logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Michelin : Les idées du terrain encouragées et valorisées

L’enquête | publié le : 07.02.2017 | N. L.

Le manufacturier mène une politique active pour favoriser l’expression des idées des salariés. Une démarche portée par les managers et les experts, relayée par une équipe dédiée et assortie de multiples formes de reconnaissance.

En 1927, les ouvriers de Bibendum remplissaient des fiches nominatives de suggestions, qu’ils remettaient à leur supérieur hiérarchique… aujourd’hui, la plupart postent leurs « idées de progrès et d’innovation » sur la plate-forme numérique InnovaGO (disponible en 17 langues). « Le groupe Michelin a toujours souhaité qu’une idée soit associée à son auteur, qu’il puisse l’expliquer, la mettre en œuvre lui-même si possible, qu’on puisse l’accompagner et qu’on reconnaisse son engagement », analyse Roger Mondière, coordinateur groupe InnovaGO.

Exemple emblématique avec José de Magalhaes, responsable propreté et espaces verts sur les sites clermontois des Carmes et du Brézet : « J’ai proposé que les supports des écrans d’ordinateur puissent être réglables pour les salariés portant des verres progressifs, afin d’éviter les douleurs cervicales et la fatigue. J’étais moi-même dans ce cas. » Son manager se montre intéressé et lui demande de définir le nombre de salariés concernés aux Carmes. « Ce n’était pas un problème isolé, raconte José de Magalhaes. On m’a alors donné du temps pour travailler. Comme les fabricants d’ordinateurs n’avaient pas de support spécifique adapté, j’ai pris contact avec un ergonome en interne, un ophtalmologue pour définir les réglages souhaitables d’angles de vue et deux prestataires, pour réaliser des prototypes et effectuer des tests. L’idée a ensuite pu être déployée sur tout le site des Carmes. » Avec un impact positif sur les conditions de travail, une diminution des arrêts de travail et des économies sur les achats de nouveaux écrans, seule solution utilisée jusque-là. Une innovation qui a valu à son concepteur une gratification d’environ 1 000 euros… les trois quarts des idées mises en place donnant lieu à rémunération (lire ci-dessous).

60 000 idées par an

« Sécurité, qualité de vie, environnement, diversité, organisation du travail… nous recevons près de 60 000 idées par an sur la plupart de nos sites dans le monde, précise Roger Mondière. C’est le manager qui les examine, lorsqu’elles sont dans son champ de compétences, ou un expert du domaine. » Lorsque l’un ou l’autre ne retient pas une idée, ce qui se produit dans un cas sur deux, il explique au salarié pourquoi et lui remet un courrier de remerciement, généré automatiquement par InnovaGO. En cas de validation, l’auteur est averti par mail de chaque avancée du dossier, notamment si une expertise complémentaire est nécessaire. Mais il faut s’assurer que la réponse ne tarde pas trop. « Nous recensons régulièrement les dossiers en suspens et nous appelons les managers ou nous allons les voir, pour faire le point, les aider, trouver le bon interlocuteur… », expose Céline Bourgoin, l’une des deux animatrices “innovation participative” du site des Carmes (3 500 salariés). Dont la mission est aussi d’alimenter et de valoriser la démarche. « Nous lançons régulièrement des challenges, par exemple les 400 premiers salariés qui déposent une idée, détaille Céline Bourgoin. Tous les ans, nous remettons un diplôme de participation et un cadeau aux meilleurs innovateurs, experts et managers correspondants, en présence de leurs propres managers. Nous faisons un petit reportage dans le journal interne, nous mettons en ligne une vidéo, etc. ». Tous les deux ans, les 35 à 40 meilleures idées sont primées lors d’une grande cérémonie à Clermont-Ferrand, qui réunit les innovateurs de nombreux pays, en présence du président de Michelin, Jean-Dominique Senard.

En outre, le nombre d’“idées de progrès” est un des paramètres de calcul de l’intéressement. Le responsable d’activité maintenance a d’ailleurs fixé l’objectif minimal d’une idée par an à chacun de ses 60 collaborateurs : « Les idées sont formulées sur Innova GO ou en version manuscrite pour ceux qui n’ont pas d’ordinateur, et on en discute ensuite, précise José de Magalhaes. On en reparle aussi lors de l’entretien d’évaluation. » La production d’idées revêt une dimension plus collective en Allemagne, puisque 50 % des suggestions sont émises par des co-auteurs… contre 10 % sur les sites français du fabricant de pneus.

Repères

Activité

Fabrication et commercialisation de pneumatiques.

Effectif Monde

112 300 salariés.

Chiffre d’affaires 2015

21,19 milliards d’euros.

Une gratification pour les innovateurs

Près de 20 000 idées réalisées se traduisent, chaque année, par le versement d’une gratification. Pour un montant moyen compris entre 70 et 100 euros, avec un plancher de 30 euros. La plus forte prime distribuée a atteint 13 000 euros. « Nous déterminons la reconnaissance monétaire en fonction de plusieurs critères, explique Roger Mondière, coordinateur groupe InnovaGO : l’idée a-t-elle nécessité beaucoup de recherches, d’analyses ? Est-elle basique ou pointue ? Le problème qu’elle résout était-il déjà identifié ? Le progrès estimé pour l’entreprise est-il faible, moyen ou fort ? ». Un progrès qui peut, parfois, être chiffré : en 2015, les experts de la démarche sont parvenus à calculer un gain annuel net pour 3 000 idées sur les 25 316 mises en œuvre. Résultat : une économie globale de 15 millions d’euros ! La reconnaissance monétaire attribuée aux concepteurs existe depuis 90 ans chez le géant du pneu… depuis les toutes premières fiches idées.

Auteur

  • N. L.