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L’enquête

Prévention : Le repérage précoce : une méthode qui a fait ses preuves

L’enquête | publié le : 31.01.2017 | V. L.

En avril prochain, un programme de formation de formateurs débutera afin de relancer la méthode « repérage précoce et intervention brève », déjà pratiquée dans certains services de santé au travail, avec efficacité.

« En 2007, nous avions lancé sous l’égide du docteur Philippe Michaud, médecin addictologue, un travail expérimental sur l’efficacité du repérage précoce et de l’intervention brève “alcool” en santé au travail, rappelle Gérald Demortière, médecin coordinateur à l’Ametif santé au travail, (service interentreprises, Val-d’Oise). Et nous l’avions démontrée, avec la participation de 150 médecins sur tout le territoire et sur la base de 33 488 salariés interrogés : une fois sur deux, nous avons aidé la personne identifiée comme ayant des consommations à risque, à passer dans la catégorie des personnes à faible risque. »

La méthode, qui s’appuie sur un questionnaire administré par un médecin ou un infirmier, interroge la personne sur ses pratiques et lui permet de prendre conscience d’un éventuel problème de consommation.

Si elle est encore peu répandue en milieu professionnel, l’initiative d’un plan de formation national de formateurs, lancée par la Mildeca, en association avec l’École des hautes études en santé publique (EHES) et la Direction générale du travail (DGT), devrait lui donner de l’élan.

Dialogue ouvert

« Si nous repérons que notre interlocuteur est dans une zone à risque, nous lui délivrons une intervention brève de cinq à dix minutes, qui est un échange entre deux experts : l’infirmier ou le médecin, “expert technique”, et le salarié “expert” de sa propre vie et de son rapport à l’alcool. Nous cherchons ainsi à susciter un changement de comportement, plus à travers une façon “d’être” permettant l’ouverture d’un dialogue qu’à travers une technique d’entretien. On peut en effet aborder les effets positifs de sa consommation, mais aussi les effets négatifs, et les mettre en balance. L’acteur du changement demeure l’intéressé lui-même. » C’est une réduction de la consommation qui est visée pour un bénéfice santé global.

D’ores et déjà, les intervenants des services de santé au travail peuvent se saisir d’une fiche synthétique réalisée par la Haute Autorité de santé (HAS), qui décrit la méthode, « même s’il vaut mieux être formé par des exercices pratiques de mise en situation », souligne Gérald Demortière.

Guillemette Latscha, médecin coordinateur du groupe Renault, a intégré de longue date cette pratique dans le service autonome de santé au travail du constructeur automobile. « L’alcool demeure pour nous un sujet majeur, relate-t-elle. Il faut faire de la pédagogie en permanence, car il existe toujours une culture de l’alcool festif dans certains milieux socioprofessionnels. »

Depuis l’année 2006, tous les médecins et infirmiers ont été formés à la méthode de la détection précoce avec intervention brève. Ils sont aujourd’hui 22 médecins et 40 infirmiers et infirmières. Au départ, l’entreprise a fait venir des alcoologues pour une formation en interne. Ce qui a permis de proposer un questionnaire FACE ou AUDIT(1) lors des visites médicales, périodiques (tous les deux ans), d’embauche et auprès des apprentis. « Les personnes répondent de façon spontanée, elles sont en confiance avec le corps médical, atteste Guillemette Latscha. Et du côté des apprentis, il est frappant de voir que certains d’entre eux n’ont aucune conscience des excès de fin de semaine, le dialogue engagé permet d’avoir un rôle éducatif. »

Résultat chez Renault : la majeure partie des salariés s’abstiennent (deux tiers), tandis qu’autour de 20 % à 30 % d’entre eux a des consommations à risque et dans le haut de la pyramide, on trouve des personnes dépendantes, dans une proportion inférieure à 5 %, « ce qui est moins que la population générale touchée, entre 10 % et 12 % », souligne la médecin du travail.

Collectivement, une typologie de la pyramide de consommation propre à chaque établissement ou grande direction a été diffusée, avec des explications pédagogiques.

Moins d’incitation à la consommation

« Dans certains grands établissements, des pots sans alcool ont été instaurés, relate la médecin du travail, et c’est finalement aujourd’hui une pratique assez partagée, qui marque la volonté de l’entreprise de ne pas inciter à la consommation. »

Certains ont organisé des actions au fil du temps, des forums d’information, et des règlements intérieurs ont été modifiés pour interdire l’alcool, y compris dans les espaces de restauration collective.

(1) Pour : Formule pour approcher la consommation d’alcool par entretien et acronyme de Alcohol use disorders test.

Auteur

  • V. L.