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Gestion d’équipe : Le sensible management du handicap psychique

Les clés | publié le : 31.01.2017 | Florence Roux

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Gestion d’équipe : Le sensible management du handicap psychique

Crédit photo Florence Roux

Accueillir des salariés en situation de handicap psychique demande au manager de ne pas se voiler la face vis-à-vis de troubles complexes, parfois sources de stigmatisation. Tout en cultivant délicatesse et écoute au long cours et en équipe.

Présentes au travail mais souvent ignorées et redoutées : en France, 35 % des collaborateurs seraient gênés de travailler avec quelqu’un souffrant de maladies psychiques(1). Ces pathologies – dépressions, schizophrénies, bipolarités… –, sont la première cause d’invalidité et la deuxième cause d’arrêt maladie. « La souffrance psychique, inhérente à la condition humaine, nous concerne tous, affirme Elsa Abecassis, responsable des partenariats Entreprise-handicap de Clubhouse France (lire ci contre). Contre la méconnaissance qui stigmatise, il importe de savoir et faire savoir, d’associer les équipes. »

Associer est une priorité pour Isabelle Montaggia, DRH de l’Impérial Palace, hôtel-casino à Annecy (74) dont 12 des 230 salariés ont un handicap, pour certains psychique. « Au départ, le handicap psychique a un peu inquiété les équipes, explique-t-elle. Allaient-ils devoir faire le travail de ces collègues plus fragiles ? Sans détailler les pathologies, j’ai informé sur les difficultés des personnes, les attitudes trop brusques à éviter pour ne pas heurter ou créer une tension. Une fois les salariés dans l’emploi, la crainte tombe. » Stanislas Barthélémy, maire de Longueil-Sainte-Marie (60) qui emploie depuis un an un homme avec des troubles psychiques, a dû convaincre : « J’étais acquis au recrutement de Pierre, qui a un DEA de mathématiques appliquées. Mais il a fallu apprivoiser les équipes, leur montrer la valeur de son travail de numérisation et de facturation, expliquer qu’il n’y a pas de raison d’être différent avec lui, ni de se sentir coupable à son égard. La culpabilité mine l’intégration. Et le handicap psychique appelle un management à l’échelle de l’équipe. »

Même approche “globale” de Christophe Dupront, responsable support informatique à Toulouse chez Akka Technologies, groupe qui possède un dispositif d’intégration des handicapés psychiques. Le manager a recruté en septembre 2015 en contrat de pro un jeune homme fragile psychiquement, son 4e collaborateur avec RQTH (sur 12). « Cet accueil requiert la bienveillance de chacun, dans l’accueil puis au quotidien, dit-il. Dans l’équipe, après avoir recueilli un collègue suite à un burn-out, nous avions déjà appris à faire attention les uns aux autres, à nos changements d’humeur. Notre nouveau collaborateur travaille parmi nous, comme nous, mais j’adapte parfois le cadre, je reste attentif aux comportements, sans être intrusif. C’est sensible. »

Suivi attentif

Pour Rebecca Chappe, dirigeante du Cefra (centre de formation et de consulting spécialisé dans les troubles psychiques) à Lyon, « l’écoute active permet d’être attentif, sans a priori négatif, à un comportement étonnant – bégaiement, regard fuyant, posture repliée. Et, lors de l’accueil, il faut présenter clairement l’équipe, le poste, l’organisation. Proposer au salarié le compagnonnage d’un pair ». Celui-ci peut prévenir les tensions et, quand une crise se déclare, aider à « revenir aux fondamentaux : écoute, solutions concrètes et personnalisées. On peut déplacer un bureau, adapter un horaire, rappeler le cadre ou l’assouplir ». Au feeling.

La personnalisation s’impose face à ce handicap multiple, qui peut se traduire par du repli ou de l’agitation, du mutisme ou de la prolixité, avec toutes les nuances de la palette humaine. À l’Impérial Palace, Isabelle Montaggia, adapte les horaires et l’ambiance de travail de chacun et n’hésite pas, en cas de difficulté, à contacter les proches du salarié. « Une baisse de régime est souvent liée à la vie privée, relève la DRH. J’en parle d’abord avec la personne. J’essaye de trouver avec elle des solutions à ses difficultés – d’horaire, de logement, de transport. Et, au besoin, je contacte son entourage. » Cathy Larrazet, responsable hôtelière du pôle Établissements de la communauté de communes d’Annecy, qui accueille notamment depuis un an un cuisinier souffrant d’une maladie psychique, a le même souci du détail. Mais elle s’appuie aussi sur une job coach de l’association d’insertion Messidor : « Elle assure le lien avec le milieu sanitaire. Et elle a le recul et la connaissance nécessaire pour nous orienter. Pour prévenir les difficultés ou, le cas échéant, y faire face ».

Plus-value managériale

À Longueil-Sainte-Marie, Stanislas Barthélémy apprécie l’appui d’un conseiller du Centre d’accompagnement et de formation à l’activité utile (Cafau), « tant dans le suivi qu’en cas de crise. Avec un tiers, sans le regard du chef, le salarié et l’équipe sont plus libres d’exprimer leur ressenti ». Le maire-manager estime que « la maladie psychique rend les dysfonctionnements d’équipe plus sensibles. Mais elle apporte une énorme plus-value au management, car il faut forcément verbaliser, être explicite. »

Les conseils du coach

Elsa Abecassis

Association Clubhouse France, co-auteur du Guide pour mieux appréhender le handicap psychique dans l’entreprise, avec Philippe Bouchard (groupe Randstad)

–1– Sensibiliser ses collaborateurs

Pour créer un climat bienveillant, le manager doit sensibiliser ses collaborateurs. Cela permet d’éviter des mots qui génèrent des maux. Il y a beaucoup d’idées reçues sur la maladie mentale, sa dangerosité par exemple. Or, moins de 1 % des crimes commis en France le sont par des malades psychiques. Ces troubles n’affectent pas les capacités intellectuelles, mais leur mise en œuvre, souvent de manière ponctuelle. Conséquence d’une maladie psychiatrique, ce handicap impacte la santé, les relations sociales, l’insertion et le maintien dans le monde du travail

–2– Réserver un espace d’écoute à la personne

Il est essentiel de réserver du temps et un espace de dialogue, à l’écart de l’espace de travail. Le manager doit prévoir un temps régulier chaque semaine, ou dès qu’il perçoit une difficulté. Ses mots sont simples : comment ça va ? Depuis quelques semaines, je vous sens un peu en retrait. Comment ça se passe avec l’équipe ? Avez-vous besoin de parler ? D’adapter des horaires ? On peut placer votre bureau à l’écart ou au contraire dans l’open space ?

–3– Trouver des relais internes et externes

Le manager peut s’appuyer sur des ressources internes – aux RH, à la mission handicap, auprès du médecin du travail ou des IRP. À l’extérieur de l’entreprise, il trouve des relais dans des associations d’accompagnement qui font le lien entre la vie privée, le soin et l’entreprise. Ou auprès de Cap emploi ou du Sameth*. En tous les cas, il ne doit pas rester seul.

(1) Selon une étude de la fondation FondaMental et Klaesia, en 2014.

* Service d’appui pour le maintien dans l’emploi des personnes handicapées.

Auteur

  • Florence Roux