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L’enquête

Bouygues Construction : Contrôles aléatoires et sensibilisation aux risques pour viser le zéro accident

L’enquête | publié le : 31.01.2017 | V. L.

Le géant de la construction a interdit l’alcool sur les chantiers, tout en prévoyant des mesures d’information sur les risques et un accompagnement des salariés fragilisés.

Depuis sa nomination comme Pdg de Bouygues Construction en 2015, Philippe Bonnave a mis la prévention en matière de santé et sécurité au cœur de sa stratégie. Parmi les mesures fortes : l’interdiction de l’alcool sur tous les sites, bureaux et siège social compris. Ainsi, les récents pots pour les vœux ont eu lieu sans alcool. Même si ce n’est pas le problème numéro un, selon Philippe Villain, directeur prévention santé et sécurité de Bouygues construction, le sujet de la prévention des addictions fait partie des bonnes règles de conduite à adopter pour viser le zéro accident, l’objectif du groupe.

Selon Philippe Villain, l’interdiction a été bien perçue par les salariés : « Tout le monde comprend que l’on doit être exemplaire sur un chantier où on travaille en élévation, à proximité d’engins ou avec des équipements dangereux », affirme-t-il.

Par ailleurs, un événement tragique avait frappé l’entreprise en 2011, sur le chantier de l’EPR de Flamanville : un ouvrier était mort à la suite de l’intervention d’un grutier employé par un sous-traitant, présentant un fort taux de cannabis dans le sang. Bouygues TP avait été relaxé en appel mais condamné à payer des dommages et intérêts, conjointement avec le sous-traitant.

Pour engager la nouvelle politique de prévention, tous les règlements intérieurs ont dû être modifiés, en incluant la possibilité de pratiquer des tests aléatoires, pour l’alcool et les drogues. Ainsi un compagnon peut être contrôlé deux à trois fois par an. « Et dès qu’il y a suspicion, notamment pour les postes à risque, nous pratiquons les tests systématiquement, explique le directeur. En 2016, nous avons procédé à 20 000 tests environ, sur nos salariés mais aussi sur nos intérimaires – qui sont systématiquement testés à leur arrivée. Et quand c’est possible, nous les réalisons auprès de nos sous-traitants. » En 2015, moins de 0,1 % des tests d’alcoolémie ont été positifs, et 0,15 % à 0,16 % des tests de substances psychoactives.

Tests salivaires par les managers

Par ailleurs, les équipes d’infirmiers ou les services prévention principalement ont été formés à la réalisation des tests. « Mais pour ce qui concerne les tests salivaires, la jurisprudence récente du Conseil d’État nous fait aborder le sujet dans un cadre plus serein puisque les managers peuvent désormais les pratiquer, souligne Philippe Villain. Certains inspecteurs du travail avaient contesté nos règlements de chantier. » Les cas positifs sont orientés vers le médecin du travail qui juge l’aptitude du salarié à retourner à son poste. Et si un intérimaire est positif, il est renvoyé à l’entreprise de travail temporaire. Pour les cas les plus sérieux d’addictions, si le salarié est volontaire, un programme d’accompagnement pris en charge par l’entreprise peut être envisagé. « Notre approche ne vise pas la sanction, même si quelques sanctions disciplinaires ont pu être prises – le plus souvent des mises à pied –, sur un effectif de 20 000 personnes, cela reste très marginal. »

Démarche auprès des CFA

Depuis deux ans, afin de sensibiliser tous les salariés au sujet des addictions, Bouygues Construction a organisé des ateliers santé pour expliquer les risques, et dispose aujourd’hui d’un serious game dédié. Autre initiative pour s’attaquer à la consommation “culturelle” de cannabis dans le BTP, notamment chez les jeunes : « Nous avons lancé il y a deux ans, avec le centre de formation Gustave Eiffel, une démarche que nous souhaitons développer en 2017 afin de sensibiliser les apprentis sur les dangers des addictions. »

Mais traiter seulement l’aspect individuel de l’addiction ne permet pas de résoudre le problème, reconnaît Philippe Villain : « Il faut aussi organiser une démarche de prévention collective et aborder la question du besoin de “compenser” que les salariés peuvent ressentir face à des situations de travail difficiles. »

Ainsi, à titre d’exemples, Bouygues Construction a rendu obligatoire les échauffements avant la prise de poste, pendant dix minutes, et a aussi introduit des équipes d’ergonomes sur les chantiers pour travailler sur l’adaptation des postes.

Du côté des syndicats, la perception des initiatives prises diverge. Franck Mauromati, secrétaire CGT du CHSCT de l’agence Colas de Bonneuil, délégué syndical et représentant au CCE, bataille contre la politique qu’il qualifie de « tout répression ». Mais son syndicat est minoritaire. « En 2011, j’avais saisi l’inspection du travail – et obtenu gain de cause – au sujet d’un règlement intérieur, qui prévoyait des tests ainsi que des fouilles inopinées. Cela bafouait les droits fondamentaux des salariés. Mais en appel, la direction avait gagné. » S’il ne conteste pas la nécessité de tests lorsqu’il existe un risque avéré ou une situation de danger, il s’insurge contre leur caractère inopiné.

Pierre-Gaël Loréal, secrétaire fédéral de la FNCB en charge de la santé au travail et des conditions de travail, est beaucoup plus nuancé : « Il ne faut pas faire du contrôle une fin en soi et le sujet des RPS comme celui des conditions de travail doit être abordé, relate le syndicaliste. La sanction doit être le dernier recours mais nous avons observé que des prises en charge ont pu être réalisées par l’entreprise. »

Repères

Activité

Construction.

Effectifs

50 000 collaborateurs dans le monde, 20 000 en France.

Chiffre d’affaires (monde)

12 milliards d’euros, 4,6 milliards d’euros (France).

Auteur

  • V. L.