Le géant de l’acier généralise le suivi personnalisé des salariés consommateurs de drogues ou en difficulté avec l’alcool, en collaboration avec les managers et les services de santé au travail.
Tout a débuté en 1994, après un accident du travail dû à l’état d’alcoolisation d’un salarié. Le directeur du site de Montataire (Oise) demande au médecin du travail de plancher sur des expérimentations pour prévenir l’addiction. Depuis, Dominique Delahaigue est devenue médecin coordinateur du groupe ArcelorMittal Atlantique Lorraine. Elle tente de généraliser les solutions trouvées aux sept autres sites français. Pour ce faire, elle pilote un groupe de travail composé d’autres médecins, d’infirmiers, de responsables RH, qualité et sécurité depuis février 2016.
Le plan de prévention comporte quatre axes. Le premier consiste à inclure dans le règlement intérieur l’interdiction totale d’introduire et de consommer de l’alcool sur le site, même pour les pots. Par ailleurs, la démarche qualité et sécurité de l’entreprise intègre les procédures liées à l’addiction : elles précisent le rôle de chacun, du RH au manager, et mettent un guide à la disposition des encadrants. « Il préconise que le manager ait un entretien formalisé avec le salarié qu’il pense être en difficulté avec une consommation de substances psychoactives, en partant de faits, pas d’un jugement, et en indiquant qu’il constate des dysfonctionnements ou des retards à répétition, par exemple, ce qui le laisse penser qu’il pourrait avoir besoin d’aide », relate Dominique Delahaigue.
Le deuxième axe concerne la formation, notamment des 600 managers d’ArcelorMittal en France, pour les aider à mieux détecter les addictions, à être armés pour aborder la problématique avec les salariés et savoir comment prendre contact avec les services de santé au travail. Une formation qui s’étalera sur les deux à trois ans à venir. Tous les médecins et infirmiers ont déjà été formés à la méthode repérage précoce et intervention brève (RPIB, lire aussi pageX). Celle-ci « permet à chaque salarié de s’autoévaluer. 1 % des salariés sont dépendants à l’alcool. Ils ont besoin d’une prise en charge médicale, expose le médecin. Mais nous devons aussi et surtout travailler en dessous de ce niveau de dépendance, pour ceux qui ont une consommation à risques ou à problèmes qui peut avoir des conséquences sur la santé, l’absentéisme ou l’accidentologie. » Enfin, dès février, la formation sur la sécurité, destinée à l’ensemble des salariés, comprendra une sensibilisation aux risques de l’addiction. Et sur le site pilote de Montataire, chaque nouvel arrivant devra la suivre.
Le troisième axe du plan de prévention consiste en un contrat d’accompagnement tripartite entre la personne en difficulté, son manager et son médecin en santé au travail, dans le respect du secret médical. Vingt contrats sont actuellement en cours dans l’entreprise, la moitié pour une addiction à l’alcool, l’autre au cannabis. « Le manager le propose à l’intéressé, avec tact, empathie, mais en cadrant aussi les choses en lui exposant les possibilités de sanctions graduées », indique la médecin. Il s’engage ensuite à des dates étapes de suivi auprès du médecin et à ne plus être en retard, par exemple, auprès de son manager.
« Il est important d’être crédible. Les sanctions sont graduelles et cette option est utilisée sans difficulté car elle est motivée, fait partie d’un ensemble de mesures, lisibles par tous », illustre Philippe Lejemble, directeur qualité sécurité environnement (QSE) d’ArcelorMittal Atlantique Lorraine. « Nous supportons toute démarche qui vise à anticiper une dégradation de la santé et de la dépendance et à traiter cette maladie qu’est l’addiction », commente Xavier Le Coq, délégué national CFE-CGC pour ArcelorMittal France.
Le dernier axe du plan concerne la gouvernance : depuis le 1er janvier 2017, le DRH, les médecins du travail et les responsables de service se réunissent en un comité central de prévention des addictions trois fois par an, qui est également décliné sur chaque site, pour suivre la population à risque et prendre des mesures destinées à les aider.
Activité
Sidérurgie.
Effectifs
17 310 salariés en France.
Chiffre d’affaires (2015)
9,3 milliards d’euros.