le développement de l’Internet mobile, de plus en plus de salariés sont nomades de fait, or cette organisation augmente le temps de travail non reconnu, entraîne des temps de repos inférieurs aux obligations légales et ces salariés ne sont pas protégés contre les accidents du travail », explique Jean-Luc Molins, secrétaire national de l’Ugict CGT (cadres), ancien membre de la commission Mettling sur la transformation numérique. L’ANI de 2005 n’excluait pas les nomades du télétravail, ce que font pourtant quasiment toutes les entreprises, hormis BNP Paribas et Invivo (lire Entreprise & Carrières n° 1315). « Il faudrait que la concertation interprofessionnelle aborde cette question », estime Jean-Luc Molins.

La CGT comme la CFDT demanderont que la concertation ne se cantonne pas au télétravail mais qu’elle traite aussi de la charge de travail et du fractionnement des temps de repos, qui résulte en partie de l’usage de l’Internet mobile. « Le respect du temps de travail et du temps de repos peut être obtenu par la déconnexion », explique Jean-Luc Molins, qui voudrait que 10 % du temps en télétravail soit hors connexion. Il cite à ce propos les pratiques de Michelin (badgeage des cadres au forfait-jours et alerte en cas de non-respect des 11 heures de repos), celles d’Orange (obligation de se déconnecter pendant les réunions) et de Daimler (destruction des e-mails envoyés aux salariés absents et invitation à les renvoyer ultérieurement). Enfin, la CGT demande que l’entreprise prenne en charge l’aménagement du domicile « afin de permettre aux salariés qui ont un petit logement d’accéder au télétravail ».

La CFDT veut élargir et assouplir le télétravail

Les syndicats peaufinent leurs analyses et leurs revendications en prévision de la concertation qui vient de démarrer. En théorie, Jérôme Chemin, secrétaire national de la CFDT cadres en charge du numérique, estime qu’aucun emploi n’est a priori fermé au télétravail : « Rien n’empêche de confier à celui qui distribue le courrier d’autres tâches réalisables en télétravail. » Il serait également partisan de formules plus souples que celles qui prévalent actuellement dans les entreprises, où les jours de télétravail sont en général fixes : « Une solution serait par exemple que le salarié dispose de quatre jours de télétravail par mois, qu’il pourrait positionner à sa convenance », à l’image de ce que fait AXA (lire p. 22).

Il souhaiterait par ailleurs que la concertation porte sur les travailleurs nomades. Ces derniers exercent déjà habituellement en dehors des locaux de l’entreprise – les commerciaux par exemple – et sont exclus du télétravail.

Auteur

  • Emmanuel Franck