Au départ, c’était un projet d’entreprise classique : soucieuse de maintenir son niveau de performance industrielle, la direction de l’usine alsacienne de Bischwiller du groupe Hager (équipements électriques, 2^e site de production en France) a lancé en 2014 le projet “Vision 2016”. Avec trois enjeux : l’attitude et le bien-être en usine ; l’efficacité par le lean ; l’innovation. L’originalité ? Embarquer l’ensemble des 400 salariés dans une démarche participative. « Nous ne voulions pas d’une équipe élitiste, enfermée en salle de réunion. Nous sommes convaincus que les idées créatives peuvent arriver de chacun d’entre nous : opératrices, technicien, manager, dirigeant », explique Frédéric Meyer, directeur de l’usine.

Comment mobiliser les salariés, sachant que la règle est le volontariat ? D’abord en s’appuyant sur un outil déjà bien connu des opératrices, majoritaires dans les ateliers : les cartes Kaizen utilisées pour signaler les dysfonctionnements, les besoins ou une suggestion d’amélioration. Une touche “innovation” a été ajoutée à ces cartes pour générer des idées créatives. La consigne : « Exprimez vos idées, même si elles sont farfelues. » Ensuite en formant les responsables des 15 secteurs de l’usine au management de l’innovation participative. Tous ont ainsi appris à manier 14 outils et méthodes de créativité et à animer ateliers de brainstorming et de projets innovants. Enfin, en entretenant la flamme avec des jeux et événements, mêlant cols blancs et cols bleus : quiz collectif, défis créatifs (réponses à la “boîte aux pourquoi”, inventer une 2^e vie des produits…), demi-journées d’ébullition des cerveaux (IDay), etc. Le tout sur des supports très simples : paperboard, post-it, jeux détournés… « C’est une question d’efficacité et de pragmatisme, car les opératrices sont sur des postes de travail non équipés en ordinateurs », précise Freddy Fliedner, pilote de l’enjeu “Innovation”, par ailleurs responsable du service technique de l’usine.

Au bout de deux ans, l’innovation participative est entrée dans les mœurs. Freddy Fliedner et son équipe projet espéraient mobiliser 50 personnes. Au final, 187 se sont impliquées, à tous les niveaux hiérarchiques. Après un temps d’hésitation, les opératrices ont joué le jeu. En deux ans, le nombre de cartes Kaizen émises a augmenté de 40 %.

L’engagement de la direction de faire un retour sur les idées dans les cinq jours a été tenu, la réalisation pouvant être plus longue. Tous supports et événements confondus, 17 idées ont été exploitées et déployées concrètement. Exemples : une procédure de contrôle de flux de produits simplifiée ; l’aménagement de postes de travail plus ergonomiques ; la fabrication de pièces de rechange en 3D au lieu de les acheter, ce qui divise leur coût par 10. Ou encore la création, avec l’équipe RH, d’un “réservoir de reconnaissance”. Un dispositif qui permet aux managers de piocher dans une trentaine de formules pour récompenser leurs troupes : bon cadeau, bon de restaurant, heures de libertés, journée de congés, etc.

Durant ces deux ans, « la performance économique s’est améliorée, les clients n’ont jamais été si bien livrés, le baromètre bien-être au travail affiche des améliorations de 10 points sur plusieurs items et l’absentéisme en hausse avant ces actions est désormais à la baisse, affirme Frédéric Meyer. Certes, on ne peut pas faire de lien direct, mais les améliorations sont là. Je constate aussi que la créativité génère enthousiasme et responsabilisation ». C’est pourquoi l’innovation participative est maintenant intégrée aux processus. Un espace dédié pour phosphorer et échanger a été instauré dans l’usine. Depuis 2016, deux “agitatrices de créativité”, choisies parmi les opératrices volontaires, sont chargées de stimuler les idées dans leur secteur. Pour sa démarche probante, l’usine a reçu le trophée Argent de l’innovation participative remis en novembre 2016 par l’association Innov’Acteurs(1).

Activité

Composants et solutions pour installations électriques.

Effectif

11 650 personnes, dont 3 420 en France.

Chiffre d’affaires 2015

1,9 milliard d’euros.