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Santé au travail :Travailler avec le cancer : l’équation est gagnante pour tous

La semaine | publié le : 07.02.2017 | Rozenn Le Saint

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Santé au travail :Travailler avec le cancer : l’équation est gagnante pour tous

Crédit photo Rozenn Le Saint

Permettre aux salariés atteints d’un cancer de conserver leur emploi pendant leur traitement, notamment en aménageant leur activité, évite des coûts importants pour leur entreprise. Une étude présentée à l’occasion du colloque Cancer@work, le 2 février, les calcule.

« De la même manière que la maladie peut rendre une personne plus forte, elle peut rendre une entreprise plus performante, assure Anne-Sophie Tuszynski, fondatrice de Cancer@work(1). Je me souviens d’une salariée atteinte d’un cancer qui m’avait confié que son maintien dans l’emploi avait été le meilleur séminaire de team building qu’elle ait jamais vécu car cela oblige à modifier l’organisation et à développer l’entraide. L’entreprise y gagne aussi en agilité. »

Anne-Sophie Tuszynski, atteinte d’un cancer en 2011, qui a révélé chez elle « l’audace d’entreprendre et a renforcé [sa] capacité d’innovation », n’est pas la seule à avoir cette conviction : quatre actifs sur dix atteints d’un cancer déclarent que la maladie a dévoilé ou accentué chez eux des compétences ou des qualités valorisables sur le plan professionnel. L’aménagement de poste des salariés malades renforce la confiance, la cohésion et l’engagement des équipes selon près de huit actifs interrogés sur dix ; et près de neuf sur dix selon les malades eux-mêmes et leurs collègues proches, indique le baromètre Cancer@work 2016(2). Cette intuition est aujourd’hui vérifiée par une enquête dont les résultats ont été rendus publics le 2 février.

Mesure des bénéfices.

L’association a fait appel au cabinet Asteres, dirigé par l’économiste Nicolas Bouzou, afin d’en mesurer les bénéfices pour l’entreprise.

Le cabinet Asteres estime les coûts épargnés en cas d’aménagement du poste et des horaires permettant la poursuite d’activité à 9 000 euros par salarié arrêté 120 jours, ce qui correspond à la durée moyenne d’arrêt pour cause de cancer. L’étude précise aussi les économies réalisables en conservant le salarié à temps partiel : sur la base du salaire médian, elles reviennent à 665 euros pour 120 jours pour un tiers-temps, à 2 680 euros pour un mi-temps et à 4 898 euros pour deux tiers-temps. « Les économies croissent avec le nombre d’heures travaillées », souligne Nicolas Bouzou.

Certains pays ont compris que remplacer un salarié malade comporte des coûts de frictions importants pour l’entreprise, liés à l’indemnisation, la réorganisation interne, le recrutement et la formation des remplaçants. « En Italie et en Finlande, où des politiques publiques incitatives de maintien dans l’emploi sont menées, l’écart est moins important entre le taux de chômage global et celui des personnes touchées qu’en France », compare l’économiste.

Pour le salarié lui-même, continuer de travailler au lieu d’être arrêté 120 jours améliore le pouvoir d’achat de 85 à 390 euros sur cette période. Un montant non négligeable compte tenu du reste à charge d’environ 1 000 euros par an à assumer. « Une double peine », regrette Anne-Sophie Tuszynski. Par ailleurs, cela permettrait de réaliser entre 147 millions et 283 millions d’euros par an d’économies à l’Assurance maladie sur le versement des indemnités journalières.

Charte Cancer@work.

Une argumentation destinée à motiver de nouvelles entreprises à œuvrer au maintien dans l’emploi des salariés atteints de cancer. Cancer@work compte déjà 17 signataires de sa charte, dont six nouveaux qui ont paraphé le texte à l’occasion du colloque organisé le 2 février : la Caisse d’épargne Loire Centre, celle du Languedoc-Roussillon, celle du Nord France Europe, la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, celle de l’Alsace Lorraine Champagne et le groupe BPCE dans son ensemble.

Dans ces établissements, les ateliers proposés par Cancer@work « ont libéré la parole. Jusqu’à présent, nous agissions mais de manière artisanale, avec la bonne volonté de chacun. Cela nous a permis de structurer la démarche en mettant en place des actions éprouvées ailleurs, ce qui nous a fait gagner en temps et en efficacité », témoigne Christine Fabresse, présidente du directoire Caisse d’épargne Languedoc-Roussillon, qui s’est battu contre la maladie quand elle avait 14 ans et pour qui « le cancer est une histoire de famille ». « Dans ces moments-là, il est important pour le manager de prouver qu’il est attentif à ses collaborateurs, mais ils ne sont pas à l’aise pour en parler, ils ont besoin d’outils », témoigne Catherine Halberstadt, DRH du groupe BPCE. La banque a donc mis en place un guide du manager sur le cancer, les maladies chroniques et le travail, qui sera distribué dans l’année. Il répond à leurs questions depuis l’annonce de la maladie jusqu’au retour au travail, en passant par l’arrêt maladie.

Un taux de chômage plus élevé.

Parmi les 1 000 nouvelles personnes diagnostiquées par jour en France, 400 travaillent. Avec des diagnostics de plus en plus précoces, des traitements de plus en plus performants et moins invasifs, ainsi qu’avec le recul de l’âge légal de départ à la retraite, réfléchir à leur maintien dans l’emploi devient urgent. Presque 50 % des femmes actives atteintes de cancer du sein souhaitent rester au travail, selon l’étude Calista « Maintien de l’activité professionnelle pendant les traitements du cancer du sein » de 2013. Aujourd’hui, la survenance d’un cancer diminue par trois la possibilité de rester en poste et de 30 % les chances de retrouver un emploi. Le taux de chômage des personnes touchées est de 13 points supérieur au taux de chômage global.

Auteure de Cancer et travail, J’ai (re) trouvé ma place ! Comment trouver la vôtre ?, Eyrolles, février 2017

Étude Opinion Way pour Cancer@work réalisée auprès de 1 006 actifs et 142 actifs ayant eu un cancer en octobre 2016.

Allo Alex : une hotline cancer et travail

Est-ce que je dois dire que j’ai un cancer ? À qui ? Dois-je m’arrêter ? Côté malades, les questions sont toujours les mêmes. Côté managers aussi : j’aimerais prendre des nouvelles de mon collaborateur en arrêt maladie sans le déranger, comment faire ? Un membre de mon équipe est revenu au travail, semble fatigué mais a envie de se dépasser : comment lui dire d’envisager un mi-temps thérapeutique ? Alors l’idée d’un point de contact unique a germé : Allo Alex est né. Le site internet a été lancé le 2 février. Le numéro de téléphone gratuit, 0800 400 310, en octobre dernier. Au bout de la ligne, Alex, ou plutôt Karen Sejotte, chargée de projet chez Kepler HR, que dirige la fondatrice de Cancer@work, Anne-Sophie Tuszynski.

Depuis son ouverture, la hotline reçoit entre deux et quatre appels quotidiens de salariés malades, collègues ou managers. « Si les questions sont trop pointues, en backup, une équipe d’experts composée d’avocats, de médecins du travail, d’assistants sociaux et de DRH s’engage à me répondre sous 24 heures », indique celle qui a elle aussi traversé l’épreuve d’un cancer en 2009.

Auteur

  • Rozenn Le Saint