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Chronique

Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 14.02.2017 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Est-ce un handicap d’être un manager handicape ?

Une erreur classique en matière de handicap consiste à s’intéresser au recrutement de personnes handicapées afin de respecter les quotas prévus par la loi, mais à négliger leur intégration dans le collectif de travail. Cela peut déboucher sur des problématiques complexes (mal-être, exclusion, renforcement des stéréotypes…), en particulier dans le cas des handicaps mentaux.

De même, le monde académique s’est assez peu penché sur l’intégration des personnes ayant un handicap. Il faut dire que l’accès à ce type de données est d’autant plus difficile que le nombre de personnes handicapées en entreprise demeure faible : il serait difficile de généraliser une enquête menée auprès de seulement quelques personnes.

Une étude parue sur ce sujet dans la revue Academy of Management* vient combler ce vide. Les auteurs, David Dwertmann et Stephan Boehm, tous les deux chercheurs à l’université de Saint-Gallen en Suisse, se sont intéressés à la qualité de la relation entre manager et collaborateur quand l’un des deux (voire les deux) souffre(nt) d’un handicap. Grâce à un questionnaire rempli par plus de 1 250 salariés, ils ont pu analyser l’impact du handicap sur la relation managériale.

Il apparaît tout d’abord qu’il n’y a pas de différence significative dans la qualité de la relation manager-managé quand les deux personnes concernées ont toutes les deux un handicap ou bien quand aucune des deux n’a de handicap. Le fait d’appartenir à une même minorité explique sans doute une bonne compréhension et l’empathie entre managers et managés ayant tous les deux un handicap, ce qui leur permet de nouer une relation identique à celle de managers et managés « standard ».

Les choses se compliquent quand un seul des deux est handicapé. Dans ce cas, la qualité de la relation managériale est moins bonne. La dégradation de celle-ci est particulièrement forte quand c’est le manager qui souffre d’un handicap et non pas le managé. Les auteurs l’expliquent par la notion de statut : les collaborateurs d’un manager handicapé se sentent rabaissés dans leur identité sociale et leur estime d’eux-mêmes, comme si le stigmate qui touche le manager handicapé touchait aussi son équipe.

Heureusement, les auteurs ne nous laissent pas en plan sur ce constat pessimiste pour l’intégration des personnes handicapées. Ils ont également étudié l’impact de la culture d’entreprise sur la qualité de la relation managériale. Quand il existe au sein d’un établissement un climat d’inclusion, donc une plus grande tolérance à la diversité, la qualité de la relation entre un manager handicapé et un collaborateur non handicapé est moins dégradée que lorsqu’une telle culture d’inclusion n’existe pas.

Bref, tout n’est pas perdu même s’il reste encore beaucoup de travail à faire pour couper court aux stéréotypes négatifs envers les personnes handicapées, en particulier quand elles occupent des postes à responsabilités. David Dwertmann et Stephan Boehm conseillent de récompenser leurs salariés qui contribuent au développement professionnel et à la promotion de personnes ayant un handicap à des postes de management. Mais cela ne risque-t-il pas de renforcer le stigmate et d’encourager la discrimination positive ?

* Dwertmann, D. J., & Boehm, S. A. (2016). Status matters : The asymmetric effects of supervisor–subordinate disability incongruence and climate for inclusion. Academy of Management Journal, 59(1), 44-64.

Auteur

  • Denis Monneuse